Dossier : Tunisie : Le grand ménage continue




La bourgeoisie verrait avec satisfaction la révolution s’arrêter. Mais le mouvement populaire ne faiblit pas, et accumule les succès.

Bien qu’il ait reçu le soutien d’une partie de la population qui souhaite la fin du « désordre », Ghannouchi n’a pas résisté aux coups de boutoir de la rue. Le 20 février, plus de 40 000 personnes manifestent pour exiger sa démission et des centaines de jeunes commencent la seconde occupation de la place de la Casbah pour maintenir la pression. Le 25 février des manifestations monstres ont lieu dans tout le pays. Il faudra encore deux jours d’émeutes, cinq morts et de nombreux blessés pour que l’ex-premier ministre de Ben Ali démissionne.

Ghannouchi dégagé, son remplaçant Béji Caïd Essebsi, un apparatchik de l’époque Bourguiba, n’a pas d’autre choix que de céder pour calmer la rue qui continue de gronder. En quelques jours il donne satisfaction à la plupart des revendications : tous les ministres en poste sous Ben Ali sont renvoyés du gouvernement, la constitution est abrogée entraînant la dissolution de l’Assemblée et du Sénat, une assemblée constituante sera élue en juillet, la police politique et la direction de la sûreté de l’État sont supprimées. Pour compléter le grand ménage, la justice décide la dissolution du RCD et la liquidation de ses possessions. C’est une grande victoire pour le peuple tunisien, après le tyran, ce sont les organes de la dictature qui dégagent.

Longtemps étouffées par la répression, les revendications sociales resurgissent spontanément : grèves, sit-in, occupation d’usines touchent tous les secteurs. L’UGTT, dont la direction a collaboré avec l’ancien régime, est parfois dépassée par la combativité des salarié-e-s.

Renouveau du mouvement social La pression de la base est si forte qu’elle est obligée de suivre le mouvement, d’autant plus qu’elle doit faire face à la perte de son monopole syndical, après la création en février de la Confédération générale tunisienne du travail. Le patronat, discrédité par sa participation à la dictature, est partout sur la défensive. Dans ce contexte, les salarié-e-s en lutte arrachent d’importantes concessions sur les salaires et les conditions de travail.

Dans le bassin minier de Gafsa, sinistré par la politique néo-
libérale de Ben Ali, le blocage des voies ferrées a paralysé le transport et la production de phosphate. Après un mois et demi de bras de fer, la Compagnie des phosphates de Gafsa a dû concéder la création de 3 000 emplois directs, et 1 400 autres pour la réhabilitation des sites saccagés par l’exploitation minière.

La démission de Ghannouchi est un échec pour Washington et Paris : leur scénario de transition déraille. Ils espèrent maintenant que l’élection de l’assemblée constituante va démobiliser la rue et canaliser l’énergie populaire sur le terrain institutionnel. L’ampleur de la mobilisation sociale leur donne tort pour le moment, mais ils ont plus d’un tour dans leur sac. La solidarité internationale sera cruciale pour combattre les manœuvres contre-révolutionnaires des capitalistes.

Hervé (AL Marseille)

 
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