A Contre courant : La voie grecque




Chaque mois, lr mrndurl Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne A Contre Courant (http://www.acontrecourant.org/), qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.

Inexorablement, la crise structurelle dans laquelle se débat le capitalisme depuis quatre décennies, et dont la phase inaugurée par le krach financier lié à la diffusion des prêts subprime n’est que le dernier épisode en date, déploie sa logique. Ayant cru trouver une solution à sa crise, en initiant à l’aube des années 1980, la mise en œuvre des politiques néolibérales et la transnationalisation du capital, pour instaurer une concurrence planétaire entre capitaux et plus encore entre travailleurs, le capital n’a fait que tomber de Charybde en Scylla : s’il a su redresser son taux de profit, dont la part majeure s’en est allé gonfler la poche des actionnaires, c’est en étranglant la demande salariale. Orgie de spéculation financière d’un côté, gonflement de l’endettement privé de l’autre ont été les deux faces de la crise chronique de réalisation qui en a résulté, conduisant droit au krach des subprime.

Il aura fallu l’intervention massive des États, à coup de milliers de milliards de dollars, de livres sterling, d’euros, de yen ou de yuan pour sauver alors le capital financier et le capital tout court de sa faillite. Elle aura consisté à substituer l’endettement public à l’endettement privé avec pour conséquence d’amener les gouvernants à demander à leurs citoyens de payer une deuxième fois le prix de la crise : déjà soumis à la potion amère du chômage, de la précarité et de l’austérité salariale, ils sont désormais « invités » à mettre la main à la poche en tant que contribuables tout en devant se serrer un peu plus la ceinture en tant qu’usagers des services publics et que prestataires d’un État-providence en peau de chagrin… et bien évidemment en tant que salariés, à nouveau.
Cela dit la nature et donne la mesure de l’enjeu des mobilisations collectives qu’on a vu se développer contre de pareilles politiques en Europe au cours de ce printemps, de Londres à Lisbonne en passant par Rome et Madrid, après celle de l’automne dernier en France. Mais cela donne aussi la mesure des limites actuelles de ces mêmes mobilisations. Oscillant pour l’instant entre l’indignation morale et les objectifs catégoriels, elles ne désignent pas et elles atteignent encore moins ce qui devrait être leur cible immédiate : la dette publique qu’il s’agit de récuser purement et simplement comme illégitime.

Il n’est guère pour l’instant qu’en Grèce que des voix se sont fait entendre, au niveau d’un mouvement de masse, pour exiger une telle récusation, en joignant d’ailleurs le geste à la parole, en installant progressivement le pays dans un état de contestation permanent du gouvernement Papandreou, mêlant discussions publiques, grèves générales, manifestations de rue, non paiement des services publics, réquisitions de biens de première nécessité, etc. Bien moins médiatisée que l’occupation bon enfant de la Puerta del Sol, l’agitation sociale grecque indique la voie selon laquelle doit se réaliser la « démocratie réelle » exigée par la première : celle d’une réappropriation collective des biens publics et des moyens sociaux de production qui ne peut faire l’économie d’un affrontement avec la classe dominante et son appareil d’État.

 
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