Airbus : chronique d’un détournement annoncé




Mars 2007… deux Airbus s’écrasent, réduisant en poussière l’édifice européen si patiemment bâti. L’acte de terrorisme patronal risque de laisser derrière lui près de 10 000 victimes et autant de dommages collatéraux dans les rangs des sous-traitants. Autopsie d’un pillage méticuleusement organisé.

La nouvelle tourne en boucle, Airbus était donc vraiment malade et seul le remède drastique du docteur Gallois pouvait le sauver : fermeture de 3 sites, cession de 3 autres, restructuration à marche forcée. Au bord du chemin, plus de 10 000 salarié-e-s regardent éberlué-e-s leur outil de travail s’envoler sous d’autres cieux. La colère se mâtine d’un arrière-goût d’incompréhension : le carnet de commandes est rempli et le chiffre d’affaires en progression. Alors comment expliquer un cadavre si cavaleur ?

Noir dessein

Loin d’être un cas isolé, Airbus est la nouvelle démonstration de la stratégie de pillage savamment organisée des réalisations collectives européennes par une poignée d’actionnaires très influents dans les milieux politiques et de l’armement.

Acte 1 : attendre que les deniers publics fructifient en une industrie florissante.

Acte 2 : se glisser alors dans la bergerie. La privatisation est menée par les gouvernements allemand et français (de Balladur à Jospin), aboutissant à la création du géant privé EADS. Les familles Lagardère et Daimler en prennent les commandes, laissant à l’État français 15 % du capital – permettant le subventionnement légal dans la compétition face à Boeing. Le mouton peut continuer à engraisser.

Acte 3 : ramasser la mise et socialiser les conséquences. Le temps est à la reconversion vers le secteur plus lucratif et influent des médias. Les actionnaires veulent donc du cash et la messe est dite pour Airbus : priorité à la rentabilité à court terme, augmentation des cadences, réduction des coûts, politiques salariales minimalistes, externalisation à outrance, pillage des subventions locales.

On vous descend à la prochaine ?

Il ne restait plus qu’à faire avaler la pilule. Le cafouillage de la direction d’Airbus dans sa gestion des programmes A380/A350 – sur fond de scandales financier (délit d’initié), politique (Clearstream) et industriel (Sogerma) – permettait l’entrée en scène du PDG Gallois (tout juste auréolé de la séparation “ réussie ” entre le Réseau ferré français et la SNCF) et le passage en force du plan Power 8 préparé de longue date.
L’avenir s’annonce pourtant encore plus sombre. Forte d’un carnet de commandes bien rempli, la compagnie va devoir assurer l’ensemble de ses livraisons avec une amputation de 20 % de ses effectifs. Les survivantes et les survivants du plan de licenciement vont donc subir une dégradation violente de leurs conditions de travail. Sans oublier le transfert programmé d’une partie de la production au Mexique et en Chine. Loin d’être l’ultime plan de sauvetage, Power 8 n’est que le début d’une restructuration à plus vaste échelle.

Noirs désirs

Alors que faire ? L’alternative d’une recapitalisation publique (via le rachat des actions Lagardère et Daimler par l’État ou les régions au prix du marché) ne ferait qu’entériner la spoliation, libérer les actionnaires de leur responsabilité et faire payer doublement les travailleurs et les travailleuses ! Au-delà de la nécessaire solidarité internationale et intersites, la seule solution est de reprendre les commandes de l’entreprise en se réappropriant la richesse générée par notre travail. Les bénéfices doivent rester à Airbus pour des choix industriels faits autour et non contre les salarié-e-s. Ce que nos camarades de Lip ont montré en 1973 doit nous servir d’exemple – tant dans la confiance dans nos compétences que dans la possibilité de réussir. Comment ? Un carnet de commandes rempli devient vite une arme lorsque la production cesse sur tous les sites. À nous de déclencher la grève émancipatrice !

Johann (Groupe Spartacus/AL Mantes-la-Jolie), militant chez EADS


<titre|titre=EADS Un géant industriel…>

EADS (European Aeronautic Defence and Space company) a été créé le 10 juillet 2000 par la fusion de l’allemand DASA, du français Aérospatiale-Matra et de l’espagnol CASA.

Cinq divisions composent le groupe : Aéronautique, Airbus, Armement, Avions de transport militaires, Aérospatiale.

L’actionnariat (au 19 février 2007) se répartit entre l’allemand DaimlerChrysler (22,47 %) ; l’État français (15 %) ; le français Lagardère (14,95 %) ; l’espagnol SEPI (5,48 %) ; la russe Vnechtorgbank (5 %) ; la française Caisse des dépôts et consignations (2,25 %) ; 0,79 % en autocontrôle, le reste en capital flottant.
Effectifs : 110 000 personnes (dont Airbus 55 000).

… aux pieds d’airain

Prise de commandes record en 2006 (1 063 appareils : 4 années de livraison assurées) ; pic historique de livraison en 2006 ; chiffre d’affaires en progression de 8 % ; dividendes en progression de 45 % par rapport à 2005 ; près de 8 milliards d’euros de cash disponible ; rentabilité sur capitaux investis supérieure à 28 %.

Et il faudrait que les travailleurs et les travailleuses paient ?

 
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