VIIIe congrès d’Alternative libertaire - Agen - octobre 2006

Antipatriarcat, antisexisme, féminisme




À l’issue de son VIIe congrès, Alternative libertaire adoptait une motion [1] précisant les bases et les perspectives d’une réflexion et d’une lutte politique contre le sexisme et le patriarcat. En préalable, cette motion reconnaît la co-existence de deux systèmes d’oppression distincts, quoiqu’en interaction dans nos sociétés dites modernes : le capitalisme et le patriarcat. Elle pose ainsi la nécessité de penser ces rapports de pouvoir à la fois pour eux-même et dans leur entremêlement. Rejetant toute conception naturaliste et essentialiste des identités sexuées, des sexualités et des relations entre groupes de sexe, ce texte rappelle que la construction sociale des rapports de sexe est fondatrice d’un ordre sexué inégalitaire et oppressif que l’on peut déconstruire. Il invite à penser ensemble, dans leur interaction, d’une part, les représentations et les pratiques sociales sexistes et, d’autre part, l’ordre patriarcal et ses institutions. Il propose des pistes d’intervention et des revendications visant à la promotion et à l’autopromotion des femmes. Il propose enfin la (re)création d’une structure spécifique antipatriarcale et antisexiste dans notre organisation.
La motion que nous proposons vise à compléter et à approfondir ces points. Nous n’y reviendrons donc pas, ou à peine...
Mais nous pouvons sans doute maintenant pousser plus avant la réflexion et l’action. Se demander en quoi cette lutte, dont tout le monde s’accorde à penser (à faire en sorte ?) qu’elle participe entièrement d’un projet révolutionnaire, est en soi révolutionnaire, égalitaire et libertaire. Notamment, comment elle remet fondamentalement en cause les représentations et les normes dominantes dans notre société des identités sexuées et des sexualités, et par là même l’ordre social établi. Et d’élaborer (enfin !) une réelle stratégie politique en terme d’axes et de moyens de lutte.

1. UN MONDE SEXUÉ, DES CATEGORIES SEXUELLES : UN SYSTÈME D’OPPRESSION ET D’EXPLOITATION

1.1 Enjeux de genre, un autre genre d’enjeux

« Être » une femme, « être » un homme, « être » hétéro, homo, bi, trans ... ces assignations à des catégories sexuées et sexuelles ont des effets très concrets sur nos expériences et nos relations sociales dans les sphères privée et publique. Celles-ci assignent les individus dans des statuts et des rôles sociaux hiérarchisés dont nous faisons quotidiennement l’expérience. Les femmes ont directement à gagner à en finir avec ces catégorisations, résultats et supports de rapports de domination et d’exploitation. Cependant, l’émancipation des hommes par rapport au modèle de virilité imposé et incorporé constitue pour eux aussi un véritable bénéfice. Le virilisme, la performance, l’agressivité, la dévalorisation de l’expression de ses émotions sont des vecteurs de souffrance pour les hommes, quelques bénéfices qu’ils en tirent. Ces postures, érigées en valeurs sociales, entrent en totale contradiction avec le projet de société que nous défendons.

Le groupe social des hommes domine et exploite celui des femmes. Mais, parallèlement, une approche en terme de rapports de genre permet de penser, au delà des individus biologiquement « femme » ou « homme » (rappelons qu’ils sont parfois les deux), la supériorité dans les rapports sociaux du masculin sur le féminin et la légitimité de l’hétérosexualité par rapport aux autres formes de sexualité. Les représentations, pratiques et relations sociales de domination et d’exploitation sont véhiculées et incorporées par les hommes comme par les femmes dans le cadre d’une socialisation et d’institutions patriarcales. S’en libérer se présente donc comme une lutte commune d’émancipation, et non une mise en accusation des hommes et des hétéros qui les engloberait dans des catégories d’oppresseurs voulant conserver leurs privilèges.
Enfin, il s’agit de comprendre et d’élaborer des pratiques de résistance à l’oppression genrée et de la norme hétérosexuelle, qui ne sont bien sûr pas le fait exclusif des opprimés. C’est pourquoi nous envisageons la lutte comme une lutte fondamentalement mixte, ce qui n’exclut pas des cadres de non-mixité.

C’est en gardant à l’esprit ces lignes d’horizon de la lutte antipatriarcale, antisexiste et féministe que nous pouvons renouveler nos objectifs et nos pratiques en la matière.

1.2 Des rapports de domination et d’exploitation encore d’actualité

La place subordonnée des femmes dans la plupart des sociétés, malgré des avancées récentes en termes de droits qui se traduisent ici et là par une égalité formelle entre hommes et femmes, est une récurrence qui précède le capitalisme et n’en est pas dépendante. Les principaux mécanismes de cet état de fait dans nos sociétés actuelles reposent sur la division sexuelle du travail ainsi que sur les statuts et rôles sexués, qui dépendent des représentations des attributs et qualités féminins et masculins. On ne peut comprendre et lutter contre les inégalités persistantes entre hommes et femmes sans les relier aux représentations sociales genrées, et aux rapports de genre dans la sphère domestique. L’accès différencié et inégal des hommes et des femmes aux richesses et aux responsabilités publiques en découle et en permet la reproduction. Ces dynamiques sont connues et nous n’y reviendrons pas ici [2] . Elles rappellent cependant qu’il ne suffit pas de souhaiter l’égalité comme un principe abstrait, mais qu’il faut s’attaquer aux racines de la domination et de l’exploitation. Cela nécessite non seulement des luttes collectives pour remettre profondément en cause un système de pratiques sociales, mais aussi nos propres représentations des statuts et rôles sexués en tant qu’individu(e) et militant(e).

En effet, en filigrane des systèmes et des mécanismes de domination et d’exploitation évoqués plus haut, le contrôle du corps et de la sexualité des femmes, participant à leur subordination, est toujours présent. Quelle qu’en soit l’origine, les effets en sont visibles, depuis les prescriptions imposées aux femmes et aux hommes en matière de sexualité jusqu’aux violences sexistes. Certes, ce tableau mériterait d’être nuancé aujourd’hui. Pour autant, l’ordre moral organisé (groupes politiques et groupes religieux) ou diffus (persistance de représentations et/ou de pratiques discursives et matérielles) persiste. L’interdiction de jouir - en tout cas autrement que dans le cadre de la conjugalité homme/femme - est liée au renvoi des femmes aux fonctions domestiques et rappelle régulièrement que les acquis en la matière ne sont pas garantis. De même pour l’obligation inverse de la « performance », faite aux hommes, qui est liée au renvoi des hommes à une image de virilité, de puissance voire de domination Plus encore, cette instabilité révèle les contradictions de sociétés qui, sous couvert de progressisme sexué et sexuel, sont loin d’avoir mené à terme la révolution sexuée et sexuelle. C’est alors une profonde déconstruction des modèles de la « virilité » et de la « féminité », et de leur soi-disant complémentarité, qui s’avère nécessaire.

C’est aussi en articulant les prismes de l’exploitation du travail et du corps des femmes (et parfois des hommes), et des stéréotypes sexistes concernant aussi bien les hommes que les femmes, que nous pourrons nous positionner sur les violences sexistes. La prostitution et la pornographie en sont à notre sens des maillons.

Pour agir, la lutte pour l’égalité des droits reste d’actualité : elle est un levier de transformation des conditions matérielles de vie et de rééquilibrage du rapport de force. Pour autant, elle n’induit pas mécaniquement l’égalité réelle et l’émancipation des contraintes de genre et sexuelles. Celles-ci dépendent tout autant d’un changement de représentations et de comportements qui nécessite d’une part une prise de conscience et une identification des rapports de pouvoirs et de leurs mécanismes, et d’autre part la possibilité d’expérimenter d’autres relations et pratiques sociales. Collectivement, nous pouvons proposer des cadres d’analyse, des outils et des pratiques alternatives là où nous agissons.

1.3 Genre, virilité et norme hétérosexuelle

La prise en compte de la domination de genre, et de ses effets dans tous les domaines de la vie sociale, est de mieux en mieux intégrée, au moins en principe, dans les mouvements de contestation de l’ordre établi. Elle laisse cependant fréquemment dans l’ombre deux de ses corollaires : le primat de l’hétérosexualité, et celui de la virilité.
L’hétérosexualité se manifeste sous deux aspects. D’un côté, il s’agit d’une institution reposant sur une organisation sociale, morale, religieuse, et de l’autre, d’une pratique. Depuis notre enfance tout est mis en œuvre pour que nous soyons destiné(e)s à l’autre sexe.

L’hétérosexualité repose sur l’idée qu’elle serait « naturelle ». Elle induit en amont l’idée que le rôle « naturel » de la femme est de faire des enfants, et s’appuie sur la reproduction du système de la famille conjugale, pilier de l’ordre socio-économique.

Cette institution toujours bien réelle a pour conséquence de renvoyer l’homosexualité à une pratique/orientation sexuelle « contre-nature ». Dans le meilleur des cas, si les gays et lesbiennes sont accepté(e)s ce n’est qu’au nom du droit à vivre sa différence, comme l’acceptation d’une déviance par rapport à la norme. L’homosexualité est condamnée dans 80 pays. En Iran, 4 000 homosexuels ont été exécutés depuis 1979. En Pologne, la Gay et Lesbian Pride est interdite et réprimée par les forces de droite. En France, derrière un discours dominant de refus des discriminations, l’hétérosexualité est âprement défendue.
Une autre oppression, plus sournoise car plus dissimulée, vise à dénier la validité d’un positionnement, non en tant qu’hétérosexuel(le), ou en tant qu’homosexuel(le), mais en tant que bisexuel(le). On bride certaines volontés d’émancipation sous un tabou moral. La bisexualité est aujourd’hui, du moins en France, décrédibilisée, voire diabolisée, tandis qu’est portée au pinacle une vision aseptisée et politiquement correcte de cette identité sexuelle. C’est le cas de ces baisers entre femmes, de certaines pratiques sexuelles lesbiennes ne visant qu’à exciter et à attirer le mâle. La bisexualité est vue par une partie de la bien-pensance hétérosexuelle comme une pratique fourbe dont il faut se méfier.

Quant aux homosexuel(le)s, qui partagent pourtant la même position de lutte contre l’hétéronormalité triomphante et intolérante, nombre d’entre eux rejettent les bisexuel(le)s, ne les jugeant pas assez pur(e)s. Bien que la volonté des associations soient une coordination et une pratique des luttes LGBT, il apparaît hélas que les bisexuel(le)s restent marginalisé(e)s et déconsidéré(e)s. Il s’agit aujourd’hui de soutenir la défense de l’identité bisexuelle, en complément de l’identité homosexuelle, contre un ennemi commun, la norme hétérosexuelle, et contre la structuration binaire et manichéenne de la société : les hommes/les femmes, les homos/les hétéros...

Plus largement, ce système donne une place démesurée à une identité sexuelle unique et statique dans la construction de l’individu. Elle limite la possibilité d’émancipation de chacun(e). Dans le même sens, nous visons le dépassement de la conjugalité (monogame !) obligée. L’enjeu est de parvenir à dissocier définitivement le désir et les pratiques sexuelles de la reproduction (qui perpétue le système patriarcal par la famille matrimoniale), et de reconnaître la multiplicité des formes d’investissement et de plaisir affectifs et/ou corporels. Il s’agit donc de s’attaquer aux cadres normatifs dominants de la sexualité.
Dans une société patriarcale et viriliste, l’acte hétérosexuel n’est pas exempt d’enjeux de pouvoir, notamment du pouvoir des hommes sur les femmes, jusque dans sa représentation : on conçoit la pénétration comme un rapport « actif/passif », et cet acte en terme de « pénétrant/pénétré ». La différenciation s’accompagne alors d’une dévalorisation du « pénétré », associé au féminin, comme l’indiquent les injures à teneur homophobe. La pénétration reste un acte d’appropriation : elle détourne de la reconnaissance du plaisir de l’ensemble du corps. Il ne s’agit pas de la rejeter mais de comprendre qu’elle s’insère dans une économie du corps qui est aussi un enjeu de pouvoir.

D’autre part, le modèle dominant de la réussite se fonde sur des valeurs viriles : cela est visible dans l’affirmation des valeurs de droite, aujourd’hui se pavanant, mais aussi dans le modèle de la performance sportive qui glorifie la force physique et le comportement agressif. Cela imprègne jusqu’au monde du travail, où la mise en avant de valeurs de la compétition s’avère nécessaire pour accéder à un emploi. S’il n’a jamais disparu, le mâle semble particulièrement présent dans les représentations actuelles. On assiste même à une offensive idéologique pour « récupérer » le féminisme, qui consiste à inciter la femme à se viriliser pour se faire leur place dans la société (management, pub, même les autocollants d’AL « je suis athée » n’y échappent pas...).

1.4 Le privé est (toujours ?) politique

C’est bien parce que sphère privée et sphère publique sont en interaction constante, et que les rapports de pouvoir dans la sphère privée ont des prolongement directs dans la sphère publique, que l’on peut réactiver le slogan des années 70 : « Le privé est politique ». La dissociation de la sexualité et de la procréation, qui a ouvert la possibilité de se représenter les femmes autrement que comme des épouses et des mères, la reconnaissance des droits civils et civiques des femmes, leur entrée dans le monde du travail et en politique, la reconnaissance dans le débat public de leur subordination, la visibilité et la conflictualité politique des luttes contre le patriarcat, l’hétéro centrisme et l’hétéro normativité, n’ont pas suffit à éradiquer les stéréotypes et pratiques sexistes inscrits dans le système patriarcal. Les organisations du mouvement social et les espaces de contre-pouvoir organisés, déjà longs à convaincre de la dimension politique de la lutte contre un système de domination sexué et sexuel, peinent à s’approprier ces thèmes et à produire des pratiques militantes qui soient aussi des pratiques d’expérimentation d’autres rapports sociaux de sexe... et d’autres rapports au pouvoir.

Mais il faut alors garder à l’esprit que les rapports de genre s’entrecroisent avec d’autres rapports de domination qui co-déterminent les rapports de pouvoirs (genre, classe, « ethnicité », génération). Nous lutterons alors non seulement contre la domination de genre, mais contre l’idée même du pouvoir, ce qui reviendra à expérimenter un nouveau mode de rapports sociaux autre que hiérarchique, oppressif et agressif.

2. UNE LUTTE INCONTOURNABLE POUR UNE SOCIÉTÉ ÉGALITAIRE ET LIBERTAIRE


2.1 Une lutte spécifique

La lutte contre le patriarcat ne peut pas être réduite à la lutte contre le capitalisme, et comporte une dimension spécifique. On peut imaginer une société dont la production serait autogérée et qui parviendrait à l’égalité économique, mais qui continuerait dans la sphère domestique et les relations sociales à discriminer les femmes, ou les homos, bi, trans
.
Impossible dans une société communiste libertaire, entend-on parfois. C’est oublier que les principes égalitaires peuvent très bien s’accommoder de l’inégalité de genre sous couvert d’universalisme. C’est donc en reconnaissant les manifestations matérielles et symboliques de la domination de genre afin de les contrecarrer, qu’on peut espérer aller vers l’égalité entre toutes et tous. Au sein même d’AL, n’y a-t-il pas résurgence d’une répartition sexuée des tâches militantes ? Qu’en est-il des tâches d’analyse et de décision et des tâches d’exécution et de gestion ? Qu’en est-il du rapport des hommes et des femmes à la prise de parole publique ? Qu’en est-il de notre expression contre l’oppression des sexualités minoritaires ?
L
e combat pour une société communiste libertaire doit être accompagné du combat antipatriarcal, sinon cette société sera égalitaire pour les hommes, comme toutes les sociétés qui ont succédé à des révolutions (qui n’étaient pas libertaires bien sûr, mais...). Et les domaines d’une lutte spécifique rejoignant le combat pour une société égalitaire sont nombreux.

2.2 Une lutte transversale

Mais, pour être efficace, la lutte antipatriarcale ne doit pas être menée séparément dans chaque domaine. Elle doit être transversale aux organisations politiques qui, structurées autour d’un projet de société dans son prisme « politique », peinent à prendre à compte sa spécificité. Et transversale aux différents champs politiques (organisations, syndicats, associations, lieux publics, lieux privés) car les moyens de domination ne se segmentent pas. Quelle efficacité à lutter pour l’avortement dans une société où la religion régit les mœurs ? A quoi sert une loi contre les violences « conjugales » dans un monde où les hommes ont le pouvoir économique ? Comment éradiquer le viol quand la publicité inculque à tous que les femmes sont offertes et disponibles (avec la grosse voiture) ?

C’est à la fois en agissant sur le plan de luttes sectorielles et concrètes, et contre la reproduction de la domination et de l’exploitation véhiculée par l’éducation, les instances de socialisation et les institutions que l’on peut espérer en finir avec le système patriarcal et les représentations et pratiques sociales sexistes. Ce qui suppose des allers et retours entre luttes collectives et pratiques individuelles pour chacun(e) d’entre nous et, collectivement, une attention concrète à la dimension du genre et de l’hétéronormativité dans tous nos espaces et pratiques d’intervention.

La lutte contre une société patriarcale et sexiste doit être globale. Elle est donc pleinement de la responsabilité des organisations comme la nôtre qui lutte pour changer la société, c’est une dimension de plus qui doit être présente à tout instant de notre lutte sans laquelle celle-ci serait nécessaire mais insuffisante pour le communisme libertaire.

2.3 Une lutte révolutionnaire « en soi »

On admet de mieux en mieux qu’il ne peut y avoir de société égalitaire sans égalité dans les rapports sociaux de sexe, et que la démocratie exige la participation des femmes à la prise de décision publique. C’est déjà bousculer quelque peu l’ordre établi. Mais la lutte antipatriarcale, antisexiste et féministe telle que nous l’envisageons remet en cause la structure et le fonctionnement même de l’ordre social et de ses institutions. Elle interroge non seulement le rapport de domination de genre, mais les catégories même du genre, leur contenu et leur frontière, et la façon dont ils organisent notre rapport au monde (qu’on en soit conscient ou pas).

C’est pourquoi la place des luttes pour l’égalité des droits, légitimes et/ou légaux, dans le cadre des institutions existantes est incontournable mais insuffisante dans un processus de transformation radicale de la société. S’y maintenir peut constituer un frein à l’émancipation réelle des contraintes de genre et de l’hétéronormativité. Féministes, trans, gays, lesbiennes et bisexuel(le)s se retrouvent de fait dans une forme de rupture face à la société. Revendiquer leur égalité en terme de droits et d’injonction de reconnaissance par la société ne peut suffire. Leur reconnaissance réelle ne passera que par une transformation sociale des modes de vie, du rapport à la sexualité, à la famille, à l’organisation sociale, du rapport entre les hommes et les femmes, du rapport des hommes et des femmes à la masculinité et à la féminité, à la virilité et à son corollaire, la muliérité. Mais cette démarche comporte des risques. Si se regrouper autour d’une « identité » sexuée ou sexuelle opprimée est légitime et nécessaire pour s’affirmer collectivement mais aussi s’émanciper individuellement, une lutte qui ne serait fondée que sur cette seule « identité » risque de s’enfermer sur elle-même et de rigidifier les frontières identitaires qu’elle cherche justement à déconstruire.

Par ailleurs, nous n’échappons pas à la socialisation genrée, à l’incorporation de normes et de comportements, et aux conditions matérielles d’existence fondée sur le genre et l’hétéronormativité. Il ne s’agit pas de faire comme si ces contraintes symboliques et matérielles pouvaient être dépassées par simple prise de conscience de leur construction sociale et volonté de les dépasser. C’est pourquoi la lutte doit articuler d’une part revendications et actions à court terme, qui visent à contrecarrer ici et maintenant la domination et l’oppression, et d’autre part revendications et actions à long terme, pour une transformation radicale à venir de ces rapports de pouvoir.

3. METTRE EN RELATION DES ESPACES ET DES AXES DE LUTTES

Cette lutte s’avère globale, se situant dans chaque domaine de la vie, et transversale à l’ensemble des champs politiques. Notre intervention nécessite donc une stratégie cohérente. Elle s’articule autour de deux axes : d’une part, un travail de force de proposition et de force de pratiques au sein de nos implications habituelles et, d’autre part, développer notre présence et notre action au sein des cadres de luttes spécifiques. Alternative libertaire doit pouvoir élaborer et diffuser une analyse politique propre sur ces questions. C’est cependant avec d’autres qu’elle pourra peser pour leur prise en compte réelle.

3.1 Un cadre unitaire

Le lieu généraliste de lutte féminine en France est le Collectif National pour le Droit des Femmes (CNDF). Se voulant unitaire et regroupant des collectifs, syndicats, groupes très différents, son action consiste parfois en de simples dénonciations des inégalités ou des violences et, le plus souvent, en des propositions pour lutter contre les inégalités à l’intérieur du système.

C’est un lieu qui ne correspond pas vraiment à nos engagements et nos façons de fonctionner, la démocratie y est parfois approximative. Mais sa capacité à mobiliser est indispensable aujourd’hui, comme le montre, par exemple, la campagne contre la prostitution durant la coupe du monde de la FIFA. Son intérêt provient aussi de sa capacité à regrouper des personnes et des collectifs divers, militant sur ces questions, même si de là proviennent aussi ses difficultés.

Nous suivrons donc de près les travaux du CNDF ainsi que ceux de la Marche Mondiale des Femmes et nous nous associerons aux actions avec lesquelles nous ne sommes pas en désaccord, même si elles sont en dessous de nos revendications et qu’elles laissent souvent de côté le travail de lien avec les groupes des sexualités minoritaires.

Notre intervention y sera double, en tant qu’organisation politique, mais nous serons aussi porteurs de ces questions au sein des associations ou syndicats ou nous militons et qui peuvent se retrouver dans ce cadre unitaire. Favoriser les regroupements géographiques de ces organisations permettrait de faciliter l’échange et d’essayer de remédier aux problèmes de fonctionnement de cette superstructure.

3.2 Stratégie de transformation radicale de la société

Pour mener la lutte sous des formes plus appropriées, AL a intérêt à développer aussi un travail commun avec d’autres organisations plus proches de ses buts et de son fonctionnement. D’origine parfois diverses, luttes homosexuelles, organisations libertaires, luttes féministes, elles éprouvent des difficultés à se retrouver, se rencontrer et travailler ensemble.

Nous pensons pourtant que ce travail pourrait se regrouper autour de quatre grands points :

 La démocratie : rejetant les batailles d’appareils politiques ou syndicaux et essayant d’élaborer l’alternative par la base, se reconnaissant dans des principes de démocratie directe.
 Le rapport au pouvoir : n’attendant pas le changement du pouvoir centralisé mais s’attaquant à l’ensemble des institutions (médias, école, églises, famille...) et aux pouvoirs diffus dans la société (représentations, pratiques individuelles de domination).
 Les pratiques sociales : un courant qui ne se contenterait pas d’une lutte de conviction mais essaierait de créer directement des alternatives, au niveau de pratiques sociales pouvant devenir elles-mêmes des moyens de transformation sociale.
 La lutte révolutionnaire : radicale, libertaire, matérialiste, antiautoritaire, les appellations et les références ne manquent pas, ce qui n’aide pas toujours à se représenter ce courant, mais, derrière ces termes se retrouve la même idée : celle que les changements nécessaires ne se feront pas sans une profonde mutation des rapports sociaux et entraîneront un ébranlement des structures dominantes.

L’émergence de ce courant permettrait d’échanger, et de mener ensemble des luttes, ce qui est nécessaire car ce sont le plus souvent de petites structures, et de peser aussi réellement dans le débat public.

L’enjeu est aussi de réussir à articuler systématiquement les luttes des femmes, des transsexuels, des gays, des lesbiennes et la lutte pour une société égalitaire, et mener un travail de questionnement du genre, au sein de toutes les organisations et de la société.

3.3 Espaces d’interventions dans le mouvement social

Dans un mouvement social divers, voire complexe, notre intervention se doit d’être transversale. Mais nous devons définir avec pertinence nos espaces d’interventions.
 Agir dans et avec l’univers syndical : la réflexion menée au niveau politique doit irriguer (et être irriguée par) celle qui est menée dans le champ syndical. Solidaires et certains de ses syndicats, la FSU, mais aussi la CGT (bien que diversement au cours de son histoire) ont développé des analyses et des revendications autour des droits des femmes au travail et dans la société. Moins, il est vrai, autour des sexualités minoritaires, et des conséquences de leur déni ou de leur rejet dans le monde du travail et dans la société. Par ailleurs, le sexisme et les thèmes considérés comme appartenant à la sphère privée, qui ont pu être portés à la fin des années 1970 et au début des années 1980 par certains syndicats, sont en net recul dans les préoccupations syndicales. Ils ont pourtant directement à voir avec le rapport au travail et les conditions de travail, comme nous l’avons évoqué plus haut. Il serait pertinent d’en reformuler les liens, au sein de commissions spécifiques lorsqu’elles existent, comme dans l’élaboration de revendications et d’outils syndicaux.
 Agir dans et avec les organisations fondées par des groupes sociaux minoritaires : plus précisément, nous pensons aux organisations ou groupes féministes, gays-lesbiens-bi-trans avec lesquels nous partageons des objectifs à court ou à long terme. Mais aussi aux collectifs luttant, par exemple, contre le racisme mais en y articulant la dimension de genre et de sexualités (comme la Fasti, ou le collectif d’associations organisé autour des violences faites aux femmes en exil).
 Agir avec d’autres organisations ou groupes politiques : nous pouvons nous retrouver sur des sujets précis ou dans des collectifs unitaires avec d’autres organisations libertaires, ou des organisations qui accordent aux luttes antipatriarcales et antisexistes une réelle attention, comme la LCR. Le groupe de travail libertaire sur la prostitution est un exemple de recherche d’élaboration commune à partir d’une lutte concrète, à renouveler sur d’autres sujets.
 Agir dans les luttes sociales : nous devons veiller à articuler un travail autonome sur les questions de genre et de sexualités avec une systématisation de leur intégration dans les argumentaires concernant d’autres luttes sociales. Nous constatons par exemple que, lors de la lutte contre le CPE et la Loi pour l’Egalité des Chances, la dimension genrée de leurs conséquences a été totalement oblitérée dans l’analyse et les revendications portées par le mouvement et ses organisations (syndicats, coordinations...). Nous le regrettions déjà en 2004 concernant le mouvement contre la réforme des retraites. Savons-nous contribuer à ce que cela ne se reproduise pas ?
 Agir sur les interactions entre les espaces publics et privés : nous devons porter une attention, dans tous les espaces où nous militons, aux rapports de pouvoirs, et aux rôles sexués qu’ils déterminent, cela, aussi bien en terme de fonctionnement démocratique mis en place, mais aussi de relations sociales informelles (prises de paroles, occupation de l’espace...). Cela passe aussi par une réflexion sur nos pratiques individuelles liées ou non à nos activités militantes.

3.4 Définir des actions prioritaires

Le champ de la lutte est vaste, et il paraît nécessaire d’établir des priorités en termes d’actions concrètes et à court terme. En attendant (et en préparant !) la révolution sociale, sexuée et sexuelle, nous proposons d’intervenir dans le cadre contraignant de notre société réelle, sur des points précis. Les axes de lutte proposés ci-dessous ne sont pas exclusifs, mais ils nous apparaissent comme cohérents avec les investissements militants déjà existants au sein de notre organisation et il nous semble urgent d’y concentrer nos efforts.
 Égalité professionnelle : car malgré les lois, les inégalités professionnelles persistent. Il ne s’agit pas que d’inégalités salariales, mais de concentration et de ségrégation professionnelle horizontale (les femmes sont majoritairement cantonnées dans 6 CSP contre les 31 définies par l’INSEE), et verticale (elles n’ont majoritairement pas le même accès aux métiers « prestigieux » et aux postes à responsabilité). La question de la formation se profile alors en amont : on sait aujourd’hui que les orientations scolaires et de formation professionnelle sont sélectives en fonction du sexe, qui vient spécifier les discriminations fondées sur l’origine sociale.

Cependant, la question de l’égalité professionnelle restera un lieu commun si elle n’est pas complétée d’une réflexion sur l’entreprise comme lieu véhiculant naturellement des fonctionnements sexistes et patriarcaux. Ces fonctionnements font système et sont à l’origine d’une organisation du travail qui se conjugue au masculin et qui multiplie l’érection de murs et de plafonds de verre. L’égalité professionnelle ne peut se réaliser effectivement que si l’accès des femmes à des salaires et à des déroulements de carrières équivalents à ceux des hommes se double d’un réinvestissement des hommes dans les sphères extérieures au travail, notamment domestiques, impliquant une nécessaire révolution des mentalités.
 Précarité : car en lien avec ce qui précède, et dans le prolongement des rapports domestiques évoqués plus haut, les femmes sont les premières touchées par la précarisation croissante de pans entiers de la population en France. Elles sont les premières concernées par les contrats précaires et les temps partiels (dans ce dernier cas, que ce soit par « choix » ou imposé, le temps libéré est alors réinvesti dans le travail domestique et le soin aux personnes dépendantes). Dans ces situations, leur niveau de vie baisse, et elles forment un bastion non négligeable parmi les travailleur(se)s pauvres. Leurs conditions de travail et de vie peuvent être considérées comme l’un des miroirs grossissants de la dégradation de la protection salariale et sociale et de la mise en concurrence des travailleurs. Ces situations entraînent une plus grande dépendance financière et une fragilité sociale qui rendent plus difficiles la réaction à la domination des hommes et aux violences sexistes.
 Pratiques militantes et démocratie dans les luttes et les mouvements : car dans les organisations comme les mouvements, les femmes sont moins représentées et visibles, même lorsqu’elles sont présentes. L’intervention sociale et politique reste considérée comme une activité masculine, ce qui limite l’investissement des femmes dans ces espaces. Corrélativement, les pratiques militantes ne se prêtent pas toujours à l’intégration des femmes dans les collectifs militants. Les formes d’action et de fonctionnement collectif, le rapport à la prise de parole et d’initiative, la spécialisation des tâches qui réactive les supposées qualités masculines et féminines, rappellent qu’au sein même des organisations luttant pour plus d’égalité, plus de justice sociale et plus de démocratie, le problème reste entier. Simultanément, le peu d’évolution des rôles sexués dans la sphère domestique et dans les « mentalités » fait barrage à l’investissement des femmes dans les luttes. C’est donc sur le double plan des pratiques domestiques et des pratiques militantes qu’il faut poser le débat. Et agir pour modifier les « habitudes » militantes. AL ne fait pas exception en la matière.

Enfin, la quasi-inexistence de critique de l’hétéronormativité et des discriminations qui lui sont liées, de réflexion sur les sexualités, de participation aux luttes spécifiques à ce sujet, d’intégration de cette dimension dans d’autres luttes (emploi, immigration...), est récurrente. Et non sans incidences sur l’évolution de cette thématique dans la société d’une part, et sur le cloisonnement de ce ceux qui la traitent... et des autres.
 Droit à disposer de son corps et liberté sexuelle : car si des droits existent, ils peuvent être remis en cause comme nous l’avons rappelé plus haut. Les attaques récurrentes contre le droit à l’avortement en sont un exemple. Mais plus encore, et l’avortement qui n’est toujours pas réellement dépénalisé l’atteste encore, l’apparente progression de droits et des mentalités en la matière cache des résistances massives au changement de conception de la sexualité, du couple et de la famille. Le débat actuel sur l’homoparentalité en témoigne.

 Luttes contre les violences sexistes : une des manifestations importantes du sexisme est la violence largement répandue contre le corps des femmes, à travers le viol , les coups , les meurtres. Les femmes ont à subir une violence au quotidien qui est peu prise en compte et qui maintient nombre d’entre elles au rang d’objets, dans leur famille ou au travail parfois durant de longues années . De même, les gays, les lesbiennes et les trans sont victimes de violences physiques de la part de personnes qui pensent affirmer leurs « valeurs viriles » en « cassant du pédé ».
Rappelons-nous qu’en France, une femme sur trois est victime au cours de sa vie de viol, violence ou agression sexuelle, une femme sur dix est victime de violence conjugale, trois femmes meurent tous les quinze jours du fait de violences masculines domestiques.

Les homosexuels masculins (plus que les lesbiennes, mais elles subissent la violence en tant que femmes) sont aussi victimes d’agressions physiques importantes, en général dans des lieux publics.

C’est contre toutes ces violences qui font système que nous devons nous donner des armes et exiger que la collectivité donne les moyens aux victimes de se reconstruire (lieux d’accueil, écoute psy, revenu minimum garanti, droit au logement... ). Aussi nous rejoignons l’analyse du CNDF sur la nécessité d’une loi-cadre contre les violences sexistes.

4. DES OUTILS THÉORIQUES ET PRATIQUES POUR AGIR

4.1 Vers un Manifeste politique pour une société sans classe de sexes et sans oppression sexuelle

Plusieurs constats s’imposent : il y a un manque de visibilité de la lutte matérialiste, antiautoritaire, féministe radicale et il y a un manque de textes politiques de références « accessibles ». Le travail théorique étant mené par des universitaires (souvent à l’origine du MLF), il est certes passionnant et d’une exigence et d’une richesse intellectuelle rares, mais n’est ni facilement abordable, ni facilement transmissible. Si on peut se réjouir du développement de ces études aujourd’hui en France, cela ne saurait suffire pour mener une lutte. Il apparaît donc nécessaire d’élaborer un texte, ou un ensemble de textes, qui saurait traduire en termes politiques les enjeux des études de genre, faire le bilan du mouvement de libération des femmes, et s’appuyer sur les différentes initiatives actuelles.

Conçu comme un manifeste, il permettrait de débattre et de poser les cadres d’une société nouvelle et servirait d’outil dans la lutte pour y parvenir. Il serait très intéressant de l’élaborer avec d’autres organisations, avec lesquelles il y aurait accord sur des principes de bases.

4.2 Prendre position sur questions « sectorielles »

La capacité de réaction à l’actualité de l’AL et sa capacité à s’investir dans une lutte dépend en partie d’un socle d’analyse politique commun. Aujourd’hui, il fait défaut sur de nombreuses questions. Même si cela provient de désaccords ou de la complexité des questions, l’AL se doit de prendre position sur des questions telles que la prostitution, la sexualité...

4.3 Un vrai statut pour l’antipatriarcat dans l’organisation

Deux ans après un texte de congrès reconnaissant l’importance de cette lutte, un an après la création d’une commission antipatriarcat, ces questions commencent à avancer dans l’organisation, mais encore trop peu.
Pour reconnaître l’importance de cette lutte, il nous faut favoriser sur le long terme l’implication de militant(e)s dans la commission et surtout dans les mobilisations locales, nationales et internationales de la part d’Alternative Libertaire et des CAL.
D’autre part, le rôle de la commission doit être d’alimenter en analyses et propositions les branches fédérales, Entreprises et Jeunesse, afin que le contenu du matériel de propagande édité comme le contenu des articles publiés dans le journal, prennent systématiquement en compte la dimension antisexiste et antipatriarcale.

4.4 Revendications

4.4.1 Nous ne reprenons pas toutes les revendications découlant des positions de la motion, on pourra pour de nombreuses questions se reporter à celles du VIIe congrès. Il nous semble cependant important de mettre en avant quelques points :
 Pour une égalité de propriété sur la terre entre les hommes et les femmes dans tous les pays.
 Pour un statut de l’individu et pour les droits sociaux et économiques détachés de l’appartenance ou non à un couple.
 Pour la reconnaissance de toutes les formes de vie commune librement consentie et d’éducation partagée des enfants.

4.4.2 Et des revendications à mettre d’urgence en place au sein de notre société :

Un programme d’éducation dans tous les cadres de formation :

 Sensibilisation à l’égalité entre les hommes et les femmes et éducation sexualisée à développer.
 Pour une éducation sexuelle et une information sexuelle de tous et toutes réhabilitant le clitoris (absent aujourd’hui de la plupart des représentations de la sexualité et même de certains ouvrages d’éducation sexuelle pour les ados), le plaisir ainsi que la masturbation féminine et masculine.
 Pour une éducation au droit de dire non et au droit de dire oui lorsqu’on le désire.
 Promotion des comportements non-sexistes.

Contre les violences sexistes :

 Réelle politique de prévention des violences sexistes.
 Réelle protection des femmes victimes de violence.
 Développer une prise en charge des hommes violents.

Dans nos activités militantes :

 Vers la féminisation de l’organisation. L’AL, tout comme la majeure partie des organisations politiques ou syndicales, est bien loin de la parité. Cette motion doit inciter en particulier les trop nombreux CAL quasiment uniquement masculins à s’interroger sur l’absence de femmes dans leur groupe.
 Pour le droit absolu à la contraception et à l’avortement gratuits.
 Paiement des temps partiels au niveau des temps pleins correspondants pour faire disparaître le temps partiel des femmes.
 Pour l’interdiction de l’utilisation du corps des femmes à des fins marchandes et pour l’interdiction de toute image dévalorisante de la femme.
 Pour, partout, une représentation égalitaire des activités et des hommes et des femmes, pour une incitation des filles à exercer les métiers majoritairement masculins (et réciproquement).

[1« Contre le sexisme et le système patriarcal : les fins et les moyens », in Alternative Libertaire VIIe congrès, 30, 31 octobre-1er novembre 2004, Angers.

[2Voir entre beaucoup d’autres, le texte du VIIe congrès d’Alternative libertaire, déjà cité.

 
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