Maroc : Quand le pouvoir laisse mourir un gréviste de la faim




Moustapha Meziani, leader de la contestation étudiante à l’université de Fès, est mort le 11 août après 72 jours d’une grève de la faim menée pour protester contre sa détention. Un événement qui, avec d’autres, montre le vrai visage du pouvoir ­marocain : celui d’un régime autoritaire.

En juin 2014, nombre de facultés du Maroc se mettent en grève contre les politiques d’austérité du gouvernement (manque de moyens, hausse des frais d’inscription) . Parmi celles-ci : l’université de Fès où de violents affrontements opposent militant-e-s d’extrême gauche de ­l’Unem (Union nationale des étudiants-e-s marocain-ne-s) et salafistes. Affrontements graves qui aboutissent à la mort d’un militant islamiste. Des salafistes, savamment manipulés par le pouvoir et le gouvernement ­Benkirane (islamiste modéré à la tête du Parti de la justice et du développement), afin de contrer le poids de l’Unem sur le campus. Tactique vieille mais efficace du diviser pour mieux régner, déjà utilisée en son temps dans les années 1980 par le roi Hassan II, le pouvoir favorise la carte salafiste dans les quartiers populaires et dans les facs. La mort du salafiste sert, dès lors, de prétexte pour une intervention musclée de la police sur le campus. Les piquets de grève sont levés, ­l’université est vidée. De nom­breux militantes et militants de ­l’Unem sont ­arrêté-e-s, emprisonné-e-s et torturé-e-s.

Gouvernement islamiste et pouvoir monarchique Moustapha Meziani, 31 ans, considéré comme un des leaders de la contestation estudiantine fait partie des onze partisans de l’Unem arrêté-e-s. Il est incarcéré à la prison d’Aïn Kadous et entreprend une grève de la faim afin d’exiger sa libération ainsi que celles de ses camarades et leurs réintégrations à ­l’université. Le 11 juillet, malgré l’insistance de ses avocats préoccupés par ­l’état de santé de Moustapha (perte de poids, vomissements et évanouissement en pleine audience), le tribunal de Fès confirme la prolongation de sa détention. L’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) organise une campagne d’envergure au niveau national. Des manifestations de soutien ont lieu dans de nombreuses villes. L’AMDH adresse une lettre ouverte au chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, sur la situation « inquiétante que connaissent certaines prisons du pays ». Elle insiste sur le cas de Meziani et réclame l’ouverture d’un dialogue avec lui pour « préserver son droit sacré à la vie ». En vain.

72 jours de grève de la faim

En dépit de la mobilisation, le gouvernement islamiste reste implacable, soutenu dans sa politique répressive par le roi Mohamed VI. Le 9 août, son état étant critique, Moustapha est transféré à l’hôpital de Fès. Trop tard, il meurt le 11 août après 72 jours de grève de la faim. Quelques jours auparavant, devant la gravité de la situation, certains membres de sa famille avaient menacé de se mettre à leur tour en grève de la faim. Ils ont été arrêtés avant de pouvoir mettre à exécution leur action. Un famille meurtrie qui s’est vu, en outre, imposer d’enterrer le défunt en un lieu secret dans la plus stricte intimité afin d’éviter tout débordement.

Séquestrée, insultée et torturée

Le cas de Moustapha n’est hélas pas isolé. La veille de sa mort, c’était une autre militante de l’Unem, Wafaa Charaf, qui était, à son tour, condamnée, par le tribunal de Tanger, à une ­peine d’un an de prison ferme et 51 000 dirhams d’amende (5 000 euros) pour dénonciation calomnieuse. Elle avait maintenu au cours du procès ses accusations, faites le 27 avril 2014, ­d’avoir été enlevée par des policiers en civil et jetée dans une voiture banalisée à la fin d’une manifestation ­ouvrière. Wafaa Charaf avait indiqué avoir été séquestrée plusieurs heures, insultée et torturée avant d’être abandonnée au bord d’une route à 12 km du centre-ville. L’ordre règne au Maroc. Un ordre maintenu coûte que coûte, au prix de l’assassinat légal et de l’emprisonnement de ses opposants.

Jérémie (AL Gard)

 
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