Boîtes en lutte : Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?




Boîte après boîte les annonces de licenciements par milliers se multiplient. Les salarié-e-s se démènent pour sauver leur taf, mais on est loin d’une lutte d’ensemble. Il y a urgence à coordonner les luttes, à travailler nos mots d’ordre et à envisager un autre mode de production, en rupture avec le capitalisme.

Partout. La multiplication des fermetures d’usines est un phénomène qui ne touche pas que la France, mais l’ensemble de l’Europe. Les raisons ? La mise en compétition internationale des « coûts » de la main d’œuvre par les capitalistes, le déplacement et la concentration d’unités de production à l’échelle mondiale, la logique boursière qui conduit à fermer des usines rentables... En France, les noms s’égrènent dans une géographie morose du sinistre industriel : Pétroplus, Goodyear, ArcelorMittal, General Motors, PSA, Rio Tinto, Fralib, Freescale, Technicolor, Renault… Aucune région n’est épargnée. Au-delà de l’industrie, les plans de licenciement vont bon train : Sanofi, Presstalis, Conforama, Virgin... Et n’oublions pas la politique de non-renouvellement des fonctionnaires qui continue de toucher une part importante de la fonction publique.

Faiblesses

La colère gronde, mais pour le moment elle n’arrive pas à s’exprimer massivement. Aucune grande journée de mobilisation digne de ce nom, très peu de convergence des luttes concrète.
Il y a d’abord le réflexe d’essayer de s’en sortir individuellement, qui se nourrit de la résignation. La peur est difficile à dépasser pour arriver à l’étape de la lutte collective et pour ne pas laisser le désespoir grandir – et avec le désespoir, les suicides liés au travail ou à la privation d’emploi. Les patrons en profitent allègrement, en particulier pour faire du chantage à l’emploi à travers les « accords de productivité ». On paye ici la déstructuration des liens sociaux, liée à l’affaiblissement des outils de défense collective et de lutte que sont les syndicats. C’est le second élément.

Mettons de côté le syndicalisme d’accompagnement du capitalisme type CFDT qui peut être lui-même en contradiction entre ses positions confédérales et une base qui subit les attaques patronales, comme à Florange. Si on s’en tient au syndicalisme de lutte, principalement CGT et Sud-Solidaires, les difficultés sont multiples. On retrouve à la base beaucoup d’équipes CGT combatives dans les boîtes touchées. Mais il y a une réelle difficulté à assurer une coordination plus large qu’à l’échelle locale, peut-être parce qu’il n’y a pour le moment pas de volonté confédérale de construire un vaste mouvement sur la question de l’emploi. On le voit par exemple sur la question de l’accord CFDT-Medef sur la « sécurisation de l’emploi » : annonce d’une date de mobilisation le 5 mars par la CGT et FO, refusant au niveau national la main tendue par la FSU et Solidaires pour mobiliser ensemble. On reste dans une logique d’affichage et non de construction d’un rapport de forces favorable aux travailleuses et aux travailleurs. Au niveau de Solidaires, l’implantation dans le privé, en progression ces dernières années, n’est pas encore assez importante pour réussir à peser largement à l’échelle nationale sur le sujet.

Convergence des luttes

Pourtant, la volonté de faire converger les luttes existe à la base. On a vu ces dernières semaines plusieurs initiatives partant des comités de lutte, des assemblées générales de grévistes ou d’intersyndicales départementales (manifestations, meetings...). Mais elles restent, pour le moment, principalement des rencontres de militantes et militants convaincu-e-s. Pour dépasser les difficultés à construire des convergences, il faut déjà que les salarié-e-s en lutte continuent d’avoir des initiatives communes. L’objectif est de construire un mouvement plus large qui redonne confiance aux salarié-e-s : oui c’est possible de se battre et même de gagner. La peur doit changer de camp !

Nous savons qu’il n’y a rien à attendre d’un gouvernement qui montre bien que l’État n’est pas une solution de secours pour les travailleuses et les travailleurs. De droite comme de gauche les gouvernements sont des lèche-cul du patronat. Ainsi, c’est en ce moment le bouffon Montebourg qui veut se donner une fibre sociale mais justifie toutes les attaques, telles les 7 500 suppressions d’emplois à Renault. C’est la matraque Valls qui brandit le nouveau « péril rouge » et la « classe dangereuse », présentant les ouvrierset ouvrières grévistes comme des casseurs, le tout repris de façon très complaisante par la plupart des médias dominants.

Mais surtout, derrière, en embuscade, c’est l’extrême droite qui cherche à faire son beurre sur la crise, par exemple le Front national en étant capable de passer en quelques années d’un discours ultra-libéral à un discours pseudo-social. Il s’agit ainsi de récupérer plus largement les gens qui ont peur, de perdre leur boulot, de la crise, des étrangers... Si nous n’occupons pas beaucoup plus le terrain, ce sont nos adversaires et nos ennemis qui s’en chargeront.

Perspectives

Même si le mot d’ordre d’interdiction des licenciements reste fort dans les manifestations des premiers concernés, il y a un manque d’unité dans les revendications du mouvement social : sécurisation de l’emploi, interdiction des licenciements boursiers, droit de veto des salarié-e-s dans les comités d’entreprises... Ces différences sont liées aux objectifs des structures qui les portent (faire des propositions, unifier les luttes, mobiliser les salarié-e-s...). Mais la lisibilité n’est pas évidente.

Au-delà, c’est la question du protectionnisme qui est posée par certains comme alternative au libre-échange pour protéger les emplois en France. Renvoyant dos à dos ces deux politiques, Alternative libertaire propose la notion d’autonomie productive. Réduire la production aux besoins des populations, donc rompre avec le productivisme. Réduire le temps de travail, et les profits. C’est également un enjeu environnemental. Il y a là des pistes à populariser pour ne pas être seulement dans une position défensive, mais pour mettre en avant des alternatives autogestionnaires, anticapitalistes et écologiques à la société actuelle.

Simon Laviec (AL Saint-Denis)

 
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