Enseignants-chercheurs : Le charivari, c’est pour quand ?




900 postes sont menacés dans le Supérieur et la Recherche. Les enseignants-chercheurs sont dans la rue. Du jamais-vu depuis Mai 68. L’unité est à construire, la hiérarchie à détruire.

Il ne faut pas fanfaronner. La mobilisation universitaire, démarrée sur des revendications de corps, s’ouvre difficilement aux problèmes touchant les autres personnes qui se retrouvent à l’université. En effet, certains ont beau en appeler au principe de l’indépendance des professeurs d’université, ils oublient parfois que celui-ci ne peut pas avoir de réalité si la baisse drastique des moyens se poursuit. Or le décret qui a déclenché la mobilisation n’est finalement que la suite logique d’un mouvement déjà ancien de réforme de l’enseignement supérieur visant à aligner l’université française sur les canons internationaux.

Lors des précédentes réformes, les directions des universités ont exprimé une hostilité croissante envers les mouvements étudiants, traduite concrètement dans des interventions policières ou des fermetures administratives. Si les étudiantes et étudiants cherchent le soutien des profs dans leurs mouvements, ces derniers, qui pourtant n’existeraient pas sans étudiants, prennent souvent pour acquis, sûrs de leur position d’autorité, que les étudiants iront dans la rue, et ne se posent pas la question de comment faire la jonction avec eux, ni surtout des revendications qui concernent les conditions de vie et d’étude des étudiants et étudiantes. Le risque est de voir se développer un mouvement des universités à deux têtes, mais sans tronc commun faute d’alliance réelle.

Une université clivée

Mais l’unité des universitaires est déjà difficile. Le gouvernement a annoncé récemment la suppression de 900 postes dans le Supérieur et la Recherche. La précarité des chercheurs et chercheuses non titulaires est un mode de fonctionnement admis. Elle ne va que s’accroître. Mais le mouvement est celui de statutaires qui ont du mal à intégrer les précaires, comme c’est souvent le cas.

Autre exemple, la méconnaissance sur les conditions de réalisation des thèses reste grande parmi les statutaires, alors que les doctorantes et doctorants réalisent une part importante de la production scientifique et de l’enseignement. La précarité et l’éclatement des jeunes chercheurs et chercheuses, l’absence d’organisations, notamment syndicales, expliquent la faiblesse des réactions contre le projet de contrat doctoral, qui applique les principes de la LRU aux doctorants.

Ce contrat va soumettre les doctorants à une logique d’évaluation (jusqu’à six mois de période d’essai) et à une pression pour répondre aux exigences des entreprises, tout en restreignant les possibilités d’inscription en thèse, notamment en sciences humaines et sociales [1]. Ce mouvement fait apparaître de façon plus aiguë le fonctionnement concret de l’université, profondément hiérarchisé. Or les inégalités et positions de pouvoir fondées sur une hiérarchie du travail intellectuel sont aussi inacceptables que celles reposant sur l’argent. La place laissée dans le mouvement à toutes celles et ceux qui ne sont pas professeurs est donc révélatrice du mythe qu’est leur l’intégration à la « communauté universitaire ».

Or, par-delà les victoires sur les revendications, ce mouvement pourrait également amener une remise en cause, même partielle, du mandarinat universitaire. Cela serait une vraie avancée dans un univers où chacun et chacune est prié de rester à sa place. Les réflexions sur l’autorité et la domination sont nécessaires pour combattre la société capitaliste qui s’accapare aussi nos esprits. Leur critique se met en œuvre chaque fois que les rapports sont bouleversés par des événements qui sortent de l’ordinaire. Profitons-en !

Victoria (AL Paris-nord-est)
et Violaine (AL 93)

[1Voir le discours de Valérie Pécresse le 7 octobre 2008, www.enseignementsup-recherche.gouv.fr

 
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