International

La BCE mise à l’amende




Le nouveau siège de la Banque centrale européenne était inauguré en grande pompe le 18 mars à Francfort. L’occasion pour des dizaines de milliers de personnes de venir rappeler à cette institution que la lutte des classes existe, et qu’elle en est l’une des cibles. Au menu : blocages, actions et manifestations.

Ce devait être un jour de fête pour le patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi et plus largement pour les représentants d’une oligarchie tellement enfermée dans ses certitudes qu’ils n’avaient sans doute pas envisagé pareille déconfiture.

Oui, leur sauterie prévue pour ­l’inauguration du nouveau siège de la BCE a été totalement gâchée.

Le trouble-fête a un nom : Blockupy, la coalition à forte teneur anticapitaliste formée de collectifs, d’associations, de syndicats et d’organisations politiques.

Mise en scène honteuse

De fait cette inauguration a tourné au non-événement : quelques dizaines d’invité-e-s ont dû être acheminé-e-s par bateau ou par hélicoptère, seule façon pour eux de circuler dans une ville désorganisée par des actions de blocage mobilisant 6.000 militants et militantes venu-e-s de 49 villes d’Europe et déterminé-e-s à en découdre. Cette réception confidentielle a été limitée à une partie de l’après-midi, alors qu’il s’agissait de célébrer le pouvoir et le capital.

Blockupy a tellement réussi à rendre honteuse cette mise en scène que la BCE a renoncé elle-même à la médiatiser.

Les actions de blocage ont débuté très tôt le matin ce mercredi 18 mars. Elles avaient été précédées d’affrontements dès la veille entre nombres de militants et militantes autonomes et la police. Du reste les forces de police étaient exceptionnellement nombreuses, pas moins de 10.000 flics.

Le blocage du quartier du nouvel édifice de la BCE a fait l’objet d’une minutieuse préparation et s’il a mobilisé un nombre conséquent de militant-e-s, c’est ­d’abord parce que tout le monde pouvait y trouver sa place, que ce soit celles et ceux qui assument l’usage de la violence ou celles et ceux qui ont plutôt opté pour la non-violence active.

Plusieurs groupes ont participé à l’encerclement de la BCE pendant toute la matinée, certains bloquant les voies d’accès, d’autres affrontant directement les forces de police ou mettant le feu à une des dépendances de la BCE. La police a arrêté vingt-cinq personnes et en a présenté treize devant un juge. Federico Annibale, un étudiant italien, reste à ce jour en détention et la mobilisation se poursuit pour le libérer. Les flics ont intoxiqué des centaines de bloqueurs et bloqueuses avec de la lacrymo à poivre et ont matraqué une partie d’entre eux-elles.

Reportage vidéo : Taranis News.

Ce qui constituait le principal objectif de Blockupy a donc été largement rempli.

En fin de matinée, une manifestation syndicale s’est tenue dans le centre-ville avec des cortèges de l’IG Metall, de Ver.di, le syndicat des services du Deutsche Gewerkschaftbund (DGB, la Confédération des syndicats allemands) et du syndicat de l’enseignement et de la recherche, de la FIOM (Fédération des employés et ouvriers métallurgistes liée à la CGIL, Italie) et l’union syndicale Solidaires.

Le meeting a permis d’entendre trois types d’interventions reflétant assez bien la diversité de Blockupy.

On a pu entendre les partisans de la voie institutionnelle (Syriza, Podemos, Die Linke) dont la radicalité verbale est particulièrement soluble à l’épreuve du pouvoir comme on peut le voir avec le gouvernement grec qui a fait le choix de se plier à la volonté de la troïka (BCE, FMI, Commission européenne).

Les interventions des mouvements sociaux (syndicats, associations, collectifs) ont occupé la part la plus importante du temps de parole.

Enfin la gauche extraparlementaire, notamment par le biais de la Gauche interventionniste (Interventionistische Linke, IL), a pu défendre ­l’idée d’une rupture et d’une alternative autogestionnaire au capitalisme.

Manifestation de 20.000 personnes

La manifestation de l’après-midi a rassemblé près de 20.000 personnes. Elle a été ouverte par les banderoles de Blockupy et par des militants et militant-e-s d’IL vétu-e-s d’un tee-shirt arborant un mot d’ordre sans ambiguïté (« Vive la Commune », en français), suivi du cortège d’Ums Ganz, autre mouvement issu de l’autonomie précédé d’une banderole proclamant « Pour une révolution sociale ».

Le bloc antifasciste était le plus important (autour de 2.000 personnes). C’est au sein de ce bloc que les militantes et militants d’Alternative libertaire venu-e-s de région parisienne, de Nantes, mais aussi de Bruxelles ont défilé.

On pouvait également voir des cortèges syndicaux un peu moins nombreux que le matin. Die Linke, Attac et les organisations kurdes constituaient les pôles les plus importants.

Ce mercredi 18 mars a constitué une belle journée. Pour autant il ne faut pas y voir une mobilisation sans lendemain. En effet, ­Blockupy, qui existe depuis cinq ans, a pour ambition de développer un véritable mouvement anti-austérité en Europe. C’est une bonne chose et il gagnerait à articuler son combat avec une opposition aux projets de traités transatlantiques entre États-Unis, Canada et Union européenne entrés dans leur phase finale de négociation.

Ces traités, s’ils sont ratifiés par lesdits États permettront de désintégrer toutes les normes sociales et environnementales en vigueur afin de faciliter investissement et profit capitalistes. Face à ces projets criminels, une mobilisation internationale est prévue samedi 18 avril.

Pour ce qui est de la France, des clarifications seront nécessaires. Si l’entente a été bonne entre Attac, Solidaires, Ensemble et Alternative libertaire, qui se sont retrouvés en phase avec la démarche de Blockupy, on peut constater que le Collectif 3A (Alternative à l’austérité), totalement instrumentalisé par le Front de gauche et auquel participent CGT et Solidaires ou encore Femmes Égalité, s’est totalement tenu à l’écart du blocage de la BCE, tant il est vrai que sa priorité est de reconstruire une gauche s’inscrivant pour l’essentiel dans le champ parlementaire.

Laurent Esquerre (AL Paris-Nord-Est)

Photo : Gaspard Glanz/Taranis News

 
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