Algérie : Floraison de revendications




Depuis quelques semaines, les grèves se succèdent en Algérie, touchant quasiment tous les secteurs, demandant que se multiplient les créations de syndicats autonomes. Des grèves illimitées s’organisent.

Le 6 avril le Syndicat national autonome des personnels de l’Administration publique (SNAPAP) appelait tous les fonctionnaires du secteur public à une première journée de grève générale. Avant cet appel, des chômeurs aux cheminots, en passant par le paramédical, les journalistes et fonctionnaires des impôts, tous ont entamé des mouvements de protestation et des grèves illimitées paralysant certains secteurs pendant au moins une semaine. Intransigeants, les grévistes, par milliers, affichent une volonté et une détermination sans faille.

Le paradoxe de l’Algérie

L’Algérie a remboursé la quasi-totalité de sa dette extérieure (32,4 milliards de dollars en 1994, 440 millions de dollars en 2010) et les caisses de l’Etat n’ont jamais été aussi pleines – 55,7 milliards de dollars en 2010 grâce aux hydrocarbures – , mais le malaise socio-économique et politique demeure le quotidien des Algériens. L’échec des différentes réformes menées – privatisation intensive, inadaptation du système éducatif, structures hospitalières insuffisamment équipées – s’est ajouté à l’inflation économique, à la crise de logement, à la tension alimentaire, sur fond de corruption et de précarité, pour former autant de catalyseurs de la protestation récente.

La formation de comités et de coordinations autonomes [1] est la preuve de la prise de conscience des mouvements de pouvoir se représenter eux-mêmes. Les collectifs en lutte refusent toute récupération d’organisations politiques ou syndicales jugées obsolètes. Les protestataires sont fondateurs de leur mouvement, porteurs de leurs revendications et garants de leur engagement.

Vers de nouvelles formes d’organisation

L’auto-organisation est de mise et appliquée de façon admirable au sein de certains collectifs (étudiants, chômeurs, médecins). Comités aux tâches bien réparties, systèmes de rotation des rôles et responsabilités militantes... « Pas de chef ici, notre collectif est basé sur un principe d’égalité, c’est notre force » clame un médecin protestataire lors d’une assemblée. Les grévistes, autocritiques, n’hésitent pas à mettre en question leur ligne de conduite.

Malgré l’impressionnant dispositif de sécurité, de nombreux sit-in sont organisés, de jour comme de nuit. Des milliers de grévistes, venus des quatre coins du pays, investissent la Présidence, le Palais du gouvernement, les Ministères et les services publics. Le relais est pris aussi au niveau des différentes wilayas, symbole de contestation locale et nationale. Devant la baisse du niveau de vie et la précarisation des travailleurs, les différents collectifs revendiquent hausses salariales, représentation syndicale autonome, amélioration des conditions de travail et des systèmes de soin, la reconnaissance des statuts particuliers, le droit au logement et au travail. En somme, une redistribution équitable des richesses. La force, l’organisation et la détermination de ces collectifs constituent un catalyseur majeur dans la construction socio-politique actuelle de l’Algérie.

Daria, collectifs autonomes en lutte (Alger)

[1Tels que la Coordination Nationale Autonome des Étudiants, le Collectif Autonome des Médecins Résidents Algériens, le Comité National de Défense des Droits des Chômeurs…

 
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