Allemagne : Automne 2005, début d’une nouvelle periode ?




Alors que tous les projecteurs sont tournés vers les huiles de la grande coalition au pouvoir des chrétiens et sociaux-démocrates, notre camarade Willi Hajek évoque pour AL, les espoirs issus des débats politiques dans la gauche syndicale et des mobilisations dans les entreprises allemandes.

Schroeder n’est plus chancelier. Avec des larmes aux yeux, il a fait des adieux aux délégué(e)s du congrès du syndicat de la chimie, l’aile vraiment réactionnaire du Deutsche Gewerkschaftbund (DGB, Confédération des syndicats allemands, syndicat unique et courroie de transmission du Parti social-démocrate, le SPD). Les dirigeant(e)s de ce syndicat ont été élu(e)s avec 96 % des voix en faisant l’éloge des contre-réformes de ce pauvre fils d’ouvrier devenu chancelier. Mais cette amitié profonde entre l’appareil syndical d’un secteur de pointe de l’économie allemande et le SPD montre bien la base concrète de ce Parti social-démocrate. Avant de quitter son poste de ministre du travail, Clement (SPD) a tenu un discours contre les « parasites » parmi les chômeur(se)s annonçant le contrôle permanent, les visites à la maison et autres brimades. Par ces mots, ils disent vouloir mobiliser les travailleur(se)s honnêtes contre les voyous parmi tous ces protestataires.

Le nouveau Parti de la gauche (die Linkspartei) va présenter au Parlement ses propositions pour un salaire minimum et aussi pour l’augmentation des allocations de chômeur(se)s.

Le nouveau gouvernement va essayer de continuer dans le chemin tracé par ces prédecesseurs. Parmi la population, il n’y pas de doutes ni d’espoir pour une amélioration qui viendrait d’en haut.

La gauche syndicale s’organise et mobilise

Mais comment se préparer pour retrouver la dynamique sociale des manifestations du lundi de l’été 2004 et des grèves et actions « sauvages » ?

Au début d’octobre, il y a eu la rencontre fédérale de la gauche syndicale à Francfort.

Une grande partie du débat tournait autour de l’attitude vis-à-vis du nouveau « Linkspartei ». Un tiers des participant(e)s sont assez étroitement lié(e)s à ce parti et en sont souvent membres ou même candidat(e)s. Ils/elles veulent remobiliser les travailleur(se)s autour du thème « réduction du temps de travail et pour de vraies réformes sociales ». Ils/elles présentent ces revendications comme une sortie de la crise et comme une solution pour diminuer ou même faire disparaître le chômage. Donc, l’analyse de la crise se réduit pour eux/elles à une question de distribution de la richesse – de l’argent il y en a assez – il faut changer la répartition, augmenter les salaires, etc.

Le deuxième courant émergeant dans ce congrès présente une tout autre vue sur la dynamique de la crise. La dynamique du capital qui cherche une rentabilité à tout prix signifie qu’il n’y a plus d’emplois garantis comme au temps de fordisme (cf. Volkswagen, Opel, services publics). Le chantage social et la soumission appartiennent à la vie quotidienne des travailleur(se)s avec ou sans emploi. La conséquence de cela est une précarisation croissante de toute la population. Et c’est le point de départ de la restructuration d’un syndicalisme alternatif. C’est-à-dire qu’il faut essayer de constituer des groupes syndicaux autonomes dans les usines et les entreprises aussi bien que dans les quartiers. Il faut impulser le travail commun des salarié(e)s dans les territoires, que ce soit dans les villes ou dans les régions pour reconstruire un mouvement impulsé d’en bas.

Ces propositions sont avancées par des syndicalistes d’opposition qui ont une longue expérience d’un travail à contre-courant dans les très grandes entreprises contre les oligarchies bureaucratiques. Ces délégué(e)s ont acquis une certaine légitimité pas seulement parmi les militant(e)s de la gauche sociale, mais aussi parmi les travailleur(se)s dans leurs régions et leurs villes. C’est d’une grande importance, dans la vie sociale en Allemagne, qu’il y ait des militant(e)s qui incarnent à travers leur combat de longue date, leur personnalité, leur modestie, un autre type de syndicalisme.

Et la bureaucratie a peur que la gauche sociale gagne de plus en plus un visage qui soit différent aussi des politicien(ne)s du nouveau « Linkspartei ».

L’automobile et la santé à la pointe des luttes

Ce sont les différents groupes d’opposition chez Mercedes, Opel, Ford, dans les services publics, qui veulent dynamiser cette structuration à la base, sur le terrain, créer des forums pour l’avenir afin de débattre des perspectives de transformation sociale. Il ne faut pas une autre politique, mais faire la politique d’une autre manière. C’est à nous de faire la politique, trouver notre expression autonome indépendamment des partis établis ou pas encore établis.

Nous voulons unifier les travailleur(se)s pour dépasser l’individualisation, apprendre à se défendre, se lier aux différents mouvements sociaux. Mais la structuration doit partir d’en bas.

Il faut savoir qu’en Allemagne, il y a une mobilisation très inégale et très différente selon les régions. La région du Sud de l’Allemagne, autour de Stuttgart et Mannheim, connaît depuis quelques mois une très forte mobilisation aussi bien dans l’industrie (Alstom, Mercedes), que dans le secteur de la santé publique. Dans cette profession, les grèves spontanées se multiplient dans les hôpitaux avec une participation très, très large de tous les secteurs du personnel soignant. En même temps, il y a des réunions d’ensemble de tous les syndicats pour défendre la santé publique et le droit des travailleur(se)s et des usager(e)s de ce secteur. Cette petite transformation du contexte des luttes sociales est possible grâce à la présence d’une gauche dans les structures officielles du syndicat et le mouvement de la rue qui a ses racines dans les groupes alternatifs issus de la production.

Cette ambiance explique un peu comment et pourquoi est parti de cette région, le mouvement contre les organismes génétiquement modifiés (OGM) et avec des actions comme le fauchage volontaire. C’est un noyau de paysan(ne)s et d’apiculteurs/trices qui a créé ce réseau (www.gendreck-weg.de) qui a mené des actions de desobéissance civile contre les champs de maïs OGM en présence des paysan(ne)s suisses, français(es) et autrichien(ne)s.

Je voudrais signaler un dernier point important de la vie sociale et syndicale. Ce sont les élections des délégué(e)s syndicaux/ales qui se préparent dans les entreprises et surtout dans les grandes entreprises métallurgiques. Les délégué(e)s jouent un assez grand rôle dans le partenariat social à l’allemande. Et la présence ainsi que le succès des listes alternatives montrent bien l’influence et la combativité des travailleur(se)s.

En tout cas, l’Allemagne d’en bas bouge, réfléchit et montre de nouveau de petits signes de révolte.

Willi Hajek, Berlin, le 19-10-2005

 
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