Extrême droite : L’antifascisme, c’est la classe !




Le mouvement antifasciste, qui peine à se structurer malgré certaines initiatives encourageantes, pourrait tirer avantage de la crise du FN pour se dynamiser. Mais les différents courants qui luttent contre le fascisme ne peuvent pas faire l’économie d’une véritable réflexion sur le plan stratégique et sur la perspective unitaire à mettre en œuvre pour populariser et élargir cette lutte.

Élection après élection, le Front national engrange les résultats de sa politique de banalisation-dédiabolisation et de la complaisance médiatique sans réellement rencontrer d’obstacles. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’écho rencontré par les confusions idéologiques qui permettent également à ses satellites de profiter de la situation, soit ponctuellement comme les Jours de colère début 2014, soit de manière plus diffuse comme avec les réseaux liés au duo ­Dieudonné-Soral.
La classe politique parlementaire traditionnelle, discréditée auprès des classes populaires par son inféodation au système capitaliste, ses politiques d’austérité et ses scandales, semble tétanisée par la montée électorale du Front national. Il n’y a d’ailleurs jamais de remise en cause, tout juste l’agitation de l’épouvantail FN pour appeler au « vote utile », puisque l’illusion du « front républicain » ne fonctionne même plus. Les seules réponses qui sont données sont la surenchère sur le terrain idéologique labouré par l’extrême droite et qui profite au final au FN : l’immigration désignée comme bouc émissaire idéal avec la figure de « l’ennemi de l’intérieur » et la spirale sécuritaire.

complicité de la classe politique

Que dire également de la valse-hésitation désastreuse de cette classe politique sur la tentation d’inclure le FN dans « l’Union sacrée » au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et ­l’Hyper Cacher ? Cette classe politique n’en finit pas d’écœurer et de désespérer les classes populaires, avec une obstination dans la stigmatisation des « classes dangereuses » des quartiers populaires et le mépris de classe.
Quant aux composantes du Front de gauche, il n’y a jamais eu non plus de véritable retour critique sur le fiasco du duel Mélenchon-Le Pen en 2012 à Hénin-Beaumont et aucun engagement véritable et durable dans la lutte antifasciste.

Hormis certaines forces révolutionnaires situées en marge mais engagées dans le mouvement antifasciste, le fatalisme et l’inertie caractérisent la classe politique mise au pied du mur, ce qui participe au sentiment de désespoir politique vis-à-vis de la montée de l’extrême droite.

Au niveau des libertaires, la campagne libertaire antifasciste (Claf) – dans laquelle AL est impliquée avec la CGA et la CNT – a pour ambition de lutter à la fois contre le fascisme et de construire une « alternative sociale émancipatrice, égalitaire et libertaire ». Si la légitimité des libertaires dans le combat antifasciste est indéniable, la Claf a loupé le coche de la mobilisation nationale de Lyon. Il nous faut dresser un premier bilan de cette campagne et continuer à faire preuve de volontarisme.

Après la manifestation antifasciste de Lyon du 29 novembre – qui a été singulièrement entravée par l’attitude clairement hostile de la police et de la préfecture ayant tiré prétexte des incidents provoqués par de petits groupes autonomes pour empêcher la manifestation de se dérouler –, la dynamique enclenchée par la Coordination nationale contre l’extrême droite (Conex) autour de l’appel « Unir et agir contre l’extrême droite » de juin 2014 a été sérieusement freinée. La Conex tente de poursuivre la coordination de différents groupes antifascistes, notamment issus d’anciens groupes Ras l’Front qui ont réussi à maintenir leur activité locale, d’y associer des organisations syndicales et la question se pose pour les organisations politiques. Mais pour l’instant le constat est que l’écho de la Conex est trop limité.
De leur côté, certains affidés du PS tentent péniblement une initiative concurrente avec la coordination de quelques groupes locaux créés, notamment, en vue de reconquérir certaines municipalités perdues au profit de l’extrême droite. Il faut souligner le recul idéologique car ces groupes récusent même le terme d’« antifascisme ». Nous n’avons donc clairement rien à faire avec cette initiative « républicaine » qui non seulement se place sur un terrain uniquement moralisateur mais aussi dans une perspective politicienne opportuniste.

Du coup, c’est au niveau syndical, que ce soit avec la campagne intersyndicale CGT-FSU-Solidaires et avec Visa, que le travail de fond commence à porter ses fruits. Il faut donc continuer ce travail unitaire pour réussir à l’ancrer et à l’amplifier dans les syndicats de lutte à l’échelle nationale et à l’échelle locale (voir article ci-dessous).

Un travail idéologique

Plusieurs initiatives antifascistes sont prévues prochainement et participent à la construction du mouvement antifasciste et au patient travail idéologique.

Les mobilisations à l’occasion des commémorations à Marseille de la mort d’Ibrahim Ali tué par des colleurs d’affiches du FN en 1995 et de Brahim Bouarram, assassiné en marge de la manif du FN du 1er mai 1995 revêtent une importance symbolique particulière contre les effets de la mémoire courte et pour rappeler les dérives racistes meurtrières de l’extrême droite. Dans la même logique, plusieurs manifestations sont prévues le 6 juin à Paris et dans de nombreuses villes à l’occasion des 2 ans de la mort de Clément Méric et en mémoire de toutes les victimes du racisme ou des agressions fascistes. Mais l’idée est également de mettre en relief « notre volonté de vivre ensemble et notre exigence d’égalité des droits et de justice sociale ».

Par ailleurs, le 7 juin prochain aura lieu à Marseille aux Docks des Suds une journée « Uni-e-s contre l’extrême-droite, pour le progrès social et l’égalité des droits ». Au programme, plusieurs ateliers pour débattre, la mise en place d’un village associatif, un meeting, des animations artistiques et un concert afin d’attirer largement au-delà du public militant. L’idée de proposer prochainement des salons du livre antifascistes s’inscrit dans la volonté de travail de mémoire et d’actualité pour comprendre et combattre le renouveau du phénomène fasciste.

Enfin, face à l’éparpillement des luttes, il y a nécessité de connecter et relier l’antifascisme aux autres luttes : antiracisme, antipatriarcat, contre l’homophobie, l’ordre moral et les dérives sécuritaires... L’initiative autour des manifestations du 21 mars « contre tous les racismes et le fascisme » constitue à nos yeux une tentative importante en ce sens.

Il y a nécessité pour les militants et militantes révolutionnaires de participer à la construction d’un antifascisme de masse et de classe, à condition de l’articuler avec notre patient combat pour construire une alternative sociale.

Gabriel L (AL Paris-Nord-Est)

 
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