Documentaire : « 317 »




317, c’est le nombre de personnes mises en garde à vue le 29 novembre 2015, à la suite d’une manifestation pour le climat à Paris, en pleine COP 21. Ce sera aussi le nom d’un collectif, et du documentaire autoproduit pour témoigner de ce qui s’est passé ce jour-là, par une mosaïque de récits à la première personne, de textes lus ou de scènes rejouées.

Le film accorde une large place au vécu des gardé.es à vue, aux conséquences, mêmes longtemps après les événements, de la répression brutale du cortège mais surtout des violences subies loin des caméras. Si le nuage de lacrymo qui a étouffé le cortège à l’arrivée, place de la République, est évoqué, c’est le face-à-face avec les policiers qui a laissé le plus de traces : des insultes, des menaces de mort, des insinuations graveleuses à l’adresse des femmes interpelées, et même le canon de ce fusil mitrailleur pointé au visage d’un des manifestants, à l’abri des regards, dans l’intimité d’un fourgon.

Le choc d’abord, puis la peur qui reste, la conscience de la vulnérabilité face à un pouvoir de répression considérable, sont aussi analysés dans le cadre d’une réflexion sur les stratégies de « maintien de l’ordre » de l’État. Le contexte était celui de la frénésie antiterroriste, deux semaines après des attentats meurtriers, dont les morts ont été très vite instrumentalisés pour viser des opposants et opposantes politiques. Un sociologue, une politologue, une avocate, un historien et des activistes se relaient pour analyser l’évolution des politiques pénales et des violences d’État. Ainsi, l’usage dans le droit de la catégorie de « terrorisme » depuis les années 1980, élargie au point d’inclure toute remise en cause des structures sociales, est mise en parallèle avec la gestion des sommets internationaux par l’État, entre besoin de visibilité médiatique et nécessité de faire taire la contestation. Éric Fassin donne aussi des éclairages intéressants sur le jeu de la police et de l’État, celui-ci accordant d’autant plus d’autonomie à celle-là qu’il a besoin d’elle. Le documentaire réussit parfaitement à faire le lien entre cet événement particulier qu’était la répression de la marche pour le climat et le glissement dans un état d’exception permanent.

On notera l’ouverture politique de Samir Baaloudj, ancien militant du Mouvement de l’immigration et des banlieues, qui rappelle que cette violence scandaleuse au cœur de Paris est subie au quotidien depuis des décennies par les habitants et habitantes des banlieues.

Marco (92)

 
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