Le nouvel apartheid




Des magasins, en particulier en Seine-Saint-Denis, interdisent leurs entrées aux mineurs non accompagnés. Une discrimination bien dans l’air du temps.

Interdire un magasin "aux animaux et aux mineurs non accompagnés" [1] semble le nouveau hochet sécuritaire à la mode.

« C’est vrai quoi ! Les jeunes, surtout dans certains quartiers, ça ne sait que faucher et faire chier le monde, ça gène le commerce et la sacro-sainte consommation ! », répondra le facho ordinaire du café du commerce.

C’est vraiment n’importe quoi.

Tout d’abord, ça rappelle des souvenirs nauséabonds. Remplaçons par "noirs" ou par "juifs", et ce sont les années 30, l’Amérique d’avant Martin Luther King et l’Afrique du Sud de l’apartheid qui ressurgissent. C’est là que ça blesse le plus nos vendeurs de soupe : ce n’est pas très vendeur comme parallèle.

Ensuite, on a du mal à pleurnicher sur le sort du Carrefour de Rosny 2, par exemple. Il ne donne vraiment pas l’impression d’être au bord du dépôt de bilan ! Surtout en cette période de préparation des fêtes de fin d’année !

Enfin, c’est stupide même dans une logique capitaliste. Les jeunes aussi sont des consommateurs et consommatrices. Ils et elles ont même bien souvent intégré la logique de consommation à un degré effrayant. Dans certains quartiers stigmatisés comme "difficiles", la fascination pour la marque, la frime, le produit qui fait classe laisse songeur.

Mais il y a le « bon consommateur » et le « mauvais consommateur », comme on avait le « bon chasseur » et le « mauvais chasseur ». Il est de bon ton de stigmatiser les jeunes, les habitants et habitantes de certains quartiers, les gens d’une certaine origine. Alors les entreprises de grande distribution font ce qu’elles savent faire : elles suivent le courant, elles brossent ce qu’elles croient être l’« opinion » dans le sens supposé du poil.

La boucle est bouclée : on retrouve les politiques démagogiques, populistes, réactionnaires qui ont conduit aux régimes basés sur des pratiques d’apartheid...

[1Voir par exemple Libération, 8/12/06

 
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