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Contrats aidés : Les associations dans le viseur




S’achemine-t-on vers la suppression des emplois aidés ? Ils seront en tout cas sérieusement rabotés, a annoncé en août le gouvernement. Résultat : une probable vague de licenciements de grande ampleur dans le secteur associatif, à mettre en lien avec la montée en puissance du service civique.

Le gouvernement a annoncé au mois d’août la baisse du nombre des emplois aidés, jugés « coûteux  » et « inefficaces  » par la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Seuls 293 000 contrats de ce type sont programmés cette année, contre 459 000 signés en 2016. Cette initiative gouvernementale s’inscrit ainsi dans un plan silencieux de disparition de l’emploi en cours dans le secteur associatif.

En effet, toute l’action publique est centrée sur la formation liée aux besoins des patrons et à l’aide à la création d’entreprises. Ce qui, avec la réforme de la formation professionnelle, a amené à une première disparition d’associations intermédiaires et à un dépeçage de l’Afpa (formation professionnelle pour adultes) ainsi que des boîtes de formation.

subventions supprimées

De nombreuses mairies coupent, en outre, les subventions des associations qui les dérangent, alors qu’on nous parle de participatif à tour de bras. De nombreuses MJC ont fermé leurs portes et ont vu leurs locaux détruits. Elles sont remplacées par des structures conformes à la politique culturelle élitiste des gens au pouvoir actuellement. Nous n’avons pas vu cela venir.

Aujourd’hui, la politique d’économies du gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales mène à la fermeture d’associations, en particulier celles qui interviennent dans le cadre des « politiques de la ville ». La réforme de la taxe d’habitation va mettre à mal la culture, la solidarité et le lien social au quotidien. Ces associations sont des variables d’ajustement, car les pouvoirs publics privilégient les associations et les appels d’offres à dimension sportive (en lien avec l’olympisme à venir).

Indirectement, la diminution des Taps (temps d’accueil périscolaire) va également renforcer la pauvreté, la précarité des personnels d’animation. C’est pourtant un salaire d’appoint pour les étudiantes et étudiantes ou les professeur.es intervenants qui peuvent souvent avoir deux à huit patrons différents.

Les associations souffrent d’un manque de financement pérenne, car ce financement est libéralisé en raison du passage d’une logique de subvention de fonctionnement à une logique de mise en concurrence sur des marchés ponctuels auxquels il faut candidater. Ainsi, à Paris, des entreprises sociales gagnent des gestions d’équipements publics. Cela s’inscrit dans la droite ligne de cette libéralisation, de la financiarisation du secteur associatif et d’un affaiblissement de la puissance publique. L’État duplique la logique marchande, capitalistique.

Le secteur associatif bénéficie de politiques d’emploi spécifiques (emplois jeunes nouveaux services, contrat ­d’accompagnement dans l’emploi – CUI/CAE –, emplois tremplins, et dans une certaine mesure service civique), alors qu’il est parfois un piètre employeur : 53 % des salarié.es du secteur sont en CDI contre 88 % dans le privé lucratif et 83 % dans la fonction publique ; 50 % des emplois associatifs sont à temps partiel, et cela peut aller jusqu’à 70 % dans les secteurs du sport et de la culture. Suite à la suppression des emplois aidés, Pôle Emploi est en train d’annuler toutes les demandes faites depuis le 1er août concernant de nouvelles conventions, et aucune nouvelle convention ne sera faite. Il n’y a aucune info sur la durée de cette suspension.

S’agit-il de faire de la place pour la « montée en charge » du service civique promis par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale en charge de la Jeunesse, le 29 juin dernier devant le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse ? En juillet 2016 le service civique obligatoire a été adopté au Parlement, mais les décrets ne sont pas parus.

La disparition du ministère de la Jeunesse et de la Vie associative, la baisse des subventions nationales, la fin des aides publiques aux associations dans de trop nombreuses régions, nous laissent songeurs sur ce qui attend les presque 2 millions de travailleurs et travailleuses des associations. Les missions d’intérêt général ou de service public, défendues par les associations ne devraient-elles être désormais portées que par des « volontaires », gagnant moins que le Smic et ne bénéficiant pas du droit du travail ? Est-ce ainsi que le ministère porteur de la nouvelle loi travail XXL imagine l’insertion professionnelle des jeunes et des plus en difficulté ?


ci-dessous, la « carto-crise » participative éditée par le syndicat ASSO - Solidaires.

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Le service civique comme rite républicain ?

Le service civique, c’est bosser entre 24 et 48 heures dans la semaine, sans droits ni protection sociale… Monsieur Blanc, président de l’Agence service civique, affirme que le service civique n’est « ni un emploi ni un stage  », sur le terrain, nous pouvons vérifier la réalité du travail de ces volontaires.
L’argument faisant du service civique un nouveau « rite républicain » ne tient guère la route.

La réforme de l’information jeunesse (1 700 lieux en France) promise par les socialistes et qui sera mise en place par Macron et Blanquer en 2018 va révéler les objectifs du gouvernement sur la jeunesse. Il y a fort à parier que l’accent va surtout être mis sur la « lutte contre le radicalisme » et mise en avant des valeurs dites républicaines. Il faut aussi imaginer une orientation des jeunes vers les métiers précarisés ou sous-payés, et bien sûr l’entreprenariat voire l’obligation de faire de la pub pour le service civique. L’information jeunesse va devenir un bras armé de l’idéologie gouvernementale et capitaliste.

Sous couvert de favoriser l’unité nationale, les instructions relatives au service civique et rédigées par l’agence du service civique sont claires : l’objectif est de favoriser « l’employabilité » des jeunes (projet Europe 2020), pacifier les rapports sociaux notamment dans les zones urbaines sensibles… Le milieu associatif va connaître un bouleversement important dans les prochaines années, celui de la disparition de l’emploi : des centaines de milliers sont concernés. Des luttes vont apparaître, les valeurs de l’éducation populaire vont devoir être réaffirmées. À nous tous et toutes de rester vigilants et de mettre en place les conditions de solidarité et de lutte de ce secteur ultraprécarisé.

Noël Morel (AL Melun-banlieue Sud-Est)

 
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