Décentralisation : Du « moins d’État » au plus d’États




Cette loi ne fera pas l’objet d’un référendum car elle sera votée par le congrès (réunion de l’Assemblée et du Sénat, fin février, à Versailles). L’objet de cette loi est d’instaurer « la libre administration des collectivités territoriales ». Le champ de compétences des collectivités territoriales étant ensuite défini au cas par cas par le Sénat.

Cette réforme se caractérise par :
 Le « droit à l’expérimentation » : La durée des « expérimentations » n’est pas limitée dans le temps. Elles peuvent s’étaler sur des périodes de 10, 15, 20 ans... Le droit à l’expérimentation revient à conférer un pouvoir réglementaire et législatif aux collectivités territoriales, même si le pouvoir législatif n’est pas clairement précisé. Le Conseil régional de Bretagne indique : « il convient de souligner que l’absence de pouvoir législatif régional n’a pas pour conséquence d’interdire au Parlement de promulguer des lois particulières applicables à telles ou telles régions ou les exemptant de l’application de telles ou telles lois ou partie de loi… ».
 Le recentrage de l’État sur ses missions principales (fonctions régaliennes).
 La généralisation du principe de subsidiarité (la loi ne s’applique que s’il n’y a pas de règles locales).
 La notion de Territoire d’outre-mer (TOM) est remplacée par celle de collectivité d’outre-mer.
 Pour les Départements d’outre-mer (DOM) : fin du principe de continuité du territoire et possibilité d’édicter des lois locales.
 La loi accorde un « gadget démocratique » avec un droit de pétition permettant aux électeurs « d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de la collectivité toute question relevant de ses compétences ». Il n’est pas question en revanche de référendum d’initiative populaire.
 Enfin, cette loi annonce une réforme fiscale de grande ampleur avec le transfert de nouvelles ressources fiscales aux collectivités territoriales afin « qu’elles disposent des moyens de leurs politiques ».

Plus d’États (régionaux)

Le débat sur cette réforme historique est important. Déjà de nombreuses régions (dix-sept !) ont fait connaître leurs revendications en matière de transfert de compétences. Ces demandes concernent le transfert de ressources fiscales : impôts sur l’activité économique, sur les valeurs financières, sur les revenus, sur les transactions automobiles (carte grise), de la TVA. Bien d’autres transferts de compétences sont demandés concernant :
 la carte scolaire pour les départements ;
 élaboration de la carte des formations (ex : « avis » sur la création d’une filière dans une université) ;
 la formation professionnelle : carte des formations et politiques d’orientations professionnelles, ce qui signifie au passage la casse du statut de l’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes) et sa régionalisation ;
 le tourisme ;
 la gestion du patrimoine ;
 la culture : fonds régionaux d’acquisition des musées et des bibliothèques ;
 les questions d’environnement avec le transfert aux départements de la gestion du Fonds national de développement de l’adduction de l’eau (FNDAE), ce qui représente un budget de 145 millions d’euros ;
 l’aménagement du territoire ;
 les transports ;
 l’équipement et la gestion des personnels techniques des lycées (TOS) et de ceux des collèges par les départements ;
 la gestion complète du RMI par les départements qui géreraient aussi l’attribution des crédits de logements sociaux ;
 participation aux agences régionales d’hospitalisation dans le domaine de la santé.

Des régions vont jusqu’à revendiquer le transfert de la santé et de l’audiovisuel public (région Alsace).

Les trois départements de Picardie ont demandé d’assurer eux-mêmes la gestion des caisses d’allocations familiales ! La Lorraine veut le contrôle de l’Agence régionale d’hospitalisation, tandis que la Bretagne réclame la gestion de l’eau, celle des ports et aéroports. Heureusement, aucune région n’a demandé la gestion d’un parc de centrales nucléaires (humour)...

Ces transferts de compétences s’effectueront dès le second trimestre 2003.

Ainsi, cette loi consacre un nouveau statut des collectivités territoriales et transforme les conseils régionaux en véritables petits États. Le conseil régional d’Alsace souligne que « la question est celle de la redistribution des pouvoirs et de la gestion de l’argent public pour les collectivités territoriales ». À la place d’un État jacobin centralisateur, on se retrouve avec une kyrielle d’États régionaux, un droit social de plus en plus éclaté et illisible (ex : le droit à la formation pour les chômeuses et chômeurs est totalement régionalisé).

Les technocraties régionales-locales et les oligarchies sont renforcées et le pouvoir n’est toujours pas « plus proche » des citoyens pour autant. Pour le Medef c’est l’occasion rêvée d’obtenir le transfert de l’ensemble des missions de services publics aux sociétés privées.

Régis (AL Lyon)

 
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