Formats ouverts : Interopérabilité, une notion clé




Pour les enseignants et enseignantes, faire les choix du libre c’est assurer l’égalité de tous et toutes dans la diffusion des savoirs, indépendamment du capital économique. Mais en complément de l’utilisation de logiciels libres, faire le choix des formats ouverts, c’est permettre à toutes et tous de garder le contrôle sur ses données, ses travaux, ses photos…

Si certains logiciels libres ont acquis aujourd’hui une vraie audience au-delà même du cercle restreint des libristes, familiarisant et sensibilisant ainsi le grand public à la question du libre, il n’en est pas tout à fait de même avec la notion de « format ouvert ».

Un peu de vocabulaire

Qu’est-ce qu’un format  ? Le format désigne la forme sous laquelle un fichier informatique est codé afin d’être enregistré, échangé, lu, transporté, transformé, etc. Il est généralement indiqué par l’extension qui apparaît après le nom du fichier (.mp3, .pdf, etc.). Les formats sont au cœur de l’architecture numérique et les plus connus d’entre eux sont même devenus des noms génériques à l’instar du PDF, du MP3 ou du PowerPoint. Si ceux-ci sont aujourd’hui utilisés dans le langage courant pour désigner respectivement un document figé imprimable tel quel, un fichier de musique numérisé et enfin une présentation, ils ne sont en fait qu’une déclinaison possible de ce qu’ils désignent (par exemple, OGG est un autre format de fichier musical et ODP un autre format de présentation).

Pour qu’ensuite ces données (documents de type texte, audio, image, vidéo ou autre) puissent être partagées, il faut que les logiciels des autres utilisateurs et utilisatrices soient en capacité de lire et de modifier ces informations. C’est ce qu’on appelle l’interopérabilité. Le format PDF est un bon exemple de format favorisant l’interopérabilité, puisqu’il a précisément été pensé pour conserver les caractéristiques initiales (mise en page, etc.) du document quelque soit le logiciel ou l’ordinateur utilisé et rendre toujours le même résultat après impression. Pour le dire simplement  : si je partage un document PDF, je suis certain que toutes les personnes qui le recevront le verront tel que je l’ai envoyé.

Mais ce qui est possible avec un fichier PDF ne l’est pas forcément avec tous les formats. Dans le cadre d’une société capitaliste où président les intérêts particuliers, l’interopérabilité n’est malheureusement pas la règle. Celle-ci, nous dit l’association de promotion et de défense du logiciel libre dans l’espace francophone (April), n’est garantie que «  lorsqu’elle repose sur des standards ouverts  : des spécifications techniques publiques, librement utilisables par tous, sans restriction ni contrepartie et maintenues grâce à un processus de décision ouvert  ». C’est seulement lorsqu’un format est basé sur ces standards ouverts que nous pouvons parler de «  format ouvert  ». Un format est ouvert soit parce qu’il a été directement développé pour être partagé (à l’instar des logiciels libres), comme PDF, OGG ou ODP, soit parce que sa licence est arrivée à expiration, comme MP3. À contrario, un format qui ne respecte pas ces standards est dit fermé, et c’est par exemple le cas des formats de Microsoft Office (Word et son .doc, Excel et son .xls, PowerPoint et son .ppt).

Du format fermé au monopole capitalistique

Concrètement, si un enseignant ou une enseignante envoie à ses élèves un fichier .doc, seuls celles et ceux possédant Microsoft Office (qui est cher quand il n’est pas piraté et bourré de virus !) pourront lire le document exactement tel qu’il a été créé et enregistré par l’enseignant. Pour les autres, qui utiliseront par exemple le logiciel libre LibreOffice, la mise en page, les polices, etc., seront différents voire illisibles.

Pour des formats encore plus fermés que DOC, la lecture ou la transformation avec d’autres logiciels ou avec des versions trop anciennes du «  bon  » logiciel est tout simplement impossible. De fait, les formats fermés imposent l’usage du logiciel propriétaire et ainsi conduisent parfois à des situations de monopole de fait.

Pointons au passage un autre risque des formats fermés  : l’obsolescence, qu’elle soit programmée (renouvèlement d’une licence payante exigé, mise à jour payante du logiciel) ou non (l’entreprise a fait faillite et le format n’est donc plus supporté). C’est pourquoi choisir un format ouvert est important même si le fichier n’a pas vocation à être partagé  : l’interopérabilité permet la conservation des données au fil du temps.

Publicité gratuite, monopole facilité, revenus réguliers  : la logique capitaliste consiste évidemment à multiplier les formats fermés et les logiciels propriétaires. Ainsi elle s’oppose aux libertés des utilisateurs et utilisatrices telles que les définies par l’April  : «  la liberté de copier et distribuer le logiciel à ses amis, le droit de l’utiliser pour tous les usages, le droit de l’étudier pour connaître son fonctionnement, le droit de le modifier pour l’améliorer  ».

Pour une informatique émancipatrice

La seule bonne combinaison réside donc dans le choix couplé d’un logiciel libre et d’un format ouvert. Dès le plus jeune âge, les élèves doivent se familiariser avec un environnement informatique libre, le seul qui leur permettra d’acquérir une maîtrise depuis la conception du logiciel jusqu’à la lecture du fichier final, le seul également qui ait vocation à être totalement accessible. Quand on connaît l’importance pour les Gafam des fameux «  algorithmes  » ainsi que les biais et distorsions d’information que ceux-ci induisent, il est plus que nécessaire que les jeunes aient connaissance des «  recettes  » et en acquièrent une certaine maîtrise, sans quoi ils et elles ne pourront exercer leur liberté dans l’ère numérique.

David (groupe de travail libriste d’AL)

 
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