Biographie

Lire : Rosemont, « Joe Hill. Les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière révolutionnaire »




À travers la vie du poète et chansonnier Joe Hill, Franklin Rosemont, fondateur du surréalisme aux États-Unis, explore la culture romantique et rebelle d’un des syndicats les plus combatifs aux USA, l’Industrial Workers of the World (IWW).

Ce livre est une remarquable biographie de Joe Hill (1879-1915), poète, chanteur et héros du mouvement ouvrier aux États Unis. C’est aussi une belle étude de la culture rebelle de l’IWW, l’organisation syndicaliste révolutionnaire qui a réussi, au début du XXe siècle, à organiser les ouvriers les plus conscients et les plus combatifs. Son auteur, Franklin Rosemont, adhéra à l’Industrial Workers of the World (IWW) dès l’âge de 19 ans et est aussi l’auteur d’un important ouvrage sur la pensée d’André Breton.

Abondamment illustré par des gravures, caricatures et dessins faits par Joe Hill lui-même et par d’autres artistes « Wobblies » – terme qui désigne les militants de l’IWW – ce livre est la tentative la plus sérieuse jusqu’ici de reconstituer, au-delà des mythes et des mensonges, la vie, les rêves et les combats de cet homme dont le socialiste Eugene Debs célébrait le « tempérament poétique » et « la nature tendre, sympathique et généreuse ».

L’IWW, un syndicat chantant

Né en Suède, Joel Emmanuel Häglund de son vrai nom émigre aux États-Unis en 1902. Travailleur migrant, il adhère en 1910 à l’IWW et devient très vite son chansonnier et poète le plus connu. En 1911 il prend part à la Révolution mexicaine, dans les rangs des magonistes, les partisans leader anarchiste Ricardo Flores Magon, contre les troupes du dictateur Porfirio Diaz. Il dira plus tard de cette expérience : « Au moins une fois j’ai eu la chance de combattre sous le drapeau rouge… ». Auteur des chansons les plus populaires du mouvement ouvrier américain, il contribuera à faire de l’IWW un « syndicat chantant ».
En 1915, Joe Hill est arrêté à Salt Lake City, Utah, et accusé du meurtre d’un épicier. Sans aucune preuve, il est condamné à mort. Une importante campagne dans le monde entier exige un nouveau jugement, mais le gouverneur de l’Utah refuse toute concession. Quelques jours avant l’exécution, Joe Hill écrit une lettre à Bill Haywood, porte-parole de l’IWW : « Ne perdez pas de temps à vous lamenter, organisez-vous ». Raccourci par Haywood, c’est devenu un des mots d’ordre les plus populaires de l’IWW : Don’t mourn, organize  ! (Ne vous lamentez pas, organisez-vous ! ).

Le 19 novembre 1915, Joe Hill est fusillé, un meurtre judiciaire comme celui des anarchistes de Haymarket (Chicago) avant lui, ou Sacco et Vanzetti après. Ses cendres sont apportées à Chicago, où 30 000 personnes assistent à ses funérailles, sous la bannière « In Memoriam – Joe Hill – assassiné par la classe capitaliste ».

Assassiné par la classe capitaliste

Franklin Rosemont montre que Hill n’était ni un dirigeant ni un grand organisateur, mais plutôt un rêveur, un troubadour, un humoriste, un auteur de chansons parfois mélancoliques et pessimistes. Mais il était représentatif de la culture de l’IWW, d’inspiration romantique par son refus de la société bourgeoise, de la mécanisation et du mythe du progrès. La critique du capitalisme par ce mouvement n’était pas seulement économique et politique, mais aussi poétique, motivée par des désirs de liberté, de révolte, de défi.

L’IWW a commencé à décliner à partir de 1930, sans toutefois disparaître de la scène ; luttant contre le stalinisme dans le mouvement ouvrier, il s’allia avec des anarchistes et des trotskystes. Il exerça une réelle influence sur la Beat Generation et sur le mouvement étudiant des années 1960, le Students for a Democratic Society (SDS).

Sans mémoire du passé il ne peut pas exister d’espoir pour l’avenir. Comme l’écrivait Walter Benjamin, la tâche de l’historien critique c’est de sauver la tradition des opprimés du conformisme qui menace de l’effacer. Ce livre est une figure exemplaire d’historiographie critique.

Michael Löwy

• Franklin Rosemont, Joe Hill. Les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière révolutionnaire, Editions CNT, 2008, 20 euros.

 
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