Droit social : La casse des prud’hommes est en marche




Deux textes de lois veulent réformer la justice prud’homale en supprimant les élections et en professionnalisant la fonction de juge, au détriment de la défense des droits des salarié-e-s.

Faut-il préciser que la justice prud’homale n’est pas une panacée ; qu’elle se contente de faire appliquer un droit du travail très favorable aux intérêts des capitalistes ; que ce droit se dégrade ; que les conseillers prud’homaux – pour moitié des employeurs et pour moitié des syndicalistes de toute obédience – ne sont pas majoritairement partisans d’une application du Code du travail favorable aux salariés ; que les procédures sont longues ; et que la constatation de l’illégalité du licenciement ne permet, ni une réintégration, ni un dédommagement complet de la perte d’emploi ? Une réforme ne serait pas du luxe, mais celle qui est engagée par le gouvernement n’est pas au service des salarié-e-s.

Depuis 1979 les conseillers prud’homaux sont élus, d’une part par les salariés en activité ou au chômage et d’autre par le patronat. Le gouvernement veut supprimer cette élection. Le texte définitif a été adopté le 20 novembre 2014. Il est prévu que les conseillers seront désignés en fonction des résultats aux élections professionnelles, écartant de fait la participation des chômeurs et de la très grande majorité des salariés des petites et très petites entreprises, c’est-à-dire celles et ceux qui sont les plus confronté-e-s à la justice prud’homale.

Au final, ce mode de désignation favorisera une organisation comme la CFDT (21,8 % aux dernières élections prud’hommales, mais 26 % aux élections professionnelles) au détriment de la CGT (respectivement 34 % et 26,8 %).
Un second texte, présenté au Conseil des ministres le 10 décembre, veut chambouler la procédure prud’homale. Ce qui est en jeu, c’est la disparition des spécificités de la juridiction ­prud’homale : juges non professionnels, bureaux paritaires en conciliation et en jugement, oralité des débats... pour aller vers une justice organisée autour d’un juge professionnel avec des assesseurs salarié et employeur.

L’objectif : brider les militants

Le projet de loi ne prévoit pas (encore ?) la défense obligatoire par un avocat, mais une telle mesure en serait la conclusion logique, avec pour objectif une baisse importante des procédures intentées par les salariés-e-s contre leur employeur. Par contre ce texte encadre la fonction de défenseur syndical [1], certes en lui donnant un statut (des moyens pour agir), ce qui pourrait apparaître comme une avancée, mais en imposant que celles et ceux-ci soient inscrits « sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur présentation par les organisations représentatives d’employeurs et de salariés » et qu’ils soient tenus « à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur ». Bref, il s’agit là encore de brider des militantes et des militants, dont l’action est indispensable à de nombreuses et nombreux salarié-e-s pour pouvoir se défendre aux prud’hommes.

De la formation des conseillers qui sera confiée à des magistrats professionnels et non plus aux organisations syndicales ; du renforcement des procédures disciplinaires pour les conseillers prud’hommes soupçonnés de syndicalisme rampant ; de la complexification de l’introduction des demandes ; tout est organisé pour faire rentrer dans le rang des conseils de prud’hommes, certes imparfaits, mais où agissent des militants qui se battent pour les droits des salarié-e-s.

Jacques Dubart (AL Agen)

[1Être défenseur syndical, c’est être un militant « faisant fonction d’avocat-e » auprès des salarié-e-s déposant un dossier aux prud’hommes.

 
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