Ecologie : La justice au service des pollueurs




Le 15 mars 1999, des militants d’AC ! mettaient provisoirement hors service l’incinérateur d’ordures ménagères de Fumel dans le Lot-et-Garonne. Depuis, personne n’a osé faire réparer ces dégâts pour redémarrer un incinérateur hors norme dès sa mise en service en 1986 et polluant largement les alentours. Pourtant, le 17 septembre s’est tenu à Agen le procès des militants d’AC ! ayant participé à cette action de salubrité publique.

Depuis sa construction en 1986, l’incinérateur fonctionnait sans filtre, brûlait en torchère, des flammes dépassant souvent de 5 mètres au-dessus la cheminée. La combustion se réalisait à une température inférieure de 200 degrés à la norme autorisée, ce qui se traduisait par une production importante de dioxine. Les imbrûlés nécessitaient la mise en décharge étanche des mâchefers produits par l’usine... mais ces derniers étaient entreposés à l’air libre en surplomb d’un ruisseau qui se jette dans le Lot.

Malgré ces conditions d’exploitation inouïes et malgré les renforcements successifs des normes françaises et européennes (1991 et 1994), l’installation continuait de fonctionner, de dérogation en dérogation.

Durant treize longues années, l’incinérateur a peu à peu tapissé le sol sur des kilomètres à la ronde, de poussières rendues toxiques, en particulier par la présence de dioxine et de métaux lourds responsables de cancers, des maladies respiratoires, de graves atteintes à l’immunité...

État de nécessité

Le 15 mars 1999, des membres d’AC ! (Agir contre le chômage) manifestaient devant l’incinérateur. Au président du Syndicat intercommunal gestionnaire du site, ils proposèrent de nouvelles méthodes de retraitement des ordures ménagères, en particulier la collecte sélective, créatrice d’emplois. La seule réponse fournit fut la reconnaissance de la pollution et une « possible » fermeture vers... 2002 !

Excédés, les militants d’AC ! décidèrent de couper les câbles d’alimentation et de démonter la porte du four principal.

Une plainte contre X a été déposée par un militant d’AC !, riverain de l’usine. Celle-ci recense l’incroyable succession d’entraves aux réglementations en vigueur et démontre les négligences et complaisances qui accompagnent le fonctionnement de l’usine.

La juge d’instruction en charge du dossier a refusé d’instruire à décharge et de s’interroger sur les véritables motivations ayant conduit à la mise hors service de l’incinérateur : ce dossier pouvant en effet conduire à la mise en examen des responsables du délit d’empoisonnement de toute une population durant plus d’une décennie. Elle a utilisé à l’encontre des précaires et chômeurs tous les outils répressifs à sa disposition : incarcération de cinq d’entre eux pour une durée allant jusqu’à un mois, contrôle judiciaire très contraignant, mandat d’amené pour un militant en grève de la faim, interdiction de participer aux réunions d’AC !.

Le procès d’Agen a été marqué par une manifestation rassemblant plus de 1 000 personnes, venues par car de tout le sud de la France. Le procès s’est quasiment déroulé en huis clos : seulement 20 personnes ont pu pénétrer dans un Palais de justice complètement bloqué par la police. Face aux témoins cités par la défense, la juge a décidé de faire une sélection : elle a récusé plusieurs témoins, dont un expert en environnement et José Bové venant témoigner de « l’état de nécessité ». Puis elle a rejeté la demande de report faite par la défense dans l’attente de l’instruction de la plainte déposée contre l’exploitant de l’incinérateur.

Pour l’exemple

Lors des plaidoiries, les juges ont cherché en permanence à limiter les débats au seul constat de l’illégalité des actions revendiquées par les militants d’AC !, cherchant en permanence à occulter la dangerosité de l’installation, son illégalité et y compris les courriers du ministère de l’Environnement au préfet, montrant que le ministère aurait imposé la fermeture de l’installation… si le préfet avait fait remonter les différents rapports et déclarations des associations de riverains.

Le procureur a demandé des peines allant de neuf mois d’emprisonnement, donc huit avec sursis pour quatre militants, et de six mois à trois mois avec sursis pour les autres. Le tribunal a mis la décision en délibéré au 19 novembre.

Le procès d’Agen pourrait apparaître caricatural. Même si les réquisitions du procureur sont censées être mesurées (les inculpés ne retourneraient pas en prison), il est simplement représentatif de la volonté de criminaliser les mouvements sociaux à l’œuvre depuis plusieurs années et du peu de cas fait par les pouvoirs publics de la santé des populations. Le bilan des différentes catastrophes industrielles n’a rien changé. La valeur absolue au sein de la société capitaliste reste la propriété privée. Cela nous rappelle qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation entre le capitalisme et un « développement respectueux de l’environnement ». La lutte écologique est définiti- vement liée à la lutte anticapitaliste.

AL Lot-et-Garonne

 
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