Foire à l’autogestion de Montreuil : Mains et cerveaux




Les 8 et 9 juin, près de 80 structures ont soutenu la 2e Foire à l’autogestion de Montreuil, attirant plus de 1 500 visiteuses et visiteurs. Alternative libertaire y participait activement.

Un larsen, un micro qui crache : « Le débat “Auto-organisation et luttes des travailleurs migrants” commence dans cinq minutes à l’espace forum. En parallèle, l’association Amélior vous propose un débat “Le recyclage, c’est la noblesse des biffins” dans les gradins extérieurs. Par ailleurs les inscrites à l’atelier d’autodéfense féministe sont attendues à l’étage. » Alentour, les participantes et les participants se pressent de laver leur assiette ou se commandent un café. Certains cherchent la bonne salle, tandis que plusieurs groupes partent pour la manifestation antifasciste pour Clément Méric. Il est 14 heures, sur le site de la Parole errante, à la 2e Foire à l’autogestion.

Une trentaine de stands de syndicats, de coopératives, d’associations ou d’organisations politiques, plusieurs espaces de débat et de projection, une cantine et un bar autogérés, une librairie, un village du logiciel libre, plusieurs ateliers de réparation et de recyclage, un espace enfants, des débats, des ateliers pratiques, des expositions… C’est tout cela, la Foire à l’autogestion, et c’est aussi bien sûr la répartition des tâches collectives, de l’installation au démontage, en passant par la réalisation de la vidéo qui retracera l’événement.

Théâtre de l’opprimé et sport alternatif

Comme l’an dernier, la Foire ne voulait pas s’adresser qu’aux militantes et aux militants habituels, ni se limiter à des colloques. Elle a donc fait une large place aux savoir-faire manuels et aux ateliers pratiques : du théâtre de l’opprimé au sport alternatif, de la microbrasserie de bière au logement alternatif, du montage d’un ordinateur jerry à l’autodéfense féministe… Mais il y avait également foison de débats organisés, dont on peut retrouver le programme sur Foire-autogestion.org.

Six mois durant, des assemblées générales avaient préparé l’événement. Libertaires, membres de la gauche autogestionnaire, militantes et militants associatifs et syndicalistes : le travail en commun a permis d’échanger sur nos visions, nos pratiques et nos expériences concrètes.

LIP 73, Fralib, la ZAD… et l’UTCL !

Le forum « Autogestion et pédagogie », avec entre autres Charlotte Nordmann et Gilbert Dalgalian, a dénoncé la façon dont les individus sont formatés pour fonctionner de manière hiérarchisée. Travaux pratiques, ensuite, avec l’atelier « Prendre la parole sans prendre le pouvoir ».

Le forum « Auto-organisation et lutte des travailleurs migrants », même s’il a pâti du départ pour la manifestation antifasciste, a été assez riche. Il a donné la parole à des syndiqués du Nettoyage CNT-SO, ainsi qu’au Collectif pour l’avenir des foyers et à Youssouf Bakary Sissoko, qui a raconté l’expérience du foyer de travailleurs migrants du Centenaire, à Montreuil, autogéré depuis dix ans – les résidents paient collectivement le loyer et assurent toute la maintenance, pour des tarifs bien meilleurs que chez Adoma (ex-Sonacotra).

Au forum « Lutte contre les licenciements et reprises de boîtes », Laurent Lacoste (Solidaires-Industrie) a évoqué la campagne en faveur du droit de veto des CE sur les licenciements, et Henri Soler (CGT-Fralib) a posé les bonnes questions : qu’est-ce qu’on peut faire et ne pas faire, en tant que coopérative sur le marché capitaliste ? Il a évoqué la réduction de l’éventail des salaires de 1 à 4. Et pourquoi pas 1 à 1 ? Le débat a conduit à la remise en cause de la hiérarchie travail manuel/travail intellectuel, du taylorisme, à démythifier le rôle des cadres et ingénieurs…

Le féminisme était cette année davantage présent, notamment au travers d’une initiation à l’autodéfense féministe, et du forum « Féminisme et autogestion » avec la bibliothèque grenobloise Antigone et le Planning familial 93. Réflexion et pratique se sont ainsi complétées, pour ce champ d’action où il faut déconstruire des modes de pensée et se faire violence pour ne pas les reproduire au quotidien.
L’écologie radicale était là aussi, avec un forum « Terres nourricières ou projets inutiles ». On pense tout de suite à la ZAD Notre-Dame-des-Landes, mais il y a bien d’autres luttes analogues en France, et plusieurs intervenants étaient venus en parler.

Enfin le forum sur le projet de société a donné la parole à Clément Homs, de la revue Sortir de l’économie, pour une intervention de haut vol sur la « critique de la valeur ».

L’analyse des expériences passées – la scop de bâtiment La Belle Équipe, LIP 1973, l’« autogestion » yougoslave – a été l’occasion de discuter ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Notre camarade Théo Rival a présenté son livre Syndicalistes et libertaires : une histoire de l’UTCL (1974-1991), avec plusieurs anciennes et anciens de cette petite organisation qui a contribué à maintenir la flamme de Mai 68 dans une partie du syndicalisme français.

Et, alors que nous allons fêter les 30 ans de la Marche pour l’égalité, la projection-débat du film Douce France, la saga du mouvement beur, suivie d’un débat avec son réalisateur Mogniss Abdallah et notre camarade Éric (AL Montreuil), nous a rappelé ce mouvement, ses suites immédiates (Convergence 84), puis sa récupération par le gouvernement PS.
Des expositions photos, dessins et affiches, ainsi que des propositions artistiques, de la musique et du théâtre, ont admirablement complété l’ensemble.

Fort de ce succès, l’événement devrait être réédité l’année prochaine pour continuer de prouver que l’autogestion est une réalité atteignable, qui doit structurer au maximum nos luttes.

Guillaume Davranche (AL Montreuil), Adeline Déhel (AL Paris Nord-Est)

 
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