MédiaCoop : « Il y a un véritable intérêt économique pour les entreprises qui exploiteront ces mines »




Mediacoop est une toute nouvelle Scop auvergnate. Elle a pour objectif de diffuser sur son site internet des documentaires et des articles qui apportent une information plus fouillée que les médias de masse. Après son premier documentaire, qui a pour cadre un atelier d’écriture d’accueil de jour avec des SDF de Clermont-Ferrand, MediaCoop est en train de réaliser un documentaire sur la réouverture des mines en France. Conscients des impacts environnementaux liés aux dérives d’une exploitation minière (ou extractivisme) sans limites ni contrôles, nous avons décidé de les interroger sur leurs recherches.

Comment en êtes-vous venus à travailler sur la réouverture des mines ?

Lors des Rencontres nationales des médias libres à Meymac (en Corrèze) qui ont eu lieu en juillet dernier, nous avons rencontré le collectif Stop Mines 23. Ils nous ont fait part d’un projet d’ouverture d’une mine d’or dans la Creuse et nous ont invités au Festival No Mines Land . Nous y avons rencontré des militants et militantes du collectif et des paysans qui refusent l’exploitation minière sur leurs terres. Le sujet nous a interpellés, mais nous avons essayé de commencer notre travail sans a priori : effectivement on consomme en France beaucoup de minerais extraits dans des pays du tiers-monde, souvent dans des conditions exécrables. Nous considérions qu’après tout, extraire du minerai en France, c’était peut-être l’occasion de faire les choses plus sainement. Au fur et à mesure de nos recherches, nous avons décidé d’adopter un angle vraiment engagé : les mines propres n’existent pas.

Pourquoi réouvrir des mines en France ?

En 2013, Arnaud Montebourg a lancé l’idée de ré-ouvrir des mines. L’idée était de relancer l’industrie, d’obtenir de l’autonomie vis à vis de nos besoins en minerais. Ajoutons à ça le côté made in France si cher à Montebourg. C’est ensuite Macron qui a pris le relais en argumentant notamment sur l’aspect « propre » de ces mines.

S’en est suivi l’octroi de PER (permis exclusif de recherche) dans une quarantaine de lieux en France : en Creuse, en Ariège, en Bretagne et ailleurs, mais aussi dans les forêts primaires de Guyane. Une des raisons de l’arrêt de l’exploitation des mines était le manque de rentabilité : les cours des minerais étaient bas et la main-d’œuvre requise nombreuse. Aujourd’hui les cours ont remonté et le travail est beaucoup plus mécanisé. Il y a donc un véritable intérêt économique pour les entreprises qui exploiteront ces mines. En revanche, les retombées pour la collectivité sont faibles ; par exemple pour 1 kilo d’or extrait (30 000 euros au cours actuel), seuls 70 euros seront reversé à l’État. De plus une fois l’exploitation de la mine terminée, c’est l’État qui est en charge des travaux de dépollution.

Quelles sont les matières premières recherchées ?

Pour le moment nous avons uniquement enquêté sur des projets d’extraction d’or et de tungstène. L’or sert essentiellement pour faire des bijoux, du brillant, et pour les lingots. La part « utile », réservée à l’industrie est très faible. Le tungstène est un minerai très dur. Il sert notamment dans l’industrie de l’armement (le blindage des chars). Ou, de façon plus cocasse, pour renforcer les têtes des foreuses des mines. La boucle est bouclée. En Ariège, la mine de Salau, fermée en 1986 et en projet de réouverture, extrayait du tungstène pour l’exporter en Russie.

Quels sont les problèmes que posent ces mines ?

Les problèmes concernent la santé et les impacts environnementaux. C’est entre autres la présence d’amiante dans la mine de Salau qui avait conduit à sa fermeture. De nombreux mineurs sont tombés malades. L’amiante est contenue dans la roche et il semble impossible de ne pas la libérer en extrayant le tungstène. En outre les stériles (déchets d’extractions) sont pollués ; pas un brin d’herbe ne pousse aux alentours. Les produits de traitement du tungstène sont des produits chimiques dont tout le monde ignore la composition : on sait que c’est bleu, c’est à peu près tout.

En outre, les deux-tiers du minerai disponible ont été extraits avant sa fermeture. En cas de réouverture on estime son exploitation à cinq ans seulement. Est-ce que ça vaut bien le coup de continuer à détruire ce site pour une durée si courte ? La mine d’or de Salsigne, près de Carcassone, a fermé en 2004. Aujourd’hui encore, il y est interdit aux maraîchers de vendre les fruits et légumes produits dans la vallée de l’Orbiel, et aux enfants de jouer avec les escargots et la terre, à cause d’une pollution à l’arsenic ! Le comble, c’est que la plupart des lieux concernés par ces projets sont des endroits magnifiques et classés Natura 2000.

Qui sont les entreprises qui achètent ces permis d’exploration ?

Les deux principales entreprises ayant obtenu des PER sont Variscan Mines (Australie) et Cominor (Canada). Ce sont des sociétés assez petites. Elles sont financées essentiellement par les multinationales, qui y voient l’intérêt d’avancer masquées : ce n’est pas d’elles qu’on entendra parler lors des luttes anti-extractivistes. Les pratiques de Variscan et Cominor sont pour le moins louches. Elles demandent des PER y compris à des endroits où il n’y a que peu de minerai pour obtenir plus d’argent de leurs financeurs. Variscan France est géré par Michel Bonnemaison, également propriétaire de la société E-mines. Celle-ci finance les travaux de géologues à l’université d’Orléans. Ces mêmes géologues sont ensuite missionnés pour chercher des lieux « propices » et donner du crédit à Variscan auprès de ses financeurs et de l’État.

Comment réagissent les populations locales ?

Variscan et Cominor adoptent une stratégie de division. Ils stigmatisent les « anti-tout primitivistes » (pour schématiser) et insistent sur la dynamisation du territoire : trois couverts de plus à l’auberge du coin, de l’emploi, des retombées pour la collectivité. Dans des milieux ruraux il n’en faut pas plus pour faire ressortir les vieilles querelles, les histoires de voisinage, et tout se cristallise autour du projet minier. Les opposants à la mine de Salau se heurtent une forte hostilité des pro-mines et leurs réunions publiques sont houleuses. Dans la Creuse, le collectif Stop Mines 23 s’est constitué autour d’un noyau de jeunes écologistes assez peu politisés. Ils font des actions ludiques et pédagogiques sur le marché. Ca marche pas mal, mais jusqu’ici ils ont reçu assez peu de soutien des réseaux militants politisés du Limousin.

Quand sortira le documentaire ?

On espère pour le mois de mars. En tout cas ce sera bon pour le printemps 2016. En attendant l’épisode 0 est disponible sur notre site Internet et parle notamment du festival No Mines Land.

Propos recueillis par Éric
(AL Auvergne)

Sites à consulter : www.mediacoop.fr , www.stopmines23.fr

 
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