Congrès des Alternatifs : Le clivage grandit chez les Alternatifs




Le congrès des Alternatifs s’est tenu les 17 et 18 novembre à Paris, et a acté l’adhésion au Front de gauche. Pour la minorité qui s’y est opposée, ce choix marque un grave recul sur le projet initial de l’organisation.

Héritiers du Parti socialiste unifié (1960-1990) puis de l’Alternative rouge et verte (1989-1998), les Alternatifs incarnent un courant socialiste autogestionnaire. Celui-ci recouvre aujourd’hui deux sensibilités se voulant compatibles, mais aux priorités différentes : d’une part, une sensibilité attachée à faire exister une voix rouge et verte au sein de la « gauche de la gauche », principalement par le biais d’alliances électorales et de la flopée d’élus municipaux qu’elles engendrent ; d’autre part, une sensibilité davantage portée sur les « alternatives en actes ». Les deux se retrouvent par ailleurs dans les mouvements sociaux : syndicalisme Sud et CGT essentiellement, collectifs de sans-papiers, lutte de Notre-Dame-des-Landes…

L’émergence du Front de gauche a cependant provoqué un vif désaccord entre elles. Les premiers estiment qu’il n’est plus possible d’exister sans y entrer. Les seconds n’ont, pour aller vite, aucune envie d’aller chanter La Marseillaise et les bienfaits de « la croissance » dans les meetings de Jean-Luc Mélenchon.

Choix des alliances

Ce désaccord pèse également sur le choix des alliances. Les uns négocient – sans succès pour l’instant – avec plusieurs petits partis parfois issus du trotskisme (Gauche unitaire, Gauche anticapitaliste, Convergences et alternative, Fase) la formation d’un pôle rouge et vert au sein du Front de gauche. Les autres ont davantage d’affinités avec les décroissants (Mouvement des objecteurs de croissance) et le mouvement libertaire, notamment l’ex-Scalp et AL. Celle-ci a, lors de ce congrès, renouvelé auprès des Alternatifs sa proposition de former un front anticapitaliste extra-institutionnel.

Quel avenir pour les Alternatifs ?

Le congrès a tranché : 56 % pour l’entrée au Front de gauche, 35 % contre, 9 % d’abstentions.
Pour Mathieu Colloghan (membre de la minorité), en soi l’entrée dans le Front de gauche « n’engage à rien, mais signifie par contre beaucoup pour les Alternatifs. Elle confirme une tendance lourde à la séparation de ce que nous imaginions compatible : un pied dans les institutions et les jeux électoraux classiques, un pied dans l’expérimentation, les mouvements sociaux et ce qui est hors-système. Or, il s’avère qu’avec le temps un clivage de plus en plus marqué est apparu. Il est aussi générationnel et plutôt genré. » Dans plusieurs départements en effet, les femmes et les jeunes se sont nettement retrouvé-e-s sur la position minoritaire.
L’entrée au Front de gauche risque de les condamner à jouer le rôle de supplément d’âme rouge et vert du réformisme d’État.

Jean-Jacques Boislaroussie (majoritaire), qui refuse d’« édulcorer les orientations fondamentales comme l’autogestion et l’écologie radicale » est bien conscient d’un risque de « grand écart ». La plus grande menace n’est pourtant pas tant celle d’une liquidation idéologique que celle d’un accaparement par les interminables négociations d’appareils dans lesquelles le PCF excelle. Les Alternatifs peuvent rapidement se retrouver à dépenser une grande partie de leur énergie à obtenir un strapontin ici ou là, ou à faire bouger l’édifice Front de gauche de quelques millimètres. L’enjeu en vaut-il la chandelle ?

Guillaume Davranche (AL Montreuil) et Jean-Marc (AL Paris Nord-Est)

 
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