Lire:Joyce Kornbluh, « Wobblies et hobos »




On connaissait les Wobblies, du surnom donné à nos camarades des Industrial Workers of the World (IWW). Et on connaissait aussi les Hobos, ou vagabonds, légendaires des États-Unis des débuts du XXe siècle, immortalisés par Steinbeck, ou par Aldrich dans L’Empereur du Nord.

Ce qu’on sait moins c’est que leurs routes n’ont cessé de se croiser et parfois de se confondre. Obsédés par l’idée d’unifier tous les travailleurs, les Wobblies écument non seulement toutes les corporations de métiers pour créer des sections, mais aussi tous les milieux en franchissant notamment la frontière entre travailleurs et chômeurs, entre blancs et noirs. Du jamais vu en 1905, année de création des IWW.

Pour les Wobblies, l’important était l’appartenance à la classe des défavorisés. Le mineur, forgeron, mécano syndiqué d’aujourd’hui avait été le hobo d’hier, trouvant dans les « jungles » (communautés temporaires de hoboes) chaleur et réconfort, où il se surprenait à entendre les trimardeurs entonner des chants des IWW !

Bien souvent, et notamment après 1917 lorsque les États-Unis rentrent en guerre et liquident les « rouges », ces ouvriers se retrouvaient sur les routes, en quête de travail.

Les ouvriers d’hier pouvaient redevenir des vagabonds de demain. Mais entre temps, ils s’organisent dans les usines de textile à Lawrence, Massachussets, à Paterson, New Jersey, dans les mines de l’Ouest et les scieries du Nord-Ouest. Ils se font massacrer dans les mines de fer de Mesabi, ou Youngstown (chanté par Springsteen) et des grandes villes où des figures emblématiques comme Joe Hill sont exécutées par les Copper bosses – les patrons du cuivre.

Richement illustré, accompagné d’un CD de chants de travail, de chansons syndicalistes, les textes d’époque font véritablement revivre toute une atmosphère. D’une violence et d’un cynisme inouïs, elle fut aussi ce temps où l’idée de révolution était fraîche et vivante, il n’était question que de faire passer la bonne parole, par voie de tracts, de dessins – pour ceux qui ne savaient pas lire – au gré des routes, des fermes et ateliers.

Mais loin d’être candides, ces textes démontrent au contraire le sérieux révolutionnaire des Wobblies, et la vivacité d’une conscience de classe dont l’histoire officielle des États-Unis voudrait affirmer qu’elle n’exista jamais. Le CD montre qu’il est difficile de faire taire les voix de bluesmen noirs comme Blind Willie Mc Tell, ou Bukka White qui rappellent que le cri de Unite !, ou One big union (un seul grand syndicat) trouvaient une réponse dans l’action directe de tous et toutes, noirs et blancs, hommes et femmes, salariés et réprouvés.

On remarquera enfin une dédicace de l’éditeur français à Larry Portis, notre camarade disparu l’an passé.

Cuervo (AL 95/78)

  • Joyce Kornbluh, Wobblies et Hobos. Agitateurs itinérants aux États-Unis, 1905-1919, L’Insomniaque. 250 p, 25 euros
 
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