Front national : Entre succès et déchirements




Fort de ses derniers succès électoraux, plus médiatisé que jamais, le FN a en façade complètement réussi le tournant de la « dédiabolisation » initiée par Marine Le Pen, ce qui rend le parti plus dangereux que jamais. Mais les luttes de pouvoir en interne du parti pourrait déstabiliser cette dynamique.

Les dernières élections départementales ont encore une fois permis de voir la progression du vote FN en France. Avec 25,2 % des voix au premier tour et 62 élus, le Front national remporte plus de cantons en une élection que durant son histoire entière. On voit par ailleurs que le vote frontiste se diffuse aujourd’hui bien au-delà de ses « bastions » du Nord-Est et du Sud. Le FN a réussi à déployer plus de 7 600 candidats, un chiffre inégalé, et qui confirme l’ancrage local de l’extrême droite et de ses idées, d’autant plus déroutant que celui-ci n’est pas corrélé avec un travail militant local par endroit. Dans ces conditions, les perspectives pourraient être désespérantes. Mais la prise en compte de certains paramètres permet de mitiger cette image d’un parti triomphant.

Tout d’abord, l’abstention a beaucoup joué en faveur des frontistes, avec une moyenne de 49,8 % au premier tour et plus de 50 % au second. Le Front national, ultraprésent médiatiquement, profite de sa posture « antisystème » face aux partis traditionnels et en particulier le PS , qui s’est volatilisé.

Quête de respectabilité

Ainsi, une bonne partie des sympathisants socialistes ou progressistes ont préféré rester chez eux pour signifier leur désaccord avec le système politique ou par désintérêt, en l’absence de perspective de changement par ce biais. Une partie de ceux et celles qui sont partie aux urnes ont opté pour un vote de contestation et de « ras-le-bol ».

Cette attitude s’est confirmée au second tour, où le FN n’a pas remporté un seul département, un résultat médiocre alors même que ses dirigeants fanfaronnaient sur leur « victoire » du premier tour. Au-delà, les nombreux dérapages des candidats locaux, même s’ils ont eu peu d’impact sur le vote, ont par contre confirmé à toutes celles et ceux qui s’inquiète de l’avancée du FN que derrière la vitrine respectable, le racisme et la xénophobie la plus crasse sont toujours là. C’est d’ailleurs une ligne de fracture visible au sein du FN, cristallisée par le conflit entre les Le Pen père et fille pour la direction politique du parti.

Si le FN est sur une pente ascendante depuis quelques années, la lutte interne entre les tenants d’une extrême droite traditionnelle, incarné par Le Pen père et les partisans de celle « moderne » de Marine Le Pen s’accentue. Cette lutte s’est accélérée avec la suspension par le bureau politique du parti de son fondateur Jean-Marie, après la provocation de trop. L’épisode, quoique douloureux pour le FN, aura permis, paradoxalement, de réaffirmer la nouvelle ligne politique du parti, Marine Le Pen montrant qu’elle était prête à sacrifier son père sur l’autel de la respectabilité.

Cependant, il démontre par l’exemple que la quête de respectabilité voulue par Marine et ses amis, ainsi que la transformation du FN en parti gestionnaire ne se fera pas sans heurts et n’est pas obligée d’aboutir.

On se souvient de la scission suite au conflit Le Pen/Mégret qui avait affaibli l’extrême droite pendant plusieurs années. Pour les antifascistes, le spectacle est plaisant, mais il y a aussi un enjeu fondamental pour nous à mettre ces divisions à profit pour mieux nous organiser, et aider à la naissance d’un mouvement antifasciste large.

Hugues (AL 95)

 
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