Edito : Déni de démocratie




Le 9 janvier 2003 sera une date à retenir dans l’histoire de la démocratie.

Ce jour-là, une majorité de travailleuses et travailleurs d’EDF-GDF ont repoussé à 59 % et dans un même geste la remise en cause de leur régime de retraite et ont ainsi dit non à une privatisation qui lui était étroitement liée.

Le scrutin concernait 280 000 personnes, soit le plus gros collectif de travail, retraité(e)s compris, à ce jour consulté sur un projet qui engage son avenir. Et cette victoire du non au hold up du capital est d’autant plus méritoire que tout a été fait pour marginaliser FO, SUD et l’opposition CGT, c’est-à-dire les syndicats et syndicalistes qui défendent les droits des travailleurs et travailleuses d’EDF-GDF.
Ce résultat est un camouflet pour le gouvernement, le Medef mais aussi les syndicats et la presse de marché qui avaient fait le choix d’une « réforme des retraites » dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.

Ce vote met également à mal la stratégie de l’axe CGT-CFDT, suivie par quasiment toutes les organisations syndicales, et qui s’orientait vers une négociation de la liquidation des pensions et retraites, que lui propose le gouvernement en s’unissant sur un contenu flou et minimal.
Plutôt que faire profil bas, le camp du oui au capitalisme a répondu en chœur par la provocation : « Allez-vous faire voir ! Ce référendum, c’est de la merde puisqu’il ne va pas dans notre sens. Vos retraites on les aura et la privatisation on la fera »

Nous assistons bien à un déni de démocratie. Démonstration est faite qu’une minorité entend imposer son point de vue à la majorité par un passage en force.

Mais ce scrutin comporte d’autres enseignements, il montre l’isolement et le discrédit d’un syndicalisme minoritaire qui négocie la régression sociale au-dessus des travailleuses et les travailleurs et contre eux. Il suggère également que c’est bien aux travailleuses et aux travailleurs de décider et à personne d’autre en ce qui concerne leurs droits. Il ouvre le débat sur ce que peut être une alternative à la dictature du capital, une appropriation de l’outil de travail par les travailleuses et les travailleurs eux/elles-mêmes.

Que peut-il se passer maintenant ?

Lesréactions aux résultats du 9 janvier 2003 montrent que le gouvernement a peur de nouvelles consultations et qui plus est d’un référendum sur les retraites, un temps promis par « Supermenteur » et remisé aux oubliettes depuis.

Face à cela, deux options sont possibles.

1) Se limiter à un pseudo-front syndical impulsé exclusivement de haut en bas et visant à légitimer une négociation sur les retraites aujourd’hui, sur l’assurance maladie demain, au-dessus des salarié(e)s et sans possibilité de contrôle de leur part. C’est tout le sens de la manifestation du 1er février telle que l’ont conçue la CGT et la CFDT. Un tel mandat tacite donné aux bureaucraties syndicales consacrerait la victoire à terme du Medef et du gouvernement. C’est le pari de la défaite intériorisée et donc annoncée.

2) S’appuyer sur le référendum du 9 janvier à EDF-GDF et impulser dans toutes les villes de France des assemblées interprofessionnelles de syndiqué(e)s et de non-syndiqué(e)s, intégrant les chômeur(se)s élaborant leurs plates-formes revendicatives (sur les retraites, les services publics, l’assurance maladie, le pouvoir d’achat...) débattant des moyens d’action (grève, grève générale avec occupation des lieux de travail et manifestations de protestation partout...) pour satisfaire les revendications. Coordonner ses assemblées entre elles localement et nationalement pour leur donner le poids d’un véritable contre-pouvoir. En faire de vrais espaces de démocratie. C’est-à-dire non pas répéter les grèves de novembre- décembre 95, mais leur donner un prolongement réellement subversif et autogestionnaire.
C’est le pari de l’audace et d’une volonté réelle d’en découdre enfin.

Pour cela la rage et la colère, celles qui déchaînent les énergies créatrices, devront prendre la place de la peur, l’inquiétude et un mécontentement embarrassé qui ont dominé ces sept dernières années. Des sentiments de révolte qu’ont su incarner à merveille les Clash et Joe Strummer, disparu le 22 décembre dernier.

Une rage et une colère qui donnent envie d’en découdre avec le capitalisme, mais aussi avec cette guerre préventive que nos dirigeants voient comme un moyen de balayer « les incertitudes de la situation économique »... qui prendront peut-être demain la forme d’une tempête sociale.

Une rage et une colère qui libèrent un désir, celui de se battre pour un autre futur.

Alternative libertaire, le 15 janvier 2003

 
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