En direct du congrès CGT : la direction recule sur les comités régionaux




Quatrième jour du 52e congrès confédéral CGT. Feu roulant des congressistes contre ce nouvel échelon bureaucratique ; débat sur l’organisation des isolées et dans la sous-traitance ; inquiétudes sur la répression antisyndicale ; questionnements sur les candidatures à la direction confédérale. Un rendu sur le vif, au jour le jour, par le blog Communistes libertaires de la CGT.

Pour cette quatrième journée du congrès confédéral, la séance s’est ouverte avec la présentation de motions de soutien à diverses luttes… Le congrès en adopte généralement plusieurs, sans davantage de discussion. L’une d’elles aurait pourtant mérité d’être relue avec les yeux du syndicalisme écologique que la CGT souhaite incarner : celle présentée par la fédération de l’Agro-alimentaire soutenant les grévistes de la sucrerie de Toury (Eure-et-Loire), dont l’usine doit fermer à la fin de l’année.

Il ne s’agit évidemment pas de contester la lutte pour l’emploi, mais de relativiser un argument – la souveraineté alimentaire nationale – mis en avant dans la motion. En effet, au-delà de l’odeur nauséabonde que l’usine dégage, la question du sucre de betterave, en concurrence avec le sucre de canne, pose des questions complexes : l’utilisation massive du sucre par les mastodontes des plats cuisinés lève une question de santé publique, et la culture industrielle de la betterave – qui a supplanté le blé dans cette partie de la Beauce – a achevé de tuer l’une des meilleures terres agricoles du pays et d’épuiser les nappes phréatiques de la région. Sécheresse oblige, les agriculteurs arrosent les champs dès le début avril !

Mais interrompons cette digression et revenons aux résultats des votes de la veille au soir. Le vote du thème 2 du document d’orientation adonné 70 % pour, 29 % contre et 7 % d’abstentions. Un chiffre conforme aux équilibres de ce congrès, avec près d’un tiers des syndicats dans l’opposition. Il est du coup intéressant de relever que le vote du thème 5, sur l’internationalisme, est lui adopté à 79 %, avec 21 % contre et 8 % d’abstention. Cela signifie assez clairement que les mandats critiques qui réclament une ligne plus radicale représentent bien davantage que les mandats « pro-FSM ». Et c’est tant mieux !



Encore les gilets jaunes, et l’unité syndicale

Le rapport sur le thème 3, (la construction du rapport de force) annonçait avoir recensé 355 amendements déposés par 102 syndicats. Une petite moitié ont été intégrés mais largement reformulés (99 d’entre eux). Les questions des gilets jaunes et de l’unité syndicale ont dominé le débat, avec celle de la construction d’une grève générale. Un amendement du SNTRS (le syndicat du CNRS) proposant la convergence avec les gilets jaunes a été nettement minoritaire.

Le débat sur l’unité syndicale, comme d’habitude, n’échappe pas à des positions caricaturales et sectaires ce qui permet à la direction confédérale de justifier le maintien de la formulation sur le syndicalisme rassemblé. Un autre amendement du SNTRS qui proposait de substituer à cette formule celle de la recherche d’une « unité syndicale basée sur des revendications claires » sera également minoritaire, mais de peu.

Un amendement réclamant que la direction confédérale « impulse » un plan de travail et un calendrier de mobilisation avec des revendications claires a aussi été minoritaire, la commission expliquant que la direction confédérale a un rôle de soutien mais pas de pilote... Les congressistes ont pourtant l’impression que quand il s’agit de défendre des choix politiques et faire repousser des amendements, la direction confédérale pilote fermement les votes ! Le thème 3 a été adopté par 70 % de pour, 29 % de contre et 6 % d’abstentions.

Un syndicat d’une grosse usine Airbus s’est transformé en syndicat de site pour pouvoir syndiquer dans la sous-traitance.

84.000 syndiquées isolées !

Les débats sur le thème 4 (évolution des structures CGT) ont été dominés par la question des « isolés » (84.000 syndiqués sans syndicat) et de la syndicalisation dans les entreprises sous-traitantes. La question de la syndicalisation des lycéennes et étudiantes a également été mise en débat par divers syndicats, et l’amendement en ce sens a été rejeté de très peu.

Déjà présente la veille, la question de la répression syndicale est aussi revenue dans les débats, avec parfois une naïveté un peu inquiétante. Des camarades semblent ne pas comprendre que la seule protection réelle des militantes et militants combatifs c’est d’avoir un rapport de force et une légitimité conquise auprès des collègues de travail.

Un amendement proposant de rejeter l’existence des nouveaux comités régionaux – dont le projet n’est pas encore validé – a aussi été rejeté de très peu. Tout comme un amendement du Comité national des privés d’emploi (la CGT-Chômeurs) qui proposait la création d’un comité de privés d’emploi dans chaque UL, ce à quoi la commission a répondu qu’on ne pouvait figer un modèle unique et que les territoires ont des formes de collectifs variables.

Un syndicat de site pour englober les sous-traitants

Un syndicat d’une grosse usine Airbus a fait état de son choix de transformer le syndicat d’entreprise en syndicat de site pour pouvoir syndiquer les nombreuses et nombreux salariés de la sous-traitance.

Tout à son choix de mettre en avant le syndicat multiprofessionnel pour regrouper des isolés de toutes professions (ce qui revient à en faire des mini-UL) la direction confédérale a fait repousser l’amendement présentant les atouts du syndicalisme local d’industrie en prétendant que cet amendement voulait ériger un « modèle unique ». Ce n’était pas du tout le cas, mais la direction s’épargnait ainsi une réponse sur le fond et la mise à l’étude de cette possibilité parmi d’autres... Le thème 4 a finalement été adopté avec 65 % de pour, 35 % de contre et 6 % d’abstention.

La CGT-Chômeurs a proposé la création d’un comité de privés d’emploi dans chaque UL.

Tensions énormes sur l’échelon régional

Mais la question de l’annexe statutaire pour les nouveaux comités régionaux est à nouveau venu semer l’émoi dans le congrès. La présentation de cette nouvelle structure prête à sourire : ce n’est pas du tout pour aligner la CGT sur les nouvelles régions administratives, mais pour « aider les UL et UD à rester au plus près des salariés » (???). Les congressistes ont soumis le rapporteur à un feu roulant dénonçant pêle-mêle un étage bureaucratique supplémentaire ; l’aspiration de moyens financiers et humains qui manquent déjà dans les UL et les UD ; l’alignement sur le fonctionnement pyramidal de la CFDT ; la création de secrétaires CGT régionaux qui seront des « superpréfets politiques »...

Le sujet a révélé une tension énorme, et il a fallu une longue interruption pour que la direction confédérale se résigne à retirer la question et… à la renvoyer au 53e congrès. Les congressistes ont manifestement savouré une forme de revanche face à une tribune qui, bien souvent, manie des réponses langue de bois et des postures autoritaires maladroites.

Dans le même souci d’apaisement, avant l’élection de la commission exécutive confédérale (CEC), elle a soumis un projet d’appel du congrès... après en avoir repoussé plusieurs fois l’idée. L’appel doit être débattu vendredi matin.

Stabilité d’un tiers des mandats exigeant plus de radicalité

Le vote final sur le document d’orientation a donné 70 % pour, 29 % contre et 7 % d’abstention. Cette remarquable stabilité des « contre » démontre bien l’existence d’une aile qui demande plus de radicalité, sans pour autant être homogène ni représenter une « tendance » comme cela peut avoir existé dans la CFDT des années 1980 et dans d’autres confédérations.

Tiens, réalise-t-on soudain, le délégué d’Info’com – syndicat combinant discours tonitruants et pratiques très modérées – n’a jamais pris la parole durant tout le congrès…

Une belle unité syndicale CGT-Solidaires, en 2016, en soutien aux huit de Goodyear.

Questionnements sur le rejet de certaines candidatures

L’élection de la CEC et de la commission de contrôle a clos cette journée particulièrement tendue. Avec un nouveau pic de tension autour du rejet de certaines candidatures qui ont été maintenues par une partie des délégués. Le refus d’intégrer le candidat de l’UD de Seine-Maritime (Gérald Lecorre) est clairement politique. Benjamin Amar, de l’UD du Val-de-Marne, n’a pas été moins virulent dans ses critiques mais, lui, est protégé par son appartenance au PCF... Gisèle Vidallet, membre sortante du bureau confédéral, paie sans doute son indépendance d’esprit et une compréhension plus perspicace des gilets jaunes.

La commission n’a pas donné la moindre explication claire aux congressistes et il n’est pas facile d’identifier avec certitude les motifs du rejet de Sandra Buaillon (UD de Paris) et de Mireille Stivala, secrétaire de la fédération de la Santé. En tout état de cause, la liste des 60 candidates et candidats (30 hommes, 30 femmes) proposée aux congressistes par un vote à 80 % du comité confédéral national est donc élue, toutes et tous les candidats franchissant les 50 %. Aucun des 4 maintenus n’a été élu, faute d’avoir franchi la barre. Une remarque tout de même : la nouvelle CEC comporte seulement 8 ouvrières et ouvriers pour 15 cadres, 12 techniciennes et 6 agentes de maîtrise.

16 mai 2019

Cet article est tiré du blog Communistes libertaires de la CGT, qui publie un billet chaque jour sur le congrès confédéral

 
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