A Contre-courant : Violences




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


La flambée de violences, confinant par moments à l’émeute, qu’a connue un grand nombre de banlieues des grandes agglomérations urbaines au début du mois de novembre, n’aura surpris que ceux qui ignorent la réalité qui y règne. Conjuguant chômage et précarité, délabrement du bâti et désertification des équipements collectifs et de services publics, pauvreté et misère, désespérance et ressentiment, économie parallèle faite de trafics divers entre les mains de bandes à tendance mafieuse, ces banlieues concentrent tous les fruits amers de trente années de crise économique. L

’ensemble de ces maux y affectent plus particulièrement une jeunesse prolétaire très tôt déscolarisée et qui n’a plus aucun espoir ni même aucun désir d’entrer un jour dans le régime du salariat stable. Et la partie de cette dernière qui est issue de l’immigration d’origine maghrébine ou africaine, récente ou plus ancienne, y subit de surcroît discrimination ethnique et “ raciale ”, tracasseries et vexations de la police.

Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce qu’un incident un peu plus grave que ceux qui ponctuent la vie quotidienne de ces lieux ne vienne mettre le feu aux poudres. La révolte qui éclate alors porte elle-même les marques de la misère psychologique et idéologique de ceux qui se soulèvent. Aveugle et irréfléchie, elle s’en prend aux quelques biens privés (les automobiles) ou publics (ce qui peut rester d’équipements collectifs) de ces quartiers, faisant de leurs habitants, donc des voisins, ses principales victimes.

Des pauvres s’en prenant à d’autres pauvres, c’est pain bénit pour les riches, c’est-à-dire tous ceux dont la richesse et le pouvoir reposent précisément sur l’appauvrissement et l’impuissance des précédents. D’une part, parce qu’ils sont ainsi quittes de toute leur responsabilité. D’autre part, parce qu’ils trouvent là l’occasion de renforcer encore leur pouvoir en durcissant la répression de ces actes, en instituant un état d’exception qui tend à devenir la règle et qui servira demain à criminaliser d’autres formes de lutte, surtout en bénéficiant de l’appui d’une population apeurée par ses “ sauvageons ”, dont la révolte devient synonyme de barbarie et qu’on a tôt fait de qualifier de “ racaille ”, comme on l’a qualifiée jadis de “ canaille ”.

En fait de racaille, nous n’en connaissons qu’une, pour notre part. C’est celle qui peuple les conseils d’administration des grands groupes industriels et financiers, dont la soif de lucre et de puissance produit et entretient anonymement la misère d’une part grandissante de la population. C’est celle qui peuple les sommets des appareils d’Etat qui, avec un cynisme à peine voilé, organise les conditions générales de l’oppression des précédents.

C’est celle enfin des “ chiens de garde ”, journalistes, universitaires, intellectuels qui, par médias interposés, tentent de justifier le désordre ainsi établi, c’est-à-dire cette violence institutionnalisée qui, au quotidien, broie des millions d’existences. C’est à cette racaille-là que nous nous proposons, pour notre part, de demander un jour des comptes et même de régler son compte.

 
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