Minidossier appélistes : Parmi les objectifs : « abolir les assemblées générales »




Perturber une AG n’est pas toujours le fruit d’un tempérament brouillon ou individualiste. Certains groupes en font à présent le nec plus ultra de la pratique révolutionnaire.


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Les syndicalistes excédés d’avoir vu ruiné leur travail de mobilisation par des groupes qu’ils qualifient indistinctement d’« autonomes » (ou plus couramment de « totos ») attribuent généralement leur attitude brouillonne à une révolte épidermique qui les pousse à brûler les étapes.

Cette explication est insuffisante. Parfois, le sabotage d’une AG peut être parfaitement planifié. Les appélistes ont ainsi théorisé que la priorité pour faire triompher la révolution était de faire table rase des formes de lutte existantes pour laisser la place à des formes « alternatives » dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles restent floues. Ainsi l’Appel définit comme priorité de faire sécession d’avec « la gauche », terme qui amalgame pêle-mêle les sociaux-démocrates, les révolutionnaires et les syndicats. Dans la même veine, L’insurrection qui vient (La Fabrique, 2007) préconise d’« abolir les assemblées générales », en leur retirant leur caractère décisionnel pour en faire des lieux de « palabres », les décisions étant censées… relever de l’évidence et s’imposer d’elles-mêmes ! Autre texte emblématique de ce courant, Les Mouvements sont faits pour mourir (Tahin Party, 2007) appelle à se « défaire de la démocratie », y compris des pratiques de démocratie directe dans les luttes.

La séduction relative qu’exerce l’autonomie ces dernières années se nourrit du manque de perspectives du mouvement social. Le recul de l’idée que les grandes luttes collectives peuvent changer la société a entraîné deux phénomènes symétriques. D’un côté – comme en a attesté le bref succès du NPA – la représentation électorale des luttes peut constituer une consolation. D’un autre côté, de petits groupes impatients vont se réfugier dans un avant-gardisme isolé.

Exutoire aux défaites du mouvement social

À plus grande échelle, c’est ce qui s’était déjà produit à la fin des années 1970, avec l’apparition du premier mouvement autonome dans la queue de comète de Mai 68, les désillusions sur la révolution non advenue et le désenchantement général vis-à-vis du militantisme. Soixante ans auparavant, en 1908, la stagnation des luttes ouvrières avait également entraîné une crise du modèle syndicaliste révolutionnaire, et nourri aussi bien l’électoralisme du Parti socialiste que la prolifération de groupes individualistes plus ou moins communautaires.

Cependant, face à cette crise de perspectives du mouvement social, les appélistes n’ont rien d’autre à proposer que le « refus des formes de luttes existantes ». C’est pourquoi « l’alternative » qu’ils et elles prétendent incarner a, à son tour, beaucoup déçu. Elle ne tire sa force que de la faiblesse du mouvement social. Elle n’existe que comme exutoire à ses défaites. Privée de dynamique propre elle est vouée à un éternel recommencement.

Gaspard (AL Rennes)

 
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