« Frontières » : Géopolitique des sexes




La frontière entre « homme » et « femme » n’est pas si évidente, ni si naturelle. Elle est pourtant au fondement d’un ordre social inégalitaire.

Depuis les années 1990, on assiste à un intérêt de nouveau porté, du fait de la théorie queer [1], à la question de la déconstruction d’une différence naturalisée entre homme et femme.

Queer est un terme signifiant « étrange », « louche » et servant d’insulte à l’égard des homosexuel-le-s. En effet, une grande partie de l’oppression que subissent les transgenres, mais aussi de nombreuses personnes homosexuelles au quotidien, est liée à des problèmes qui ressortent plutôt des comportements ou des mentalités. Il s’agit bien souvent de vivre avec les remarques, voire les insultes, des autres membres de la société sur le fait que l’on est trop efféminé lorsqu’on est un homme ou que l’on est trop masculine lorsqu’on est une femme.

La critique de la différence des genres

Le genre correspond au fait d’avoir un comportement masculin lorsque l’on est un homme et d’avoir un comportement féminin lorsque l’on est une femme. Ces comportements ne sont pas des choix personnels, mais ils ne sont pas non plus naturels. Ils sont construits socialement jusqu’à constituer une seconde nature. Pour la plupart des individus, agir de manière masculine lorsqu’on est un homme ou féminine lorsqu’on est une femme, est naturel. On le fait sans s’en rendre compte au point que cela nous semble inné.

Les transgenres sont des personnes qui, pour des raisons de trajectoire individuelle, ont des comportements qui se sont construits de manière différente de l’identité sexuelle qui leur est attribuée par la société. Imaginez alors ce que peut être le fait d’agir d’une manière qui pour vous paraît naturelle mais qui apparaît comme déviante pour la majorité. Représentez-vous ensuite que, par le fait de ce comportement, vous subissiez constamment des vexations de la part du reste de la société, sans pour autant que vous ne fassiez de mal à qui que ce soit. À partir de là, vous aurez une idée à peu près correcte de ce que vivent les transgenres. Ce qui est alors le plus comparable à ce type d’oppression est le racisme.

La critique de la différence des sexes

À la critique de la différence des genres s’ajoute la critique de la différence des sexes. Pour comprendre cette critique, il faut se situer cette fois du point de vue des transsexuels ou des intersexes (personnes dont le sexe est indéterminé à la naissance : entre un et deux enfants pour 1 000 naissances [2]). Le corps médical et la loi assignent à ces personnes un sexe qui n’est pas forcement celui auquel elles se sentent appartenir.

Les intersexes constituent la marque que la différence des sexes n’est pas quelque chose de biologiquement tranché mais qu’elle fait intervenir, pour la construire, des critères sociaux, en particulier scientifiques. La déconstruction des sexes, c’est faire apparaître cette construction de la limite entre un sexe et un autre. Or, si l’inégalité des sexes a justifié par le passé l’infériorité des femmes, la différence des sexes sert aujourd’hui de justification à ceux et celles qui s’opposent à l’homoparentalité.

Enfin, sur le lien entre féminisme et déconstruction, il faut comprendre que la division sociale entre genre masculin et genre féminin, entre sexe homme ou femme, renvoie à un ordre social dans lequel les femmes sont considérées comme inférieures aux hommes. La déconstruction consiste à remettre en cause ces identités assignées socialement au profit de la possibilité pour chacun et chacune de construire de manière plus autonome son identité.

La commission antipatriarcat

[11. Théorie initiée par J. Butler dans son ouvrage Troubles dans le genre.

[22. Melanie Blackless, Anthony Charuvastra, Amanda Derryck, Anne Fausto-Sterling, Karl Lauzanne, Ellen Lee ; « How sexually dimorphic are we ? Review and synthesis », American Journal of Human Biology, volume 12, Issue 2 , pages 151-166.

 
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