Et les « fous dangereux » ? Et les « psychopathes » ?




Le « tueur en série », croquemitaine des temps modernes, est en réalité une figure très rare. Les personnes souffrant de troubles mentaux sont bien davantage victimes de violences qu’elles n’en sont auteures. Si dangerosité il y a, un cadre serein et bienveillant suffit à la contenir.

Que ferez-vous des « fous dangereux » ou des psychopathes ? Voilà l’argument récurrent face à ceux et celles qui veulent en finir avec les prisons. Pas étonnant car ces figures du « crime sans mobile » occupent une place importante dans les discours sécuritaires et permettent bien souvent de justifier les logiques les plus répressives au nom de l’idée qu’il n’y aurait pas d’autre solution.

Un imaginaire ancien

En France, le droit bourgeois reposait sur la distinction théorique entre le crime et la folie. L’article 64 du Code pénal de 1810 établissait ainsi qu’« il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ». Des individus pouvaient de cette façon être « irresponsabilisés » pénalement face à un acte qu’ils avaient commis et étaient dans ce cas envoyés à l’asile où, en général, ils purgeaient le reste de leur vie.

Cette distinction a rapidement été mise en cause. D’abord parce que les contours de la folie évoluaient avec les discours médicaux et qu’à partir de certains faits divers exceptionnels, de nouvelles théories naissaient, créant ainsi une « zone grise » mêlant les actes sordides aux troubles mentaux. Ensuite parce que certains courants politico-théoriques, comme l’école de la défense sociale ou l’anthropologie criminelle développèrent des doctrines pénales incitant à juger les individus non plus selon leurs actes mais selon leur dangerosité sociale. Ces courants eurent une certaine influence, notamment dans les années 1920 en Italie et dans les années 1930 en Allemagne.

Une représentation qui persiste malgré la réalité

Le « criminel sans mobile » est une figure persistante. Bien loin pourtant de la réalité : 80 % des meurtres sont commis par et sur des personnes qui se connaissent entre elles. D’autre part, les personnes souffrant de troubles mentaux sont bien davantage victimes de violences qu’elles n’en sont auteures. Les « tueurs en série » sont une espèce très rare... mais nettement plus médiatisée qu’un meurtrier conjugal par exemple.

En réalité, les solutions dépendent de la façon dont est défini le problème. Les logiques sécuritaires prennent appui sur une conception déterministe biologique de la violence, pour lesquelles il n’y aurait d’autre solution que la neutralisation. Pourtant, les passages à l’acte commis par des personnes souffrant de troubles mentaux sont bien plus liés à des enchaînements d’événements particuliers, des ruptures de prise en charge ou des facteurs environnementaux, qu’aux troubles en eux-mêmes [1]. Nombres de pratiques expérimentées dans la psychiatrie post-Mai 68 ou dans le travail social répondent à ces problématiques en assurant un cadre contenant serein et bienveillant pour certains individus en souffrance [2].

Tristan (AL Toulouse)


Les autres articles du dossier :

[1Livia Velpry, « Violences, troubles psychiques et société », Regards sur l’actualité, La Documentation Française, 2009.

[2Voir le livre de Pierre Sans, Chroniques d’un psychiatre libertaire : 1966-2016, CIPP, 2016.

 
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