Education : Stagiaires impossibles




Cette année, les stagiaires de l’Éducation nationale, victimes du massacre en règle de leur formation professionnelle, font figure de génération sacrifiée. L’heure est à la révolte.

Tout commence dans l’Académie de Créteil. Une première assemblée générale est appelée sur le site de l’IUFM [1] de Torcy (Seine-et-Marne) le 1er octobre et réunit 80 stagiaires qui entendent protester contre leur (non)formation.

Depuis la rentrée 2010-2011, les enseignants et CPE [2] stagiaires – désormais recruté-e-s à Bac+5 – apprennent le métier « sur le tas ». Dans le secondaire [3], c’est dès la rentrée de septembre qu’ils et elles ont effectué leur service à temps complet. L’année précédente encore, les stagiaires avaient pourtant une décharge de service (concrètement un ou une prof stagiaire du secondaire avait huit heures de cours à assurer au lieu de dix-huit heures pour un titulaire). Ce temps de décharge nécessaire permettait de suivre une formation continue.

Avec cette « réforme », il s’agit bien évidemment pour le ministère de l’Éducation nationale de faire des économies. Pour rester dans le secondaire : supprimer les décharges de service et faire passer les stagiaires de 8 à 18 heures devant élèves, c’est concrètement supprimer des milliers de postes. C’est aussi supprimer une année de formation payée aux stagiaires qui doivent désormais se former bénévolement en plus de leur service !

Un mouvement auto-organisé

Bien sûr les conditions de travail des stagiaires se sont considérablement dégradées. La presse se fait l’écho de démissions, de « craquages ». Dans un rapport de novembre 2010, le ministère lui-même est obligé de reconnaître l’augmentation des démissions et constate assez cyniquement que les stagiaires sont dans un « état de fatigue ». Ils et elles sont en fait véritablement éreinté-e-s et se considèrent, à juste titre, méprisé-e-s. L’AG de Torcy va donner le signal de la révolte.

La mobilisation prend forme et le 20 octobre, une AG réunit 180 stagiaires d’Île-de-France, très majoritairement de Créteil. Les stagiaires décident de s’organiser en collectifs et reprennent le nom du premier créé : le collectif « Stagiaire impossible » [4]. Entre octobre et novembre dans les académies de Bretagne et d’Orléans-Tours des AG de stagiaires se tiennent dans les IUFM et débouchent sur la création de collectifs, à chaque fois largement représentatifs. Le Collectif orléanais « Stagiaire impossible » réunis ainsi 80 stagiaires sur les 120 que compte le département du Loiret ! Le mouvement des « stagiaires impossibles » est né. Il se dote d’un cahier revendicatif liant améliorations immédiates des conditions de formation et exigence d’abrogation de la réforme de la masterisation.

S’élargissant timidement aux stagiaires professeurs des écoles, le mouvement reste centré sur le second degré. À l’invitation de Sud Éducation, une intersyndicale nationale se met en place pour soutenir les stagiaires : le Snep et le Snes-FSU, la CGT Éduc’action répondent présents. Au niveau académique le soutien peut être plus large incluant des structures Sgen-CFDT, Unsa, FO ou CNT. Mais ce sont bien les stagiaires et leurs structures auto-organisées qui gardent la main.

Des vocations militantes !

Une première réunion nationale de délégués des collectifs s’est tenue à la Bourse du travail de Paris le 11 décembre. Elle a appelé à une semaine d’action du 17 au 22 janvier. Dans ce cadre, les collectifs se sont diversement greffés sur deux journées de mobilisation, celle sur la précarité dans la fonction publique du 20 janvier et celle contre les suppressions de postes dans l’Éducation du 22 janvier [5].

Une nouvelle réunion est prévue le 5 février ; les collectifs espèrent pouvoir se constituer en coordination nationale. Une chose est sûre, avec sa contre-réforme de la formation, le ministère ne pensait sans doute pas révéler de telles vocations militantes.

Théo Rival (AL Orléans)

[1Institut universitaire de formation des maîtres.

[2Conseillers principaux d’éducation.

[3Les collèges et lycées (généraux, technologiques et professionnels).

[4Voir le site http://blog.stagiaireimpossible.org, qui sert aussi de plateforme aux autres collectifs.

 
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