IXe congrès d’Alternative libertaire - Saint-Denis, mai 2008

Intervention des communistes libertaires dans le Front social de l’égalité et de la solidarité




A) Le syndicalisme de lutte et de transformation sociale à l’épreuve

Il s’agit de s’interroger sur l’état du syndicalisme, et les enjeux dans la période. Mais aussi de s’interroger sur les éléments de bilan qui peuvent permettre d’évaluer la pertinence de nos orientations votées au dernier congrès. Dans ce sens, il paraît utile de savoir pour quelles raisons nous n’avons pu mettre en œuvre les éléments stratégiques que nous avançons. Et par suite de savoir s’il est nécessaire d’en tirer des éléments de réorientation. La question du front social de l’égalité notamment doit être posée. De même, et c’est une constante pour nous, la question de la tension entre l’activité syndicale, associative et l’activité politique est posée.

I. QUEL BILAN ?

L’émiettement syndical.

Certains, notamment à l’extrême gauche, le déplorent en ressassant la vieille idée de centrale unique. Outre qu’ils se gardent le plus souvent d’expliquer par quel processus une dynamique de réunification pourrait s’engager, cette hypothèse fait l’impasse de la question de savoir sur quelles bases elle pourrait même s’amorcer. De fait, cette question est le plus souvent posée en parallèle à l’état de décomposition/recomposition des organisations politiques de la gauche étatique. Ce qui reste un réflexe conditionné des conceptions classiques, communes à la social-démocratie et à l’orthodoxie issue du bolchevisme.

La période récente vient contredire la pertinence de cette thèse. De même que les mobilisation étudiantes n’ont pas été le fait des organisations dites majoritaires du mouvement étudiant, les principales centrales syndicales confédérées n’ont pas été motrices des dernières grandes mobilisations de salarié-es.

La grève sur les régimes spéciaux de retraites (SNCF, RATP, EDF, Opéra de Paris) a montré l’apport indispensable des syndicats Sud Solidaires dans les mobilisations. Pour autant la présence de syndicats de lutte et de transformation sociale, même bien implantés, si elle a été décisive, n’a pas été suffisante pour entraîner les salarié-es dans une lutte qui puisse être victorieuse.

Les autres centrales syndicales, au premier rang desquelles la CGT, n’ont pas dévié d’un iota du scénario qu’elles s’étaient fixé : une reddition à moindres frais. Au final, même en traînant les pieds, la grande majorité des équipes syndicales confédérées se sont pliées à la discipline organisationnelle. A cette occasion, on a pu mesurer le peu de poids et le peu d’impact de leurs oppositions internes. C’est là un premier problème que nous devons aborder.

Les dossiers en cours : réforme du code du travail, des retraites, refonte des règles de représentativité, …, ont toutes les chances de se poursuivre sur le terrain institutionnel, sans réelle volonté de créer un rapport de force en expliquant les enjeux et en s’appuyant sur les salarié-es.

Les limites de Solidaires

Les militant-es communistes libertaires, syndiqué-es à Solidaires, doivent continuer à prendre toute leur place, sans fuir les responsabilités, dans les syndicats et dans l’Union syndicale. Le développement de syndicats affiliés à l’Union est un enjeu essentiel de notre action, principalement au plan interprofessionnel et en direction des entreprises privées.
Pour autant, la lutte contre le CPE/CNE doit nous rappeler les limites que Solidaires ne pourra pas franchir si l’unité syndicale se limite à une unité de « sommet ».
Il y a donc une nécessité impérieuse, pour eux, de chercher et de développer un travail commun, chaque fois que possible, au niveau professionnel et interprofessionnel local avec les militant-es et les structures lutte de classes des autres organisations syndicales.

La CNT

Dans quelques secteurs professionnels, la CNT est devenue une organisation syndicale représentative. Dans d’autres secteurs, là où des militant-es d’Alternative Libertaire font le choix de militer à la CNT, ils et elles seront confronté-es aux limites propres à leur organisation confédérée et devront agir, aussi, pour chercher et développer un travail commun, chaque fois que possible, au niveau professionnel et interprofessionnel local avec les militant-es et les structures lutte de classe des autres organisations syndicales.

La CGT

La question de savoir si la CGT peut modifier sa ligne directrice actuelle n’est plus seulement posée, elle semble malheureusement être de plus en plus tranchée. Pour autant, quitter l’organisation en ordre dispersé ou de manière isolée n’aurait pas de sens.

A l’inverse, se contenter d’avoir les mains libres dans son atelier ou son entreprise, à condition de ne pas en sortir n’est plus aujourd’hui une position tenable pour les communistes libertaires.

Les militant-es communistes libertaires doivent faire un état des lieux sérieux de la nature et de l’action des oppositions internes à la ligne confédérale. La lutte interne aujourd’hui n’est plus une lutte pour la direction de l’appareil confédéral. Elle doit être la lutte pour le regroupement des militant-es, des équipes syndicales et des secteurs « lutte de classe », pour leur expression et pour leur action publiques.

La question de l’investissement a été et demeure problématique
Dans le passé, l’activité syndicale a pu apparaître comme surdéterminante et a entraîné une appréciation politique par trop « syndicalistes de gauche » et une propagande trop axée sur cet aspect. D’une certaine manière, les questions politiques touchant aux questions idéologiques, programmatiques ont été un peu sous-estimées.
La recherche permanente d’un équilibre est difficile à réaliser.
D’une part parce que nous vivons une période historique inédite avec l’écroulement des grands courants idéologiques qui organisaient la classe ouvrière, les courants communistes et catholiques progressistes qui ont joué un rôle d’organisation collective important et dont bon nombre de militant-es avaient un rôle d’organisation.

Jamais l’organisation collective des exploité-es n’aura été aussi faible.
L’opposition entre réformistes et révolutionnaires (qui se concrétisat dans le rôle d’opposantes des minorités révolutionnaires), fait la place de plus en plus à la nécessité d’assumer un rôle d’organisateur direct. Ce rôle absorbe une énergie très importante.

D’autre part, nous vivons une période marquée par un temps politique de l’urgence, de l’immédiateté. Un zapping permanent où tout doit aller très vite. Beaucoup de militant-es que nous côtoyons ont changé très rapidement d’axes politiques. Il y a eu, l’engouement pour le « syndicalisme nouveau », mais sans qu’une recomposition syndicale se concrétise rapidement. On a assisté au zapping vers une recomposition politique, un engouement « anti libéral », et maintenant plusieurs projets de partis à gauche du PS.

Les centres d’intérêts mouvants d’une partie importante de la militance, dont le nombre est de surcroît réduit, impacte les choix de construction de luttes.

D’autre part, la tension permanente entre syndical/mouvement social et politique et les échecs à construire une unité du mouvement social, amènent une partie encore de la militance à se positionner sur la question de la recomposition politique. Le problème des perspectives à gauche devient ainsi la question primordiale dans les priorités réelles.

Ainsi, alors que le mouvement altermondialiste a connu un moment un pic d’influence, nous n’avons pas pu ou su peser pour que ce mouvement se recadre sur les questions de lutte de classe. L’action à Dugny contre la privatisation du Rail qui aurait pu être une de ces occasions a montré que c’était très difficile. De même que le Non au TCE n’a pas été l’occasion de transformation en luttes sociales fortes.

La préoccupation de la construction à gauche du PS, amène également à considérer que les difficultés dans la construction des luttes est directement liée à ce manque de perspectives.

Alors que ce n’est pas l’absence de perspectives à gauche qui plombe en premier le développement des luttes, mais bien la question des stratégies au sein même du mouvement social

II. QUELS AXES STRATEGIQUES ?

La tentative de normalisation du mouvement syndical, et la capacité politique du mouvement social à peser indépendamment du contexte institutionnel constituent deux enjeux stratégiques pour la période.
A la suite de l’élection de Sarkozy, le pouvoir politique tente d’écraser toute opposition, tout contre pouvoir. Si, durant la période Chirac, la crise de la légitimité des institutions a pu apparaître en grand et permettre de mettre en cause les choix des grandes institutions, on assiste à une sorte de tentative de relégitimisation des institutions étatiques.

Le régime assigne ainsi au syndicalisme la mission de mettre en œuvre, le programme Sarkoziste. Le pouvoir décide des thèmes, des sujets de négociations, fixe le cadre, et la durée des négociations, évidemment dans le cadre des orientations pro MEDEF du pouvoir. Le syndicalisme est ainsi ramené à une fonction d’accompagnement des choix politiques.
En définitive, c’est l’indépendance de classe qui est en jeu et l’autonomie politique du syndicalisme vis à vis de l’Etat,sa légitimité en dehors de la démocratie politique parlementaire, à peser sur la société et les intérêts de classe selon sa propre temporalité.

Le syndicalisme révolutionnaire a réussi à faire admettre, par la séparation de la classe ouvrière du reste de la société, que la légitimité de l’action sociale est primordiale et au moins (pour la majorité de la population) aussi importante que la démocratie politique.
Nous assistons à une tentative de normalisation du syndicalisme et de son rôle de contre pouvoir.

Il s’agit là d’un enjeu stratégique, car c’est la capacité politique des exploité-es à peser, à partir de la base de la société qui est menacée.

Dans ce cadre, l’évolution de la CGT et l’existence d’un courant syndical de lutte et de transformation social constituent deux éléments centraux.
Si le pouvoir et les responsables syndicaux favorables à une réorientation de la CGT arrivaient à leur fin, ce serait une très mauvaise nouvelle pour tous ceux et toutes celles qui luttent.

La CGT demeure l’organisation centrale de la résistance ouvrière et son évolution est une préoccupation importante pour les révolutionnaires.
Si l’évolution de la CGT n’est pas jouée, (à preuve les périphrases, les double langages employés pour la presse, les pouvoirs et en interne – il fallait rendre signable le texte par les autres – texte de régression sociale sur le contrat de travail etc.), l’appareil confédéral notamment depuis la question du Non au TCE, et parce que le régime politique a bien compris tout l’intérêt de discuter avec cet appareil , donne des signes de plus en plus forts d’une évolution vers le syndicalisme déjà en œuvre à la CFDT.

Dans ce cadre, l’abandon de toute volonté de porter un projet politique syndical pousse vers un syndicalisme inscrit dans le cadre des institutions.
L’intervention de la direction confédérale avant même la grève des régimes spéciaux est une chose inédite et un tournant dans la pratique confédérale CGT.

Si cette analyse est partagée, cela implique des perspectives et des tâches.

Toujours sur le curseur entre politique et syndical et cette tension permanente.

Le renforcement de courants révolutionnaires constitue un atout, par le simple fait que plus il y a de militant-es politisé-es dans le mouvement social, plus la politisation et les enjeux stratégiques sont facilement en discussion.

En même temps, la construction du ou des courants révolutionnaires ne répond pas à l’enjeu stratégique de l’indépendance de classe et à la capacité autonome des exploité-es à peser. Sauf à considérer que le courant révolutionnaire devient l’expression tribunitienne des luttes sociales, expression syndicale radicale et que c’est lui qui prend la main pour le déclenchement des luttes et la construction des rapports de force.

Etre en situation de faire des propositions.

L’unité des anticapitalistes pour un syndicalisme de lutte et de transformation sociale,

La fin des années 80 a été marquée par la tentative de la direction confédérale CFDT de faire litière des outils collectifs qui portaient un syndicalisme de lutte et de transformation sociale.

Nous avons pris avec d’autres notre place pour sauvegarder ce modèle syndical. Aujourd’hui, ce qui a été construit compte mais a aussi ses limites.

La possibilité d’un syndicalisme recentré autour des positions de type CFDT constituerait une nouvelle tentative de marginalisation du syndicalisme de lutte et de transformation sociale.

Il s’agit de savoir comment continuer à faire vivre ce modèle syndical.
Au delà des recettes techniques de mise en œuvre, c’est la question d’en faire un enjeu stratégique qui doit nous animer.

Notre action conjointe ne sera pas de rester chacun-e dans le pré carré de son organisation, à assister confortablement au naufrage général en imputant la responsabilité aux autres.

Militant-es à la Cgt, à Solidaires, à Fo, à la CNT, notre travail est d’établir les liens intersyndicaux, professionnels et interprofessionnels, chaque fois que possible pour l’action en commun et tirer nos organisations sur le terrain de la lutte. Les opportunités ne manquent pas, qu’elles se présentent d’elles mêmes ou qu’on les crée.

Complémentairement à ce travail de terrain, AL doit être porteuse de propositions pour constituer des lieux et des espaces de débats, d’échanges, de réflexions, intersyndicaux qui dégagent un espace et des perspectives pour le syndicalisme de lutte et de transformation sociale. Telle doit être la réponse et l’apport des communistes libertaires à la dérive du syndicalisme et à son émiettement.

Donc, soit nous sommes, avec d’autres en capacité de montrer des lieux et des structures de débats pour faire vivre ce projet et peser sur le cours des choses, soit l’avenir sera plus incertain.
La construction de structures ad hoc de débat intersyndical est ainsi une priorité. Evidemment, il ne s’agit pas de créer artificiellement des regroupements composés de militant-es détaché-es des pratiques de masse.

La mise en œuvre d’une revue de débats s’avère nécessaire.
L’ensemble de ces tâches ne pourra prendre que si les militant-es investi-es dans les organisations syndicales en sont d’accord et les portent.

De même que l’effondrement idéologique de la gauche institutionnelle rend nécessaire la (re)construction d’une gauche anticapitaliste et révolutionnaire ayant une audience de masse, l’état lamentable du paysage syndical rend tout aussi nécessaire la reconstruction d’un syndicalisme de classe, de masse et de transformation sociale. Reconstruction et non recomposition, les mots ont leur importance.
En effet, penser que tous et toutes les militant-es combatif-ves devraient adhérer à Solidaires ou constituer une nouvelle organisation regroupant tout le syndicalisme de lutte n’a pas de sens. D’abord parce que cela ne peut se faire mécaniquement comme on découpe et colle des bouts de papiers avec des ciseaux et de la colle. Cela fait abstraction des différences de culture syndicale et de la réalité des situations dans les entreprises. Ensuite parce que cela ne suffirait pas forcément à remédier à la stratégie d’isolement du syndicalisme combatif par le patronat, l’État et les bureaucraties syndicales et ne ferait pas disparaître la capacité de nuisance de celles-là par magie. Enfin parce que la recomposition implique une construction qui se fait le plus souvent de haut en bas et dépend du bon vouloir de fractions significatives des appareils, et il est illusoire de vouloir agir sur ce processus.

À l’instar de ce qui s’est passé dans les facs entre la victoire de Sarkozy et le déclenchement du mouvement étudiant, il nous semble plus fécond de travailler à la constitution d’un réseau intersyndical de lutte s’appuyant sur des équipes militantes qui se battent pour un syndicalisme de lutte et de transformation sociale indépendant de l’État et du patronat.
Ce réseau doit pouvoir se décliner à tous les niveaux (entreprises, villes, département, régions, branches professionnelles).

Le but d’un tel réseau est à la fois de favoriser le développement des luttes et de contre-pouvoirs, mais aussi de servir de laboratoire d’idées tant sur les revendications d’urgence que sur la transformation sociale. Cela peut utiliser diverses formes (Internet, bulletins, revues) et s’appuyer sur des pratiques variées comme l’auto-organisation, les luttes des travailleurs et travailleuses immigré-es, les expériences de solidarités interprofessionnelles, les luttes contre la précarité, pour le droit au logement ou encore pour l’éducation populaire… C’est bien de bas en haut qu’il s’agit de construire une telle dynamique et c’est sans plus attendre qu’il faut s’atteler à cette tâche.

Le front des gauches syndicales étudiantes est un exemple qui montre qu’une telle collaboration peut avoir un rôle décisif pour organiser des mobilisations nationales.

La collaboration entre militant-es CNT, Solidaires, FSU et CGT dans UCIJ qui a débouché, entre autres, sur la sortie d’un matériel commun (4 pages, brochure) sur la question de la défense et de la syndicalisation des sans-papiers, et sur des luttes, en est un autre assez probant. Ainsi, ces militant-es ont ouvert des perspectives de lutte contre la précarisation et contre la division du travail par le capital, mais aussi en faveur de l’organisation des travailleurs et des travailleuses. Ils-elles poussent leurs organisations à évoluer d’un combat humaniste de solidarité envers les immigré-es à un combat de classe qui considère les sans-papiers d’abord comme des travailleurs et tavailleuses avant de les percevoir comme des migrant-es.

Cet exemple est intéressant parce qu’il démontre que c’est sur l’interprofessionnel que peuvent être posées avec le plus de force les questions politiques et de transformation sociale. Il confirme que c’est sur les unions locales et départementales que le contrôle bureaucratique est le moins fort et que ce niveau d’intervention peut favoriser la réappropriation de l’outil syndical par les syndiqué-es.

C’est d’autant plus crucial que ce qui caractérise la période actuelle est une autonomisation de plus en plus forte des directions syndicales et une perte de contrôle de plus en plus forte des syndiqué-es sur leur organisation comme l’ont montré les conflits de 2003, 2006 et 2007.
Cette démarche unitaire ne consiste pas à évoluer dans les limbes, elle vise à combattre plus globalement la division syndicale qui fait le jeu de l’État et du patronat tout en favorisant un degré élevé de conscience de classe et d’auto-organisation, seules à même de réduire les manœuvres des appareils bureaucratiques et de permettre de développer des ripostes de masse.

Dans un cas comme celui du milieu étudiant, où la division syndicale ne tient presque plus qu’à des différences de culture syndicale et à du sectarisme et où les organisations syndicales pèsent infiniment moins que dans le monde du travail, la question de l’unité organisationnelle du syndicalisme de lutte, même partielle, doit pouvoir être également débattue. Il est par ailleurs important de chercher à porter le plus possible le débat avec les non-syndiqué-es actifs-ves au sein des dernières mobilisations pour donner un débouché aux centaines d’étudiant-es voulant poursuivre la lutte dans le prolongement des mouvements de masse de la jeunesse de ces dernières années et participer à la construction de ces mobilisations.

L’unité n’est pas qu’une affaire de bonnes intentions. Il est clair qu’un tel courant intersyndical lutte de classe doit s’appuyer sur un certain nombre de valeurs fortes :

 indépendance face à l’État, au capital et aux partis politiques ;
 défense de l’auto-organisation des luttes qui implique que ce soit aux grévistes de décider de la conduite de la grève et de ses objectifs et non aux directions syndicales ;
 double tâche du syndicalisme (revendications immédiates et transformation radicale de la société) ;
 un syndicalisme de classe, antiraciste et féministe.

Face à la crise dont il fait l’objet, la reconstruction d’un syndicalisme de lutte de classe et de masse internationaliste et féministe passe par trois exigences :

 la capacité à organiser des luttes et à les gagner à l’échelle locale, professionnelle et interprofessionnelle ;
 la capacité à incarner une solidarité et donc une protection pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs ;
 la capacité à contribuer au combat idéologique et à incarner la transformation radicale de la société.

C’est à ces trois conditions qu’il sera possible de redresser le syndicalisme. Pour mener à bien ces trois tâches, il est nécessaire que les courants révolutionnaires se renforcent numériquement non pas pour y mener des batailles bureaucratiques mais pour construire des majorités d’idées qui permettront de lancer les combats de demain. Bien évidemment, le front social ne saurait se limiter au syndicalisme mais englobe tous les autres fronts spécifiques (logement, antiracisme, écologie, féminisme) dont les problématiques sont le plus souvent transversales.

B) L’immigration : un laboratoire politique

1) ANALYSE DES ATTAQUES SUBIES PAR LES MIGRANT-E-S.

La création du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement - dirigé par Brice Hortefeux – marque une véritable rupture. En effet, le gouvernement français acte officiellement une logique nationale identitaire, donc nationaliste, en stigmatisant ouvertement les populations immigrées. Il s’agit d’une orientation raciste, sous couvert des oripeaux de l’intégration et du codéveloppement, qui inaugure un véritable laboratoire politique ayant pour objet une partie de la population. Le virage identitaire et l’ampleur des attaques subies démontrent que le traitement des questions migratoires est un enjeu de société majeur, révélateur d’un projet global de société.

L’offensive fascisante du gouvernement français, imprégnée par la pensée de la « nouvelle droite » et de l’extrême droite, se place clairement sur le terrain idéologique, puisque la bannière de « l’identité nationale » est brandie comme rempart contre l’immigration. La politique gouvernementale est très cohérente, puisqu’elle stigmatise aussi la jeunesse des quartiers populaires, dont une bonne part est composée de descendants d’immigré-e-s, avec l’équation « immigration=insécurité ». Elle la soumet au harcèlement policier et la pressure socialement avec un chômage endémique et l’assignation à des emplois peu qualifiés, résultant notamment de discriminations racistes et de ségrégation spatiale.

Par ailleurs, depuis les lois d’exception votées en France en novembre 2001, sous prétexte des attentats du 11 septembre 2001, les populations immigrées extra-européennes se sont retrouvées coincées dans un étau sécuritaire qui n’a fait que se resserrer sous la pression des pouvoirs politiques qui se sont succédés. Dans les quartiers populaires des centres urbains, de véritables opérations massives de contrôles policiers au faciès se sont systématisées aboutissant à des rafles de personnes sans-papiers ensuite parquées en centres de rétention. Au fichage généralisé, il a même récemment été projeté de systématiser les tests ADN en cas de regroupement familial.

Conjointement, le contrôle social se développe dans la plupart des administrations et services publics : préfectures, banques, ANPE, hôpitaux, services sociaux, poste, inspection du travail… et tente de convertir le personnel à la délation et de le transformer en auxiliaires de police. Des actes de résistance voire de désobéissance civile s’organisent avec l’aide de syndicats.

Afin de renforcer l’Etat policier, l’arsenal législatif a été durci par les parlementaires. On peut citer notamment la loi du 24 juillet 2006 sur le Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile (CESEDA) qui marque une étape importante. Autre illustration : en 4 ans, la procédure de regroupement familial a ainsi été modifiée par deux lois, mais aussi par deux décrets (17 mars 2005 et 8 déc. 2006), trois circulaires (17 janv. 2006, 27 déc. 2006 et 22 fév. 2007), un arrêté (28 sept. 2006) et la nouvelle loi dite « Hortefeux » du 23 octobre 2007. En bref, l’objectif est de restreindre drastiquement le droit au séjour, de remettre en cause le regroupement familial et d’instaurer une politique de quotas, qui isole et précarise les travailleurs et les travailleuses immigré-e-s pour le plus grand profit d’un patronat avide de main d’œuvre corvéable ainsi que pour les vautours mafieux (passeurs, marchands de sommeil…).

Là aussi les mots ne sont pas innocents, et l’expression « immigration choisie » sous-entend que l’immigration était jusque-là « subie ». Enfin, à l’issue de plusieurs révisions, les conditions et les procédures relatives au droit d’asile restreignent dangereusement l’accès à ce droit fondamental.

Cette orientation s’inscrit plus largement dans un contexte européen qui définit un nouveau limes (= système de fortifications délimitant la frontière entre l’empire romain et le monde barbare) entre d’une part, les pays riches de l’Union européenne et d’autre part, les pays de l’Est et les anciennes colonies du continent africain. Au cours de l’année 2008, durant laquelle la France présidera l’Union Européenne, un projet de directive sur la rétention et l’expulsion des personnes étrangères sera soumis au Parlement européen. Sous couvert « d’harmonisation », ce projet consiste à instaurer une période de rétention pouvant atteindre 18 mois et une interdiction pour 5 ans de revenir en Europe. Ce même projet généralise la construction massive des centres de rétention et systématise les expulsions. La politique néocoloniale, rapports de dépendance politico-économique, contraint les pays d’émigration à signer des accords internationaux, à se laisser dépouiller des travailleurs et travailleuses qualifié-e-s que le patronat européen souhaite exploiter.
Avec le verrouillage des frontières, des prisons de réfugié-e-s et d’immigrant-e-s indésirables se développent - comme en Afrique du Nord -, appelées centres off-shore.

Par delà les frontières, l’actuel président de la république peut broder à loisir sur une pompeuse « politique de civilisation ». Son discours de Dakar sur le destin de « l’homme africain » traduit une pensée raciste profondément ancrée. De même, les débats provoqués par les lois mémorielles, notamment sur le rôle de la colonisation, démontrent que les enjeux de mémoire et d’histoire pèsent fortement dans le débat politique sur les migrations et les racismes.

2) HUMANISTE, DE CLASSE, ANTIFASCISTE ET INTERNATIONALISTE : QUATRE AXES POUR UN COMBAT DE SOLIDARITE AVEC LES MIGRANT-E-S

L’apparition du Réseau éducation sans frontières en 2004 a largement contribué à relancer les luttes des migrant-e-s et les mobilisations antiracistes en France. L’émergence d’Uni-e-s Contre une Immigration Jetable a permis de mettre en place un cadre unitaire avec une visée plus globale. En dépit de leurs limites, RESF et UCIJ ont contribué à redynamiser l’action de collectifs de sans-papiers jusqu’alors minés par les échecs face au durcissement des politiques successives et pour bon nombre d’entre eux aussi par leurs divisions.

Par son action en faveur des élèves et de leurs familles sans papier, RESF a permis de tisser un véritable réseau de solidarité et de protection des migrant-e-s et à donner une capacité d’action à celles et ceux qui entendent combattre les politiques xénophobes des derniers gouvernements encouragées par le silence complice du Parti socialiste.
AL soutient depuis le début l’action de RESF.

Nous sommes attaché-e-s à l’organisation horizontale et à l’indépendance de réseau tourné avant tout vers la lutte, indépendant des financements étatiques et qui ne se pose pas comme interlocuteur des pouvoirs publics. Si des milliers de personnes rejoignent RESF, c’est en partie aussi pour sa dimension humaniste, s’investissant pour certain-es pour la première fois dans une action collective contre le renforcement de la répression policière à l’égard des migrant-e-s jusque dans les établissements scolaires. Le travail de fourmi, au jour le jour, pour la régularisation des familles et le droit de vivre dans la dignité, conduiront le réseau, les collectifs de sans papiers et ceux qui les soutiennent à travailler étroitement avec toutes les associations, et organisations de défense des droits des femmes, du droit au logement, à la santé, à l’éducation, etc.

Le travail de défense des migrant-e-s confrontées au racisme d’Etat et à l’appareil policier également pris en charge par les collectifs de sans-papiers, commence à être relayé par les organisations syndicales (CGT, CNT, Solidaires et FSU pour l’essentiel) actives dans l’UCIJ. Les travailleurs et les travailleuses sans papiers, comme les autres, ont des droits. Il faut se mobiliser pour les faire respecter. Aujourd’hui il est nécessaire d’avancer vers une (auto)-organisation des sans-papiers depuis le lieu de travail pour faire reculer le pouvoir patronal qui les sur-exploite et s’appuie sur leur situation de non-droit pour faire pression sur l’ensemble des droits sociaux. Toutes les attaques contre les salarié-es , dérèglementation du travail, remise en cause de la protection sociale, des droits acquis, détricotage du code du travail, etc. ne pourront être contrées qu’au prix de la solidarité entre les travailleurs et les travailleurses immigré-es et français-es.

Il ne suffit pas de dénoncer le caractère xénophobe des lois anti-immigré-e-s, il s’agit également de montrer qu’elles permettent au gouvernement de construire un état policier qui détruit méthodiquement les libertés en développant le contrôle social en criminalisant les immigré-e-s ainsi que celles et ceux qui s’opposent à la dictature du capital par l’action directe et la solidarité (tests ADN, délit de solidarité, répression des occupations de lieux publics…).

Enfin pour s’opposer à une telle politique, il faut s’organiser à l’échelle internationale. Ainsi nous nous réjouissons que dans d’autres pays (Belgique, Canada, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie, Maroc), des réseaux commencent à se structurer dans l’esprit de RESF. Les liens et la coopération sont à développer si l’on veut peser un tant soit peu sur les débats et directives européennes. Au même titre doivent s’intensifier les coopérations entre les organisations syndicales des pays d’émigration et celles des pays d’immigration à l’instar d’Euromed, ce réseau impulsé par la CGT espagnole avec les syndicats marocains et algériens.

C’est sur ces quatre axes du combat humaniste, de classe, antifasciste et internationaliste qu’Alternative libertaire entend contribuer à fédérer le combat antiraciste. Si ces dernières années, la lutte des personnes sans-papiers et de leurs soutiens a constitué le socle du combat antiraciste, il est aujourd’hui nécessaire de le poursuivre tout en l’élargissant à d’autres problématiques. C’est à ce prix qu’il sera possible d’organiser des mobilisations plus massives et un rapport de force qui permette de rendre inapplicables et donc caduques des lois visant d’abord à tuer des droits.

A travers ces luttes AL entend faire avancer des revendications comme :

 la régularisation de tou-te-s sans-papiers ;
 la liberté de séjour et d’installation ;
 l’abrogation des lois anti-immigré-e-s en vigueur ;
 la suppression du ministère de l’identité nationale.
 le retrait des projets gouvernementaux visant à créer une justice d’exception pour les étrangers et à empêcher toute opération de régularisation des sans-papiers
 le droit au logement, à la santé, à l’éducation et au travail pour toutes et tous
 l’abrogation des lois stigmatisant les migrantes (lois Sarkozy, loi Hortefeux), le respect du droit d’asile
 un statut autonome des femmes migrantes qui rejoignent un conjoint, dès leur arrivée en France et quelque soit l’évolution de leur situation matrimoniale.

C) Sur le front de l’anti-patriarcat

1) L’ETAT DES MOUVEMENTS FEMINISTES ET LGBT AUJOURD’HUI

Après la seconde génération du féminisme, celle des années 70, le mouvement féministe comme les autres mouvements sociaux a connu un reflux dans les années 80. Le discours dominant véhiculé dans les media est celui d’une égalité enfin acquise entre hommes et femmes. Cette égalité étant symbolisée par la réforme du droit de la famille en 1975 qui institue une égalité juridique entre les deux sexes. Néanmoins, il semblerait que depuis la moitié des années 90, on assiste à une résurgence du mouvement féministe en France. Cette résurgence serait marquée entre autres par la constitution du CNDF (Collectif national pour le droit des femmes). On assiste ainsi à la mise en avant d’un certain nombre de revendications féministes : parité, lutte contre la violence faites aux femmes, égalité salariale…En parallèle, se construisent aussi des revendications autour du rapport entre la question féministe et la question « ethnique ». Par ailleurs, la décennie 90 coïncide aussi avec le développement d’un mouvement LGBT autour des revendications d’égalité des droits homo-hetero : mariage gay, homoparentalité…

Néanmoins, ces mouvements souffrent de certaines limites. En ce qui concerne les revendications autour des droits des femmes, il semble exister un hiatus entre leur importante médiatisation – que ce soit la question salariale ou la question des violences subies par les femmes par exemple – et l’existence concrète d’un mouvement féministe. Les manifestations qui ont lieu par exemple autour de la question d’une loi cadre contre les violences faites aux femmes ne mobilisent guère plus que les cercles militants. Par conséquent, une des limites est donc la difficulté du mouvement féministe actuel à se constituer en mouvement de masse alors même que nous sommes sorti-e-s, pour partie, du discours tendant à considéré l’égalité comme acquise.

Mais si ce discours a été en partie remis en cause, c’est pour tomber dans une représentation dans les medias du discours féministe par un féminisme libéral ou bourgeois à travers par exemple Les Chiennes de gardes – c’est à dire la revendication par des femmes issues de l’élite de la même possibilité que les hommes d’accéder aux postes de pouvoir – ou par une ultra-libérale comme Marcela Iacub qui nie, par exemple, la dimension d’exploitation économique qui existe dans la prostitution au profit d’une représentation libérale de cette activité.

En ce qui concerne le mouvement LGBT, il souffre lui aussi d’une représentation médiatique du mouvement homosexuel par un discours libéral : l’homosexualité n’apparaît plus comme une remise en cause de l’institution du mariage en lui-même, mais comme la revendication libérale du mariage comme contrat. Cette traduction des revendications LGBT dans le langage libéral apparaît clairement dans la mise en scène marchande qui se déploie, par exemple, dans le cadre de la Marche des Fiertés LGBT.

2) L’IMPLICATION D’AL DANS CES MOUVEMENTS

L’implication d’AL et de la commission antipatriarcat s’est faite durant les deux ans qui viennent de s’écouler autour de plusieurs axes.

==>Tout d’abord il y au eut une implication dans la revendication d’une loi cadre contre la violence faite aux femmes. Cela s’est traduit par deux types d’action. La premier type a été celui d’une action de propagande au travers en particulier d’articles dans le journal visant à faire connaître cette revendication et à en critiquer les limites d’un point de vue libertaire. Le second type d’action a consisté en la participation aux deux manifestations nationales durant l’année 2006 organisées à l’appel du CNDF. Cela s’est traduit par la mise en place dans les deux cas d’un cortège de l’AL. En 2007, au vu de l’affaiblissement en nombre de militant-e-s de la commission anti-patriarcat, cet engagement n’a pu être continué. Mais se pose aussi la question de la pertinence de poursuivre une implication au sein du CNDF . Deux raisons conduisent à cette interrogation. D’abord le CNDF poursuit des revendications d’égalité ou de droits nouveaux dans les lois. Même si certaines des organisations qui le composent sont très radicales, la volonté de "ratisser large" et de conserver l’union conduit à des positions parfois à peine réformistes. Ensuite son fonctionnement est totalement non démocratique, mais ce reproche doit être modulé : le CNDF est ce qu’en font ses membres.

==> Le deuxième axe d’implication a été le rapprochement avec des organisations impliquées dans les luttes LGBT – Panthères Roses et Furieuses Fallopes – qui s’est traduit par la participation a un rassemblement contre l’ordre moral au Sacré Cœur en 2006. La prise en compte des dimensions LGBT à amené à la prise en compte plus particulière de la question de la déconstruction des genres et des sexes qui remet en cause une dimension importante de l’oppression que subissent les LGBT à savoir l’assignation par la société à un genre et à un sexe particuliers. Cette réflexion s’est traduite entre autres par l’essai dans un tract lors de la manifestation du 8 mars 2006 de prendre en compte les thématiques de la déconstruction des genres et des sexes.

==> Enfin sur Nantes, suite à plusieurs agressions contre des femmes, notamment dans le milieu militant, il y a une réactivation des questions féministes et antipatriarcales entre les différentes organisations, syndicats, collectifs et associations d’extrême gauche (LCR, CNT, Scalp, mixité...). La stratégie employée favorise de laisser chaque organisation travailler sur des sujets spécifiques. Le Scalp travaille sur la représentation de la femme dans la religion, la CNT sur les violences et les agressions sexistes, la LCR sur les questions de société comme la précarité des femmes... Ceci a l’avantage de relancer les questions féministes dans leur ensemble et dans plusieurs organisations en évitant les divisions qui pourraient apparaître en essayant de faire travailler tout le monde sur la même question.

3) QUELLES PERSPECTIVES DE LUTTE CONTRE LE PATRIARCAT ?

Dans les deux ans à venir, l’AL souhaite s’investir dans les cadres unitaires ou avec d’autres organisations du mouvement social pour redynamiser les luttes antipatriarcales. La morosité actuelle du mouvement féministe ne doit pas nous décourager et peut, au contraire, être propice à la prise d’initiatives pour alimenter la lutte sur ce front.

Voici plusieurs propositions qui vont dans ce sens :

 sur la question de l’avortement, nous sommes dans une période d’offensive internationale contre l’IVG : après les dix ans de l’encyclique Evangelium vitae sur le droit à la vie en 2005, la remise en cause du droit à l’avortement, donc du droit des femmes à disposer de leur corps, est de plus en plus importante. En Italie, en pleine campagne électorale, Berlusconi veut remettre en cause la loi italienne sur le droit à l’avortement ; aux États-Unis, les lobbies anti-IVG utilisent aussi la campagne électorale pour se faire entendre ; en France, le cardinal de Paris a profité des arrêts de la Cour de Cassation du 6 février 2008 sur les enfants nés sans vie pour demander un statut du fœtus et sa reconnaissance comme être humain. Il s’agit là d’un discours identitaire de l’Église et la valorisation des religions par Sarkozy conforte les intégristes de tous poils sur cette question. La venue du pape à Lourdes et à Paris en septembre 2008, dans le cadre de l’anniversaire des hallucinations de Bernadette Soubirous, doit être l’occasion pour l’AL d’organiser une mobilisation, notamment avec d’autres organisations libertaires et féministes, contre cette venue et la connivence du gouvernement avec l’Église, et pour réaffirmer le droit à l’avortement. Cela permettrait aussi de remettre en avant notre refus de l’ordre moral, largement hérité de l’Église, en ce qui concerne les genres et la sexualité, comme le font déjà des organisations comme les Panthères roses ou No Pasaran.

 sur la question du travail des femmes et de la double exploitation qu’elles subissent, dans le système capitaliste et dans le système patriarcal, le 4 pages produit par la commission antipatriarcat est un outil de lutte qui doit être valorisé et prolongé. Les mobilisations récentes des salariés, et notamment des femmes à temps partiel, sur les salaires sont l’occasion de développer le refus des temps partiel subis et plus généralement des inégalités professionnelles. Dans les syndicats où nous nous trouvons, nous pouvons faire progresser ces revendications et favoriser la réappropriation par les syndicats de la lutte antipatriarcale. Plus précisément, nous devons être moteurs dans la création et l’animation de commissions femmes comme il en existe à Solidaires et à la CGT, dans la demande de formation sur l’égalité professionnelle et les violences sexistes au travail, en contactant par exemple l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) qui propose un théâtre-forum sur ces questions, ou encore encourager la participation aux rencontres annuelles intersyndicales femmes.

 cet investissement militant a tout à gagner des mobilisations de rue réussies. C’est pourquoi nous devons continuer de nous investir dans la journée internationale contre les violences faites aux femmes le 25 novembre, et il nous faut agir pour relancer celle du 8 mars. La journée internationale pour les droits des femmes est un enjeu de lutte et idéologique comparable au 1er mai pour les libertaires et les travailleurs. Même si c’est à nuancer par le contexte de la campagne électorale des municipales, la déliquescence dans laquelle est tombée la mobilisation en 2008 (pas de manifestation nationale unitaire, seulement des stands d’association sur une place à Paris) rend urgents une réhabilitation et un renouvellement militant du 8 mars. Dès l’origine, cette journée de mobilisation s’inscrivait dans une double lutte, pour le droit de vote des femmes et pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Nous pouvons relancer l’articulation des luttes antipatriarcales et anticapitalistes sur la question du travail des femmes, en articulant exploitation domestique et exploitation capitaliste. Pour cela, il faut renforcer notre intervention dans le CNDF, un peu comme nous l’avons fait dans l’UCIJ pour la manifestation du 5 avril 2008. Nous pourrons aussi nous appuyer sur l’expérience à étendre des collectifs féministes de ville comme à Nantes. Cela doit permettre de développer la lutte antipatriarcale dans les syndicats et le mouvement social en général.

D) Notre intervention dans la jeunesse

« On ne dépasse pas l’univers bureaucratique par le refus de toute organisation, la rigidité stérile des plates- formes et des programmes par le refus de toute définition des objectifs et des moyens, la sclérose des dogmes morts par la condamnation de la vraie réflexion théorique. »
C.Castoriadis

1. UN CYCLE DE LUTTE DANS LA JEUNESSE QUI CONTINUE

L’année 2007 aura, à l’image des précédentes, été marquée par des luttes dans la jeunesse. Outre les éphémères manifestations après la victoire électorale camp Sarkozy et les révoltes dans certains quartiers après la mort douteuse de deux jeunes à Villiers-le-Bel, c’est au sein de la jeunesse scolarisée que l’explosion a été la plus massive. Dès la mise en place du nouveau gouvernement, celui a annoncé que la réforme relative à l’autonomie des universités serait une des réformes les plus importantes du quinquennat. Le projet « d’autonomie des universités » jettent en réalité celles ci (et donc la production et la transmission de connaissance) sous la coupe d’intérêts privés, ouvrant ainsi la porte à une sélection accrue à l’entrée des universités et à une dégradations des conditions de travail de celles et ceux qui y travaillent.

Si cette initiative gouvernementale provoqua dès le départ un consensus pour son rejet parmi les principales organisations syndicales étudiantes et de salariés, cela n’aboutit pas pour autant à une stratégie claire d’affrontement. Ce furent donc les organisations syndicales de luttes étudiantes qui prirent l’initiative de lancer la riposte. Fortes de leur aura, suite au mouvement CPE , elles réussirent à lancer un mouvement dès le mois de novembre. Mais faute de soutiens dans la communauté universitaire, comme dans la population et suite à l’arrêt de la grève chez les cheminots le mouvement se retrouva isolé. Isolement qui permit une répression intense de la part de l’administration universitaire et des forces de police.

Le contexte très difficile dans lequel s’inscrivit cette grève ne permis pas un débat de fond sur la question universitaire et éducative et une réappropriation de celle ci par les étudiant-e-s et lycéen-ne-s. Mais cette grève aura sans doute permis de démontrer la force des organisations syndicales de lutte et d’accroître ainsi leur aura. Parallèlement à cette mobilisation, un mouvement se déroula dans bon nombre de lycées professionnels contre la réforme du bac pro dans un relatif isolement là aussi.

La récurrence des luttes dans la jeunesse ces dernières années montre à quel point il existe un profond rejet de la société actuelle et une volonté mal canalisée de « changer les choses ». Cette situation se nourrit de causes sociales évidentes qu’Alternative libertaire a déjà eu l’occasion d’analyser, à savoir la conscience plus ou moins claire d’un déclassement, aussi bien à venir dans la perspective d’une insertion de plus en plus précaire dans un monde du travail aux conditions sans cesse dégradées pour les travailleurs, que vécu au présent dans la dégradation des conditions d’études, la dévalorisation des diplômes et la marchandisation du savoir. La séparation entre ces deux aspects n’étant d’ailleurs qu’une vue de l’esprit.

Plus largement, elle prend sens dans la situation ambiguë de la "jeunesse", définie comme génération entrante, ou sur le point d’entrer, sur le marché du travail, entre une tension très forte vers "l’adaptation" à des normes se réadaptant sans cesse elles-mêmes à l’évolution du capitalisme, et une certaine prédisposition (qu’il faut à tout prix se garder d’idéaliser) à la révolte renvoyant tout simplement au fait qu’elle a justement eu moins l’occasion de s’habituer à ce qu’elle vit que d’autres catégories du prolétariat.

Mais elle ne possède ce caractère de terreau fertile pour les luttes que par sa relative indépendance (toujours plus réduite d’ailleurs) par rapport au monde du travail (c’est rarement en tant que travailleurs, mais bien plutôt en tant que scolarisés que les jeunes construisent des mouvements d’ensemble), qui entraîne justement sa difficulté à obtenir des victoires significatives à elle seule, indépendamment d’un conflit interprofessionnel, comme le montre la lutte anti-LRU.

Mais cette situation n’est pas le simple produit spontané de conditions objectives. En tout premier lieu le travail de construction d’un syndicalisme de lutte sur les facs produit depuis quelques années des effets de plus en plus visibles (ce qui était vrai durant la lutte anti-LEC l’a été bien plus encore durant la lutte anti-LRU). Ces structures sont devenues en bien des endroits des réalités incontournables pour le déclenchement et l’organisation de mouvements sociaux, et gagnent en visibilité nationalement.

Les progrès en termes de visibilité des instances d’auto-organisation des luttes (AG, Coordinations nationales) par rapport aux organisations qui en assumaient traditionnellement la représentation, est à mettre en lien avec le développement des syndicats de lutte. Disons-le clairement, si nous avons pu à un moment ou un autre peser sur le cours des événements, c’est par notre investissement dans la construction des ces organisations syndicales (tout comme dans des organisations de luttes "larges" au niveau lycéeen) et non en nous contentant de faire de "l’agitation politique".

Par ailleurs l’enchaînement de plusieurs mouvements a permis à une part importante de la jeunesse d’être sensibilisée à la question des luttes, tant dans leur forme (auto-organisation…) que dans le fond, contribuant ainsi à une politisation renforcée de celle ci.

Cependant ne soyons pas aveugle sur le fait que ces luttes ont toutes conduit à des défaites (à l’exception du CPE, encore que les « noyaux durs » ont en gardé un goût d’inachevé) et que cette spirale, si elle continue, ne peut conduire qu’à l’essoufflement ou au renoncement.
Il semble que suite à la défaite du mouvement contre la loi Pécresse, nous soyons à un tournant. Ou bien nous pensons, a tort, que ce cycle de lutte continuera inlassablement et qu’un jour viendra enfin la grande lutte. Ou bien nous pensons que l’enchaînement de ces luttes appelle une organisation et une coordination croissante des jeunes, et que seule cette dynamique permettra un saut qualitatif des luttes dans la jeunesse.

2. STRUCTURER SON MILIEU : UNE NÉCESSITÉ

Toutes les explosions que connaît la jeunesse depuis plusieurs années ne prendront une direction subversive, révolutionnaire, que si ce qu’elles visent parvient à se traduire dans des cadres d’auto-organisation pérennes. La propagande révolutionnaire est inefficace si elle n’est pas articulée à un travail de structuration de masse autour d’un conflit entre exploiteurs et exploité-e-s. Ainsi le développement de la perméabilité aux idées révolutionnaires ira de pair avec le développement d’un mouvement social fort au sein de la jeunesse.

Cette problématique se décline à deux niveaux : celui de la jeunesse scolarisée et celui de la jeunesse non scolarisée.

Au niveau de la jeunesse scolarisée, notre investissement syndical étudiant s’est diversifié. Fort de cette diversification nous devons aujourd’hui être capable de porter une vision commune du syndicalisme. Celle d’un syndicalisme autonome et démocratique qui se refuse à se laisser enfermer dans les corporatismes et qui travaille à la transformation de la société. Ceci passe par la reconnaissance de trois impératifs :
Nous devons, en tant que militant-e-s révolutionnaires :
 participer activement au développement des outils syndicaux de luttes sur les lieux d’étude et y jouer un rôle de cadre (c’est un dire un rôle d’animation et pas de direction). Car sans structuration massive autour du conflit expoiteurs/exploité-e-s il n’y aura pas d’horizon révolutionnaire.
 Travailler au maximum à l’unité des anti-capitalistes et lutter contre toute forme de sectarisme, au sein du mouvement social. Dans cette optique nous favoriserons dans le cadre de notre investissement syndical les convergences ponctuelles ou structurelles entre organisations qui défendent un syndicalisme proche, dans la mesure ou celles ci favorisent l’émergence de luttes et l’appropriation de celles ci par le plus grand nombre.
 Porter en tant qu’organisation politique un discours régulier sur les luttes et les stratégies qui y opèrent. Si il ne s’agit pas de constituer une tendance intersyndicale, il s’agit d’avoir une expression critique sur le mouvement social dans le but de participer au développement qualitatif et quantitatif de celui ci. Dans ce sens nous publierons un bulletin rédigé (A4 recto verso) par des syndicalistes jeunes d’AL deux fois par an.

En ce qui concerne la jeunesse scolarisée dans les lycées, il nous faut prendre en compte les lycées professionnels. En effet, les principaux modes de formation des jeunes issus des classes populaires sont les lycées professionnels (LEP), suivis de l’apprentissage. Hautement sélectif, l’apprentissage bénéficie d’une valorisation croissante de la part de l’État et du patronat. Il est essentiellement masculin, les filles n’y représentent que 30 % des effectifs. Quant aux enfants d’immigrés, ils en sont quasiment absents, l’apprentissage est « blanc ».

Les LEP restent le principal lieu de formation de ces catégories. Les élèves de LEP sont actuellement plus de 700 000, reparti-es dans 1 700 établissements pour préparer un BEP, un CAP ou un Bac Pro. Ces établissements accueillent un public plus souvent féminin, plus souvent d’origine immigrée que l’apprentissage, c’est-à-dire les catégories les plus précarisées du prolétariat. Ces filières sont souvent considérées comme une voie de relégation dans un système d’éducation qui valorise l’enseignement général. Elles accueillent généralement des jeunes en situation d’échec scolaire, ceux et celles-ci ayant intériorisé la reproduction de classe.

Les lycéens professionnels sont très présents dans les mobilisations lycéennes actuelles contre les suppressions de postes. Pourtant, si ces lycéen-ne-s sont nombreux dans la rue, on les retrouve peu lors des assemblées générales. Une des principales raisons à cela peut se voir dans une difficulté dans le maniement des outils d’expression politique, et un éloignement des modes d’organisation des luttes. Il est nécessaire de leur assurer une expression et de populariser les modes d’organisation des luttes pour permettre une meilleure participation des lycées professionnels dans les luttes de la jeunesse.

Au niveau de la jeunesse non scolarisée, le problème se pose de manière identique, à la différence du fait qu’il n’existe pas d’organisations de « jeunes non scolarisés ». A ce propos nous devons balayer toute forme de mythologie. Il n’existe pas, de manière imperméable et schématique, d’un coté une jeunesse scolarisée et de l’autre coté une jeunesse non scolarisée. Les ponts sont nombreux entre les deux pans du schéma et nombreux-ses sont celles et ceux qui ont « le cul entre deux chaises ».

Pour l’immense majorité des jeunes le seul horizon est la précarité. La lutte contre celle ci est sans aucun doute un ferment de lien entre jeunes comme ça a pu être le cas à certains endroits lors du mouvement contre le CPE.

Ainsi l’axe le plus pertinent d’intervention dans la jeunesse non scolarisé consiste à développer le mouvement social dans les lieux de travail où celle ci se trouve. L’augmentation de luttes ces derniers temps dans des secteurs de travail précaire qui emploient des jeunes, laisse pas mal de possibilités. Que ce soit en tant qu’étudiant-e-s salarié-e-s ou en tant que salarié-e tout court nous nous devons de porter la conflictualité en lien avec les secteurs « traditionnels » du mouvement social.

Un autre angle possible d’intervention, qui est complémentaire avec le précédent, est de s’appuyer sur l’attache au lieu d’habitation. Il existe de très nombreuses associations qui visent les jeunes mais ces associations sont à la fois très localistes et sans visée politique, ce qui explique qu’aucune dynamique de mouvement n’émerge de leurs activités. L’initiative du MIB, Motivé et Diversité autour des Forums sociaux des quartiers populaires rompt avec ce schéma.

L’objectif même est de coordonner les diverses associations. Il semble néanmoins que l’orientation prise s’oriente vers une solution politique institutionnelle, avec présentation de listes aux élections municipales. Ce mouvement, qui n’est pas uniquement composé d’associations de jeunes, montre que certaines initiatives méritent d’être plus suivies. Il faut pour cela mieux connaître certaines associations qui peuvent développer des réflexions et des actions intéressantes, afin de pouvoir enrichir notre propre réflexion pour intervenir auprès des jeunes qui ne sont pas dans les universités, ne restent pas longtemps dans les mêmes entreprises, et sont souvent distants par rapports aux organisations traditionnelles.

Cependant si notre priorité est le développement de l’organisation autonome des exploité-e-s et de la lutte partout où c’est possible, cela doit se faire à travers la conception originale du mouvement social qui est la notre (entre autres).

3. TRAVAILLER À L’EXPRESSION POLITIQUE DU MOUVEMENT SOCIAL.

D’un point de vu très schématique il existe trois visions du mouvement social qui ont cohabité et qui souvent se sont affrontés lors des dernières luttes dans la jeunesse.
 La vision qui considère les mouvements sociaux uniquement comme cadres de défense d’intérêts particuliers en dernier recours quand ceux ci sont menacés. Vision qui entrevoie les luttes que comme exceptionnelles et à un stade revendicatif et corporatiste.
 La vision qui considère les mouvements sociaux uniquement comme force d’appui à des groupes politique dans leur intervention au sein des institutions ou non. Vision qui entrevoie les luttes comme nécessaires mais dans leur contenue limité au « trade-unionisme ».
 La vision qui considère les mouvements sociaux et leur convergence (le Mouvement Social) comme acteurs principaux de la transformation historique. Vision qui entrevoie les luttes comme moments privilégié de l’action sociale et politique et comme nécessairement contrôlées par et pour ceux et celles qu’elles concernent.

C’est dans cette dernière vision que nous nous reconnaissons et pour laquelle nous agissons. Notre différence avec les courants qui conçoivent d’un côté le mouvement social et de l’autre ses débouchés politiques est que notre travail d’expression politique doit nécessairement s’établir en cohérence avec notre investissement dans le mouvement social.

Il ne s’agit pas de confondre ces deux niveaux de notre intervention (acteurs/rices des luttes et militants politiques), et de chercher à tout prix à coller une étiquette ou une couleur identitaire sur une lutte sociale (ce serait tout simplement confondre le mouvement social et l’AL), mais de jouer sur ces deux registres distincts pour faire avancer politiquement les mouvements sociaux.

Cela signifie d’une part travailler à l’expression politique du mouvement social, c’est-à-dire impulser des orientations au sein de celui ci, capables de faire poids face au projet de société qui nous est imposé actuellement. Dans ce sens il importe que les mouvements sociaux continuent à élaborer des revendications qui fassent sens lors des luttes, mais aussi qu’ils soient capables de proposer des orientations dépassant le cadre revendicatif.

On l’a vu lors de la lutte contre la réforme des université en automne 2007 les mouvements étudiants n’ont pas de projet , d’horizon à proposer face à celui qu’impose les classes dirigeantes en matière d’éducation, de recherche, de la place du savoir dans notre société. Ainsi nous agirons pour que ce travail d’élaboration puisse se faire au sein des mouvements sociaux de jeunesse, toujours dans un souci de convergence.

Et d’autre part, nous devons utiliser nos moyens d’expression politique comme courant distinct dans la même perspective, pour proposer un sens politique global aux événements, pour populariser les luttes sociales dans la direction de ceux qui n’en sont pas partie prenante comme pour alimenter le débat au sein des mouvements sociaux.

Agir pour que ce travail d’élaboration puisse se faire au sein des mouvements sociaux de jeunesse, toujours dans un soucis de convergence, et nous exprimer en propre ne sont donc pas des objectifs concurrents, mais les deux principaux moyens que nous nous donnons pour travailler à l’autonomie politique des mouvements sociaux.

4. TRAVAILLER NOTRE APPARITION POLITIQUE ; UNE RÉFLEXION THÉORIQUE NÉCESSAIRE.

Depuis notre dernier congrès, en automne 2006, nous avons peiné, à avoir un fonctionnement de BJ, à coordonner notre intervention. Notre bulletin CLASH n’est pas sorti régulièrement. Par ailleurs, alors que nous aurions pu participer au collectif d’organisation contre la loi d’autonomie des universités, nous avons loupé le coche.

C’est pour parer à ce genre de lacune, et pour améliorer notre expression politique auprès de la jeunesse que nous devons agir dans les deux ans qui viennent.

Tout d’abord nous devons trouver un secrétariat de jeunesse dont la tâche principale sera :
 de sortir régulièrement des bulletins clash en lien avec l’actualité, permettant aux équipes militantes d’intervenir auprès de la jeunesse partout où nous sommes présents ;
 d’organiser au moins deux rencontre de la Branche Jeunesse par an dont une au stage d’été et une autre au cours de l’année.
 d’intervenir dans des cadres interorganisations pour porter la voix d’AL

Ensuite nous favoriserons l’expression de la branche jeunesse que ce soit par le biais des bulletins clash, des articles dans le journal ou par les bulletins d’expression critique sur le mouvement social, sur ces impératifs :
 Analyse critique des réformes et situations qui touchent la jeunesse.
 Popularisation des mots d’ordre et orientations d’Alternative libertaire.
 Popularisation des luttes « en dehors de la jeunesse » et défense de tous les axes possibles de convergences
 Expression critique sur les stratégies qui opèrent au sein du mouvement social dans la ligne de ce que nous avons entériné dans la partie « structurer son milieu : une nécessité ».

Enfin il y a nécessité à travailler au niveau de la BJ à une conception théorique sur des thèmes propres à la jeunesse et notamment sur l’éducation et ses problématiques. Dans ce sens nous lancerons un groupe de travail qui aura pour objectif de proposer une brochure avant le prochain congrès sur la thématique ; « quelle éducation pour quelle société ? »

E) Contre l’idéologie sécuritaire

Nous assistons, depuis la loi d’exception sur la sécurité quotidienne du gouvernement socialiste votée en novembre 2001, à une impressionnante logorrhée législative dans le domaine sécuritaire (plus de 10 lois en moins de 7 ans). Ce durcissement s’accompagne de la mise en place dans la vie de tous les jours de nouvelles technologies de surveillance et de contrôle des populations ; de l’échelle internationale au petit village occidental sont installées ces technologies, sans que la population, dans la majorité des cas, ne conteste ou même ne prenne position sur le sujet, qui le plus souvent a d’ailleurs lieu sans débat. Les attaques contre les libertés individuelles et collectives se font ainsi de plus en plus puissantes, et nous en arrivons insidieusement à une société orwellienne.

L’objectif avancé par les gouvernants est celui d’une sécurisation totale de la société (irréaliste, et même insoutenable) justifiée par un « climat d’insécurité » dont le sentiment est politiquement entretenu, notamment afin de masquer la réelle insécurité sociale. Les médias servent d’outils de propagande de la politique sécuritaire des gouvernements. Aujourd’hui plus de 10.000 lois sont applicables en France, parmi elles d’innombrables lois sécuritaires, dont la plupart est inconnue de la population. Les médias sont alors le relais incessant des humeurs du gouvernement (mouvements sociaux, sans papier, fichages ADN, grève des transports et sa « prise en otage »).

On constate une dérive actualiste au travers de la politique populiste de Sarkozy qui légifère, en réaction aux faits divers ou évènements marquants une opinion publique déjà préparée par une propagande médiatique. C’est ainsi que les amalgames idéologiques produits par l’extrême droite donnent aujourd’hui lieu à des politiques « pragmatiques ». Dans ce contexte, le marché de la peur ne peut par conséquent que prospérer, et il est probablement à l’heure actuelle l’un des plus prometteurs (près de 30 milliards d’euros en France en 2000).

L’enjeu sécuritaire dans le cadre du capitalisme présente donc l’avantage de permettre un contrôle étroit de la population et de produire de la richesse par ce moyen, sans que personne n’ait réellement le sentiment de perdre quelque chose, si ce n’est une part de liberté - ce qui somme toute reste pour une majorité de gens assez abstrait.

En France, la généralisation de l’idéologie et des outils sécuritaires ne cesse de se développer, et intervient dans les lieux professionnels, l’espace public et dans tous les locaux collectifs. Même les lieux privés sont potentiellement contrôlables, notamment par le biais de la vidéosurveillance.

En outre, depuis plusieurs années, certaines populations, autrefois identifiées comme classes dangereuses, servent de « laboratoire » pour la mise en œuvre du contrôle social ; ce sont les étranger-es, les habitant-es des quartiers populaires, les prisonnier-es, les marginaux-ales, les militant-es progressistes etc. La ghettoïsation sous contrôle est toutefois également utilisée par les mieux nantis pour se « protéger » de la masse qui s’appauvrit, et ce phénomène est amené à se développer comme avatar de toute société inégalitaire.

Depuis la révolte urbaine de l’automne 2005, éclatent régulièrement ici et là des affrontements entre jeunes gens des quartiers populaires et forces de répression, ayant toujours pour origine des violences policières, mais qui donnent lieu aujourd’hui à une radicalisation fortement réprimée.

D’une manière générale, la violence du capitalisme et de l’individualisme qu’il prône engendre une crispation des rapports sociaux, en particulier dans un contexte de précarité, d’avenir incertain et de mise à mal des solidarités.

Nous sommes nombreux-ses à l’AL en prise avec la réflexion ou l’action sur le terrain de la lutte contre le sécuritaire, par un biais ou un autre. Nous sommes impliqué-es dans des collectifs locaux et nationaux contre les violences policières, contre les technologies de surveillance et pour les libertés publiques. Par ailleurs, la désobéissance syndicale tente de s’organiser dans divers secteurs, notamment contre la volonté de transformer les travailleuses et les travailleurs en auxiliaires de police ou en délateurs.

Mais c’est dans les luttes de l’immigration, avec des populations soumises quotidiennement à l’arbitraire policier, que l’on observe une certaine tradition de lutte à présent bien ancrée ; ainsi, un collectif d’associations et de syndicats de lutte a récemment diffusé une brochure à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires pour informer les travailleurs sans-papiers de leurs droits ; à Paris, il y a eu des exemples de révolte populaire contre les opérations massives de rafles qui se sont généralisées depuis 2005 ; et récemment, des révoltes appuyées par des manifestations à l’extérieur ont éclaté dans des centres de rétention pour étrangers.

Ainsi, concernant la lutte contre l’idéologie sécuritaire, des données existent, des collectifs locaux également. Certes, cette lutte est forcément unitaire, singulièrement transversale et éparse, le plus souvent locale et en général éphémère. Et pourtant, nous devons contribuer à armer intellectuellement les militant-es et les populations concernées afin de dénoncer à qui profite le crime, mettre les attaques en perspective et démontrer que c’est l’insécurité sociale générée par les patrons et les gouvernants que nous devons prioritairement et collectivement combattre. C’est seulement à cette condition que nous pourrons alors projeter un autre projet de société, solidaire, égalitaire et libertaire.

F) Reconstruire des outils d’intervention internationale

L’altermondialisme a marqué nombre de mobilisations qui se sont développées depuis l’insurrection zapatiste du 1er janvier 1994. Il a permis de constituer et/ou de renforcer plusieurs réseaux à l’échelle internationale et/ou continentale (mouvements paysans, antiguerre, féministes, contre la mondialisation financière).

La dynamique qui a caractérisé les dix premières années de ce processus est aujourd’hui en partie retombée, mais les réseaux, l’expérience des luttes et combats menés en commun sont toujours là. En Amérique latine, les révoltes, les luttes puisent certaines de leurs méthodes, moyens d’action (action directe, récupération d’entreprises, assemblées populaires…) et projets dans l’héritage libertaire, voire le revendiquent (zapatisme).

Les libertaires ont partout salué l’émergence du zapatisme et ont soutenu son combat pour l’autogestion et l’émancipation de populations opprimées, de même qu’ils ont soutenu l’insurrection populaire d’Oaxaca. Là où ils/elles sont implanté-e-s, ils/elles ont participé aux mobilisations de rue et aux initiatives d’action directe à l’occasion des rassemblements altermondialistes.

En revanche, tout en essayant de développer une dynamique propre en marge de celle des contre-sommets, ils ne sont pas parvenus à rendre réellement lisible un courant internationaliste porteur d’objectifs et de pratiques libertaires pouvant peser sur le main-stream du mouvement altermondialiste, ni à construire un réseau pérenne et efficace de solidarité et de construction d’un courant libertaire à l’échelle internationale. Alternative libertaire réaffirme la nécessité d’une telle démarche.

Dans ce sens, au cours de ces deux dernières années nous avons renoué des relations avec la plupart des organisations communistes libertaires. Nous nous efforçons également de participer à Anarkismo.

Notre objectif est à moyen terme de contribuer à la structuration d’un véritable réseau communiste libertaire international capable de s’exprimer publiquement, d’élaborer des stratégies d’intervention, de se coordonner, de développer des expériences autogestionnaires sur le terrain mais aussi de construire un internationalisme au service des luttes des opprimé-e-s et pour le communisme libertaire.

Ce réseau doit pouvoir constituer un point de ralliement pour toutes celles et ceux qui veulent conjuguer intervention de masse et combat libertaire, mais souhaitent aussi construire le projet de société communiste libertaire du XXIe siècle. Il doit également incarner un pôle travaillant avec d’autres courants anticapitalistes et révolutionnaires à l’émergence d’un nouvel internationalisme, car le courant communiste libertaire ne saurait prétendre à lui seul construire une alternative à l’impérialisme et au capitalisme.

Enfin, de même qu’en France, nous devons travailler à la reconstruction d’un syndicalisme de transformation sociale de classe et de masse internationaliste. L’absence d’un tel outil à l’échelle internationale fait cruellement défaut à la fois pour résister à la casse sociale, facilitée par la division toujours plus perverse des travailleurs via la division internationale du travail, les évolutions de l’organisation du travail, l’usage de travailleurs immigrés jetables…, mais aussi pour organiser les travailleuses et travailleurs quels que soient leur secteur de travail et les statuts auxquels ils/elles sont soumis-es.

G) Religions, racisme et mouvements sociaux

1. NOTRE ANALYSE DE LA QUESTION RELIGIEUSE

Matérialistes, rationalistes ou simplement agnostiques, les communistes libertaires sont antireligieux(ses). Par delà les distinctions entre religions, « Églises », sectes, croyances, superstitions, « spiritualités », ésotérisme, quête d’un au-delà et autres billevesées d’un autre âge, ils combattent l’aliénation des individus et des peuples sous ses différentes formes.

Refuser toute emprise des religions sur la société. Une lecture raisonnable de l’histoire montre qu’à chaque fois qu’elles en auront la possibilité, les « Églises » tenteront d’imposer leur loi à la société toute entière. Ces tentatives ne sont pas liées à telle ou telle religion (cf. les délires de certains qui font de l’islam une religion plus dangereuse que le christianisme par exemple), mais à la position de pouvoir acquise par chaque Église au sein d’une société. Plus une Église a conquis un pouvoir important, plus elle exercera ce pouvoir de façon dictatoriale. Ce combat contre les religions est d’abord un combat concret, pour le droit des femmes à disposer de leur corps, pour le respect de la dignité et des droits des homosexuels, pour la liberté d’expression, pour la défense d’un service public laïc de l’éducation et de la santé, pour le droit de chaque individu à vivre, aimer et mourir comme il le souhaite…

Notre projet de société est celui du respect intransigeant de l’épanouissement et de l’autonomie des individus et celui d’une solidarité collective pour permettre à tous de vivre dignement. Au sein de ce projet, la liberté individuelle et collective d’expression et d’organisation ne pourra avoir d’autre limite que le fait de nuire à d’autres personnes. Si le droit de s’organiser pour vénérer telle ou telle idole n’a pas à être refusé aux croyant-es, il ne pourront gérer d’établissements scolaires (embrigadement des enfants, éducation ne respectant par leur liberté d’apprendre et de ne pas croire...), ni de quelconque organisation ou association dont le but ne serait pas strictement religieux (assistance, formation....)

2. RACISME ET ANTIRELIGION

Nous sommes des antireligieuses et antireligieux déterminé-es, mais nous savons lire entre les lignes. Nous avons conscience du racisme (racial ou social) sous-jacent à certaines attaques en apparence antireligieuses.

Nous avons conscience que dans l’Occident blanc, où le christianisme est la culture dominante, celle des classes dominantes et des États, stigmatiser le judaïsme, le christianisme ou l’islam peut ne pas avoir les mêmes implications et les mêmes interprétations.

Le militantisme antireligieux ne peut faire abstraction des imaginaires collectifs qui étreignent la société et qui sont les héritiers du colonialisme ou du génocide de la Seconde Guerre mondiale. Ce contexte pèse incontestablement sur nos épaules.

Il est évident par exemple que, dans ce contexte, craignant pour l’interprétation de son acte, l’anarchiste ne peut pas ignorer que, en s’attaquant aux symboles religieux musulman ou hébraïque plutôt que chrétien, il risque de mettre en œuvre d’autres processus utilisés à des fins racistes. Il ou elle aura donc soin d’expliquer politiquement ses actes, mais ne s’interdira pas de combattre les religions autres que chrétiennes.

3. SARKOZY ET « L’EXCLUSION DES SIGNES RELIGIEUX OSTENTATOIRES »

En 2004, Nicolas Sarkozy a été à l’origine d’une loi d’exclusion des signes religieux « ostentatoires » dans les lycées et collèges. L’intention du gouvernement était-elle laïque ou raciste ? D’après le ministère de l’Éducation nationale, les cas litigieux de signes ostentatoires dans l’enseignement primaire et secondaire concernaient 0,003 % des élèves. Si le gouvernement avait voulu mener un combat pour la laïcité, il ne se serait pas acharné sur cette goutte d’eau ; il aurait commencé par liquider le statut de l’Alsace-Moselle, qui livre chaque année des dizaines de milliers d’élèves au prosélytisme des curés, des rabbins et des pasteurs (mais pas des imams). Conclusion : l’objectif de cette loi était raciste. Et tout le monde savait que le fameux « foulard islamique » était visé au premier chef.

La manœuvre a permis à Nicolas Sarkozy de s’offrir le soutien d’une partie des enseignant(e)s, d’une partie des féministes (Ni Putes ni Soumises), de la gauche (Parti socialiste), et de l’extrême gauche (Lutte ouvrière), pour couvrir une opération dont l’objectif était foncièrement raciste. 3.3 Cette loi méritait l’opposition de toutes les forces laïques et antiracistes. Mais, pour se démarquer clairement des religieux, cette opposition supposait en parallèle la dénonciation claire et ferme des religions (et par là même du fameux foulard qui, rappelons-le, a été une institution patriarcale bien avant d’être une institution religieuse).

5. SUR L’ALLIANCE ENTRE MOUVEMENT SOCIAL ET ISLAM PROGRESSISTE

La présence contestée de Tarik Ramadan au Forum social européen de Saint-Denis fin 2003 a mis en lumière une tendance d’une partie de la gauche à chercher des partenaires au sein de l’islam progressiste. L’ambition est de toucher plus largement les populations issues de l’immigration. Le modèle confusément admis est celui de l’association des « cathos de gauche » au mouvement ouvrier dans les années 1960. À cette tendance spontanée s’en ajoute une, solidement théorisée par une partie du trotskisme international (SWP britannique et une partie de la LCR française), qui consiste à vouloir unir islamistes et révolutionnaires socialistes dans un même front anti-impérialiste.

Alternative libertaire récuse cette tendance, qu’elle soit théorisée ou non.

D’une part parce qu’elle repose sur une vision colonialiste, assimilant musulmans et Arabes ou Pakistanais, et faisant des associations religieuses des « représentantes » de ces populations issues de l’immigration.

D’autre part parce que l’analogie avec les « cathos de gauche » est fausse. Dans les années 1960, l’Action catholique ouvrière (ACO) et la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) ont joué un rôle important, dont le résultat n’a pas été d’amener la classe ouvrière à l’Église, mais au contraire a conduit une partie du prolétariat catholique à rejoindre le mouvement ouvrier organisé. Question de rapport de force à l’époque, en faveur du mouvement ouvrier, qui a conduit une partie du clergé à lui faire des concessions idéologiques.

Autres temps, autres mœurs : il n’y a pas aujourd’hui, en France, d’équivalent musulman de l’ACO ou de la JOC. Les associations inspirées par Tarik Ramadan (Collectif des musulmans de France, Étudiants musulmans de France…) ont avant tout un rôle théologique et de prosélytisme religieux. Ces associations revendiquent également une « ouverture » sur les problématiques sociales, sociétales, féministes, etc. Mais force est de constater que leur « coopération » avec le mouvement social consiste moins à amener les musulmans à rallier ses valeurs, qu’à obtenir du mouvement social des concessions idéologiques, notamment sur les aspects les plus rétrogrades, comme le foulard islamique. Un courant politique à caractère religieux ne peut être considéré comme progressiste, sous prétexte qu’il organiserait les masses exploitées.

Pour finir, si nous dénonçons les religions, nous ne stigmatisons pas les croyants individuellement. Dans la tradition qui a toujours été celle du mouvement ouvrier, nous encourageons l’engagement des croyant-es dans les organisations syndicales et les associations de lutte. C’est en prenant leur destin en main, en revendiquant pour aujourd’hui l’amélioration de leur sort, sans attendre un Paradis dont la prière leur donnerait la clef, que les travailleur et travailleuses sont amené-es à s’éloigner des superstitions et de croyances archaïques.

C’est de cette façon que le mouvement ouvrier et social a été et continue d’être un puissant vecteur de sécularisation du prolétariat et de la société toute entière. Et il n’y a aucune concession à faire à ce sujet.

6. UNE LIGNE DE CONDUITE

Alternative libertaire juge nécessaire la stricte laïcité. Encore que nous l’entendons comme l’éviction des religions des affaires publiques et l’affirmation sans ambiguïté de la supériorité de la démarche critique scientifique, et non pas comme la mise à égalité des religions. Pour cette raison, Alternative libertaire apporte son soutien critique à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, que nous jugeons salutaire et toujours d’actualité quoique constamment violée par l’État français (statut de l’Alsace-Moselle, caractère religieux de la plupart des jours fériés du calendrier…).

Le soutien aux mouvements révolutionnaires, athées et anti-impérialistes agissant dans les pays dits musulmans est une tâche essentielle pour les communistes libertaires. De tels mouvements existent notamment en Irak, en Iran et en Palestine. Il nous revient de populariser leurs luttes ici même, de lancer des initiatives de soutien matériel ou de rejoindre celles qui existent déjà, telle Solidarité-Irak ou Anarchistes contre le Mur.

Communistes libertaires, nous affirmons que c’est d’abord par des actes constructifs que le racisme peut être battu, et que celles et ceux qui trouvent aujourd’hui un refuge illusoire dans le communautarisme et la religion peuvent reprendre leurs vies en main. Religions, communautarisme, racisme, « islamo-gauchisme » sont autant d’écrans de fumée qui éloignent les travailleurs et les travailleuses de leur propre émancipation. C’est dans la lutte des travailleurs et des travailleuses ici et dans le monde entier que se trace la voie de l’émancipation humaine.

La solidarité avec les mouvements qui poursuivent les mêmes objectifs doit faire partie intégrante de notre action quotidienne, dans les syndicats et les associations de lutte ainsi que dans l’intervention directe d’Alternative libertaire.

Intervention des communistes libertaires dans le Front social de l’égalité et de la solidarité
 
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