Grèce : Mythe de la faillite et tragédie sociale




En septembre 2009, le gouvernement de droite faisait place au parti socialiste. Entre les promesses électorales de redistribution des richesses et les mesures d’austérité du gouvernement une fois les élections passées, la Grèce semble saisir l’opportunité de reconstruire un véritable contre-pouvoir syndical.

Le gouvernement de Kostas Karamanlis a été emporté par d’importantes affaires de corruption, par la colère sociale provoquée par une politique soumise aux exigences du capital et bien entendu par l’insurrection populaire de décembre 2008 qui avait suivi l’assassinat d’un jeune anarchiste de 15 ans par un policier.

Les socialistes reviennent

La chute du gouvernement a été suivie d’une nouvelle mascarade électorale pendant laquelle Giorgos Papandréou, le chef du Pasok – le PS grec – n’arrêtait pas de répéter qu’il était temps de revenir aux principes socialistes de redistribution des richesses et de taxation du capital et des bénéfices, condamnait la dérive libérale des précédents gouvernements Pasok et proposait un processus limité de nationalisation. Le résultat de cette campagne fut un triomphe : 44 % pour le Pasok contre 33 % pour la Nouvelle Démocratie (droite).

Moins de deux semaines après sa victoire, le gouvernement déclarait que la situation des finances publiques était beaucoup plus grave que prévu et les jours qui suivirent furent une véritable tragédie grecque. La Commission européenne déclara qu’elle n’avait plus à supporter les « trucages » de la Grèce, la Banque centrale réitéra ses injonctions quant aux mesures à prendre et les banques commerciales augmentèrent le taux d’intérêt des emprunts d’État. Le gouvernement annonça alors une diminution des primes du secteur public correspondant à une diminution nette de 7 à 11 % des revenus, la suspension des embauches pour cinq ans, l’augmentation du temps du travail et la baisse des retraites. Le jour même, le groupement patronal SEV déclarait qu’il n’était plus question de convention sociale et appelait à développer cette politique dans le privé.

Or l’effondrement de l’économie grecque est un mythe lié au gigantesque gaspillage réalisé pendant la grande escroquerie des Jeux olympiques de 2004 et à la redistribution permanente des richesses en faveur du capital. Plus que nulle part ailleurs, ceux qui ont provoqué la crise tentent de la faire payer par leurs victimes.

Syndicalisme de lutte

La Grèce bénéficie d’une forte tradition insurrectionnelle mais souffre depuis toujours d’un grand vide syndical. La GSEE, seule confédération syndicale du pays, devient un appareil gouvernemental dès lors que le Pasok est au pouvoir. Une semaine après l’annonce des mesures d’austérité, elle tenait son congrès dans un hôtel de luxe où le Premier ministre se fit applaudir à tout rompre par les syndicalistes en exigeant la paix sociale. Au sein de la GSEE, ce sont des syndicats d’opposition regroupés dans la Coordination des syndicats de base (CSP) et le courant communiste (PAME) qui ont organisé la première riposte ouvrière contre le gouvernement. Le 24 février, 100 000 personnes manifestaient et le 11 mars, la GSEE était contrainte d’appeler à la grève générale. Plus de 300 000 manifestants étaient dans la rue et les syndicats annoncèrent 2,5 millions de grévistes.

Pas de salaires pour la patrie

Dans ce contexte, les anarcho-syndicalistes et les communistes libertaires tentent de former une tendance forte au sein du mouvement ouvrier. Le déclin de l’Union syndicale libertaire (ESE) depuis 2009 a privé ce courant d’une présence plus organisée, tout en dégageant des nouvelles forces syndicalistes. Le groupe Rocinante, formé d’anciens de l’ESE et de l’organisation anarchiste Initiative antiautoritaire, joue un rôle visible au sein de la CSP et a lancé la campagne « les salariés n’ont pas de pays ; pas de salaires pour la patrie ». Il est clair que la classe ouvrière et le mouvement libertaire n’entrent pas dans cette bataille dans les meilleures conditions mais elle apparait néanmoins l’occasion d’une recomposition du mouvement syndical en Grèce.

Yannis Androulidakis (Rocinante, Athènes)

 
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