Les rafles ou la politique du chiffre




Profitant de l’été, la chasse aux sans-papiers a connu à Paris un nouveau pas en avant dans l’ignominie. Ce qu’il faut appeler véritablement des rafles sont devenues monnaie courante dans les quartiers populaires, comme à Ménilmontant, Belleville, Château d’Eau, Stalingrad ou Château-Rouge. C’est le retour des vieilles méthodes pour permettre à Sarkozy d’éructer ses objectifs chiffrés d’expulsions d’étranger(e)s.

Le scénario est maintenant rodé. Sur la base de réquisitions du procureur de la République totalement floues, telles que la recrudescence de mendicité, de vol, ou la présence d’étranger(e)s en situation irrégulière, une armada de policiers, en tenue ou en civil, investissent un carrefour, bouclent un quartier pendant plusieurs heures. Toutes les personnes sont contrôlées, dans la rue, dans les cafés, les magasins, le métro.

Ainsi, à Ménilmontant au mois d’août, un homme de nationalité malienne est interpellé en bas de chez lui. Il s’entend dire par des policiers qui contrôlent : « Il n’a pas une tête de Français celui-là ». À Belleville quelques jours auparavant, ce sont les Chinois qui sont visés. Une heure avant le début de la rafle, un interprète est réquisitionné sur place. Une trentaine de sans-papiers chinois sont arrêtées et, selon un témoignage, des familles sont séparées ; les enfants restent dans la rue ou sont confiés autoritairement par la police à un compatriote passant par là…

Au total, ce sont des centaines d’hommes et de femmes qui sont arrêté(e)s lors de dix opérations de police recensées en moins de 2 mois, le seul motif ayant entraîné leur contrôle étant la couleur de leur peau.

Réactions tardives…

Il aura fallu attendre le 16 septembre pour que le recoupement d’informations permette à trois organisations, la Cimade, le Gisti et le Syndicat de la magistrature de dénoncer publiquement ces opérations de police en les qualifiant de rafles. Si l’absence de réaction de la police, de la justice, ou des élu(e)s n’est pas forcément une surprise, celle indignée d’anciennes et d’anciens déportés sur l’usage du mot rafle à cette occasion mérite toutefois quelques commentaires. D’après le dictionnaire Larousse, une rafle se définit par « l’arrestation en masse, faite par la police, d’individus qui se trouvent dans un quartier, dans une rue, dans un établissement ». Quand ces arrestations massives se justifient par un présupposé de délit lié à la couleur de la peau, comme c’est le cas, nous ne sommes pas loin de pouvoir faire un parallèle avec les rafles dans leur portée symbolique. Ce n’est pas faire injure à l’histoire que dire qu’elle peut toujours se répéter, et que l’apparition de véritables « camps » de rétention en France et en Europe, la « chasse » aux enfants sans papiers jusque dans les écoles, nous envoient une gifle de 65 années d’histoire française.

Et début de riposte

La mobilisation face à ces agissements policiers commence aujourd’hui à se mettre en place. En lien avec les multiples comités de soutien qui se constituent à Paris pour s’opposer à la mise à la rue de familles occupant des immeubles insalubres, plusieurs organisations telles que le Gisti, la Cimade, Droits Devant !! ou le comité de soutien aux Roms de Saint-Denis, en but depuis plusieurs mois à l’arbitraire policier, ont décidé la mise en place d’un réseau d’alerte en capacité de relayer rapidement l’information sur ces rafles, de mobiliser les réseaux militants et de constituer une cellule juridique pour dénoncer devant les juges ces opérations. Tracts et affiches informant des droits et de ce réseau d’alerte doivent être diffusés massivement dans les quartiers. Dans plusieurs arrondissements de l’Est parisen, un questionnaire doit être diffusé à la population afin d’obtenir le maximum de témoignages et de constituer un réseau d’alerte local, s’appuyant sur les associations, les commerçants et les habitants du quartier. Des réunions publiques devraient ensuite se mettre en place. Toutes et tous sommes invités à participer à ces initiatives et à les multiplier dans les quartiers.

Face au silence médiatique, ce sont les habitantes et les habitants stigmatisés qui doivent aujourd’hui réagir. Mais pas seulement. Cette mobilisation ne doit pas non plus se limiter aux seuls réseaux militants. C’est plus largement la population des quartiers visés par les rafles qu’il faut impliquer. Il est urgent que toutes et tous nous résistions à la politique de la haine que met aujourd’hui en œuvre le gouvernement. Ne laissons pas faire !

Jérome (AL Paris Nord-Est

 
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