Contre-pouvoir : Ouverture d’un centre social à Toulouse.




Cela faisait huit mois qu’un groupe d’environ quarante personnes élaborait un projet de Centre social ouvert et autogéré (CSOA) à Toulouse, sous l’impulsion notamment d’un militant d’Alternative libertaire 31 qui s’inspirait de ce qui existe en Italie. Après une première tentative infructueuse - le lieu repéré a été attribué à Emmaüs par la mairie de Toulouse -, nous avons investi le 6 mars dernier l’annexe désaffectée d’un lycée technique, située non loin du centre-ville.

Une grande cour, deux bâtiments, l’un comportant une vingtaine de salles sur deux étages, l’autre ayant été visiblement un ancien logement de fonction… il y a de quoi faire.

Et c’est tant mieux car dès les premières réunions de préparation, les projets ont fusé. Nous avons eu aussi des débats sur les modalités de prises de décision, au vote ou au consensus. Nous avons aussi compris très vite que si le fait de squatter un lieu est par nature illégal, il nous fallait tout de même y mettre les formes, en transformant le moins possible les lieux, en nous constituant en association 1901 [1], en faisant des démarches auprès d’EDF. Le but est de rester dans la légalité le plus possible, tout en gardant à l’esprit que c’est sur la légitimité de notre démarche que nous comptons pour « tenir ». Car autant le dire, nous ne nous faisons pas d’illusions : en ces temps sarkoziens, il est fort peu probable que les autorités nous laisseront faire une fois passées les échéances électorales. On peut d’ailleurs signaler que nous avons eu droit à la visite des CRS dès le dimanche qui a suivi l’ouverture. Et ce n’est sûrement pas l’argument de notre présence depuis plus de 48 heures [2] qui les a fait déguerpir.

Il n’empêche que ça tient tant bien que mal depuis à peu près 15 jours. Des AG ont lieu régulièrement, 10 à 20 personnes habitent l’ancien logement de fonction à peu près en permanence, des activités tournées vers les échanges de savoirs se mettent en place, des animations permettront peut-être d’attirer la sympathie des habitant(e)s du quartier, et on arrive à peu près à maintenir un silence respectueux des riverains à la sortie des soirées ou des assemblées générales.

Un apprentissage difficile

Le lieu a accueilli entre autres une réunion d’AC !, une autre de SUD Étudiant, la « Braderie sociale » organisée par l’Assemblée générale de lutte [3] contre les précarités. On ne doit pas pour autant se cacher que pendant ces quinze premiers jours, nous avons été confrontés à plusieurs problèmes concernant la clarté des décisions prises, les initiatives personnelles : quand la décision de laisser les grilles ouvertes à tel moment a-t-elle été prise ? (en commission ? en AG ?) L’impulsion par quelques-un(e)s a été indéniablement nécessaire, mais le passage à un fonctionnement de groupe transforme inévitablement un tant soi peu le projet initial, et ce n’est pas toujours facilement accepté. Autrement dit, nous avons des difficultés à équilibrer « leadership » (vous avez dit autorité ?), initiatives individuelles et décisions de groupe. C’est parfois peut-être un problème d’âge (en moyenne 20-25 ans), même si des militant(e)s plus âgé(e)s et plus aguerris viennent donner un coup de main, ou d’assiduité : certains d’entres nous travaillent, militent aussi ailleurs, et ne peuvent donc pas s’engager pleinement. C’est plus probablement un problème de cohésion de groupe : on se connaît, mais peut-être pas encore suffisamment pour assurer une circulation de l’information spontanée.

Nous avons aussi débattu à plusieurs reprises sur la définition du « social ». Nous avons à cette occasion réaffirmé que pourraient être accueillis des associations, éventuellement des syndicats, mais pas des organisations politiques, même si notre démarche est en elle-même politique. On peut résumer cette première période en disant qu’il s’est agit de mettre en place et de corriger les bourdes au coup par coup.

À ce jour, on peut dire que ça tient le coup, que ça commence à fonctionner, mais que les « héros/oïnes » sont quelque peu fatigué(e)s [4] - y compris le zombie qui écrit ces lignes - que ce soit à cause de l’occupation quasi permanente d’un lieu encore difficile (eau coupée) pour certains, ou par la multiplicité des engagements militants pour les autres.

Un procès se tient le 23 mars, et on s’emploie actuellement à rechercher des soutiens auprès d’individus et d’associations. Quelle que soit l’issue de cette occupation, elle nous aura familiarisé avec le fonctionnement en autogestion (et les difficultés de mise en place). Attendons voir.

Ah que ! Naton, le 21 mars 2004

[11. Avec des statuts « horizontaux » inspirés de ceux d’une association de Rennes.

[22. Délai après lequel une procédure judiciaire est en principe indispensable préalablement à une expulsion. On peut toujours rêver.

[33. Un collectif fondé il y a à peu près six mois notamment autour des syndicats CGT, SUD, CNT 31 (Vignoles) du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) et d’individus.

[44. Moi, je trouve qu’ils/elles se débrouillent pas mal. Mais, bon, ce que j’en dis.

 
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