Le C.T.P., Quis ? Quid ? Quomodo ?




 ? Le “ contrat de transition professionnelle ” serait mis en place dans six bassins d’emplois en difficulté : Saint-Dié, Vitré, Morlaix, Valenciennes, Toulon et Charleville-Mézières.

Qui ? Le CTP s’adresserait aux personnes licenciées économiques des entreprises de moins de 300 salariés.

Comment ? Le ou la salarié(e) licencié(e) signerait un contrat avec un groupement d’intérêt public, qui resterait éventuellement à créer. Ce groupement mettrait ensuite la personne à la disposition d’entreprises publiques ou privées. Une sorte de bureau de placement, ou de boîte d’intérim semi-publique, tournée vers les besoins des entreprises, et qui leur facturerait la location d’un(e) travailleur(se) pendant quelques mois.

Quel salaire ? La personne toucherait "quasiment" son dernier salaire (on évoque 80 %). En fait, le groupement qui l’emploie percevrait l’indemnité-chômage du salarié et la lui reverserait en partie. La différence serait complétée par l’entreprise bénéficiaire, voire par l’État. Une entreprise pourrait donc exploiter le travail d’une personne en ne lui versant même pas un salaire, mais un "complément de salaire", qu’on peut estimer quatre à cinq fois moindre. Cela aboutit à ce juteux paradoxe : obliger une personne à "travailler pour toucher son assurance chômage"… L’assurance pour laquelle elle a pourtant cotisé et à laquelle elle devrait avoir droit inconditionnellement !

Quelle obligation ? Pour l’instant, on n’en sait pas davantage. Si le CTP est bien un "contrat", il resterait facultatif et un(e) chômeur(se) pourrait donc choisir de ne pas le signer. Mais l’expérience du contrat d’aide au retour à l’emploi a montré que les Assedic exerçaient des pressions financières sur les chômeur(se)s pour les obliger à signer.

Et quoi d’autre ? La personne travaillant dans le cadre d’un CTP aurait droit à une formation. C’est désormais une tarte à la crème éculée : tout contrat précaire se fait sous prétexte de "formation". La ficelle devient énorme, mais ce mot magique a tendance à donner un vernis social à toute mesure régressive.

La Sécurité sociale professionnelle : quelques rappels

La "Sécurité sociale professionnelle" est devenue à son congrès de 2003 une revendication centrale de la CGT.

Quel en serait le principe ? La CGT voudrait obtenir la pérennité des droits du salarié en termes de salaire, ancienneté, formation, etc. en faisant que ces droits ne soient plus attachés au contrat de travail, mais à l’individu salarié. Ainsi un(e) salarié(e) licencié(e) ou dont le CDD vient à son terme, verrait son revenu maintenu.

Comment ? Il n’y aurait pas de rupture du contrat, jusqu’à ce que la personne retrouve du travail dans une autre entreprise. Ses droits acquis seraient alors transférés dans l’entreprise suivante. Dans l’intervalle, son salaire serait assuré par un organisme public financé par la cotisation sociale. Entre-temps, il pourrait avoir accès à une formation. L’organisme en question proviendrait de la fusion de diverses "caisses" déjà existantes : Assurance chômage (Unedic), Fonds de garantie des salaires (FGS), etc.

Ce que cette revendication contient d’intéressant :

 D’une part l’idée d’une mutualisation des responsabilités patronales. Car de fait, le patronat d’un même bassin d’emploi ou d’une même branche aurait la responsabilité d’assurer le revenu de l’ensemble du prolétariat, qu’il soit en activité ou privé d’emploi. Il aurait donc intérêt à proposer des emplois, plutôt que de "payer pour rien".
 D’autre part la prise en compte des chômeur(se)s et précaires dans la démarche revendicative. La Sécurité sociale professionnelle fait en effet figure de "revendication unifiante" pour les diverses catégories de salarié(e)s : privé(e)s d’emploi, titulaires, précaires...

Ce que cette revendication a de factice :

Elle revient en bonne partie à proposer la création d’une "super assurance chômage", donc un dispositif déjà existant et qu’il s’agirait d’améliorer. Le paradoxe est justement que le mouvement social n’arrive déjà pas à résister à la démolition de l’assurance chômage par le Medef, année après année. Où dans ce cas puiser les forces pour une réforme d’aussi grande ampleur ?

Ce que cette revendication a d’agaçant :

D’une part, ce nouveau leitmotiv de la CGT, la "Sécurité sociale professionnelle", a pu apparaître parfois comme une revendication dilatoire, qui permettait d’esquiver la question de la lutte contre les licenciements (lire Alternative libertaire n° 116 de mars 2003, "La CGT explore les voies du recentrage").

D’autre part, cette revendication témoigne d’une certaine résignation de la CGT à l’idée que la flexibilité et la précarité sont devenues une norme – sans doute à raison –, et qu’il s’agit désormais d’inscrire les revendications dans ce contexte. Le problème ? La "mobilité" du prolétariat comme norme admise, c’est dans cette brèche que le gouvernement s’est introduit avec son "contrat de transition professionnelle".

 
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