Coordination fédérale d’AL de septembre 2013

Motion de CF : Les zapatistes, vingt ans après le soulèvement




Motion adoptée à la coordination fédérale d’Alternative libertaire de septembre 2013.

Le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 a permis de mettre en lumière des problématiques sociales et politiques
propres aux peuples indigènes, du Mexique comme d’ailleurs. Usage du territoire, représentation politique, perte des cultures,
discrimination raciale, ces thèmes se sont retrouvé sur le devant de la scène mexicaine et internationale, et le soulèvement a
provoqué ou renforcé de nombreux autres mouvements indigènes, ainsi que suscité une grande vague de solidarité
internationale.

Les relations développées avec la société civile mexicaine et internationale, ainsi que l’intense préparation politique des
zapatistes pendant les dix ans précédents le soulèvement, ont débouché sur un mouvement avec une forte capacité
organisationnelle, un large soutien populaire, et un discours inspirateur pour de nombreuses luttes. Le discours anticapitaliste,
les pratiques horizontales, les revendications d’autonomie, ont participé entre autres à populariser ce mouvement dans les
milieux libertaires du monde entier.

Le but n‘est pas de retracer ici l’histoire du mouvement, mais de voir où il se situe aujourd’hui et comment Alternative
Libertaire peut participer à la commémoration des 20 ans du soulèvement.

Un nouveau cycle du mouvement zapatiste

Dès la fin des combats de 1994, l’EZLN à tissé des liens avec la société civile mexicaine et les mouvements
altermondialistes au travers des marches du Chiapas jusqu’à Mexico, ou des rencontres internationales sur leur territoire.

Dans
le même temps les zapatistes ont organisé leur autonomie dans les « territoires récupérés » lors de l’insurrection. Après 2
années d’intense travail avec la société civile mexicaine et internationale (autour de la 6e déclaration) en 2006 et 2007, ils et
elles se sont concentré-e-s sur le développement de leurs capacités productives, politiques, sociales.

Le « pouvoir » de l’EZLN
(Armée Zapatiste de Libération Nationale) a été transmis à des instances civiles, les Juntas de buen gobierno, et de nombreux
projets d’éducation, de santé, d’agriculture, de communication ont été mis en place ou renforcés. Les conditions de vie des
communautés zapatistes se sont améliorées, malgré la répression constante du mouvement de la part des gouvernements local
et fédéral. Les médias et nombre de mouvements politiques hostiles aux zapatistes ont profité de ce moment de moindre
visibilité pour déclarer la disparition du mouvement.

Mais le déclenchement d’une nouvelle phase de mobilisation depuis
décembre 2012 leur a donné tort.

Le 21 Décembre 2012, environ 40.000 bases de apoyo (bases de soutien) zapatistes ont défilées silencieusement dans les 5
villes que l’EZLN avait pris par les armes le 1er janvier 1994. Le communiqué émis ce jour-là disait seulement « VOUS AVEZ
ENTENDU ? C’est le son de votre monde en train de s’effondrer, C’est celui du notre qui resurgit. Le jour qui fut jour, était
nuit,
Et nuit sera le jour qui sera le jour. »

Quelques jours après, l’EZLN a commencé à émettre des communiqués à un rythme soutenu, expliquant le relatif silence des
années précédentes et la volonté de reprendre le travail de communication national et international, la nomination d’un
nouveau subcomandante, et l’entrée dans une nouvelle phase de leur mouvement : « le temps du oui ». C’est-à-dire une phase
de construction active d’une autre société et non plus de simple opposition ou résistance à la société existante.

Puis, détaillant
les premières étapes de cette nouvelle phase :

  • la escuelita (petite école), sorte d’université populaire organisée par les zapatistes dans leurs communautés au mois
    d’aout 2013 pour expliquer aux organisations sociales nationales et internationales qui les soutiennent où en est le
    mouvement ;
  • la reprise d’un travail unitaire avec d’autres mouvements indigènes mexicains, notamment au travers de la Catedra Tata
    Juan Chavez des 17 et 18 août 2013.

Le moment d’entrée dans cette nouvelle phase de mobilisation répond à un contexte particulier.

D’une part, la généralisation de la violence. Le Mexique est devenu ces dernières années l’un des pays les plus violents au
monde, avec le déclenchement de la « guerre contre le narcotrafic » sous le mandat du président Calderon (2006-2012) du
PAN (Parti Action Nationale, droite conservatrice catholique), qui a fait 60.000 morts dont bon nombre de « dommages
collatéraux ». Cette violence s’est ajoutée à la corruption et à l’autoritarisme de la classe politique mexicaine, détruisant encore
plus le tissu social du pays, et masquant la répression (assassinats, disparitions, emprisonnements) dont souffrent les
mouvements sociaux et indigènes.

D’autre part, le retour du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) au pouvoir. Le PRI a gouverné le Mexique pendant 70
ans d’affilés jusqu’à l’arrivée du PAN au pouvoir en 2000. Il symbolise la corruption, le clientélisme, la répression, le virage
néolibérale, l’état mafieux (pratiques que le PAN a perpétuées avec plaisir), et son retour au pouvoir fin 2012 ne peut faire que
craindre le pire.

Enfin, la mise en place de l’agenda néolibérale des classes dominantes nord-américaines. Intégration commerciale
profitant aux multinationales, extraction sauvage des ressources naturelles, pillage des ressources biologiques, privatisations
(éducation, énergie, etc.), aux conséquences socio-économiques désastreuses pour la majorité de la population, et notamment
pour les peuples indigènes dépossédés de leurs territoires et de leurs cultures.

Un élément primordial dans cette nouvelle phase de mobilisation est aussi d’ordre culturel et spirituel. Le 21 décembre
2012 représente dans la cosmovision maya le passage à un nouveau cycle de leur calendrier, le 14e Baktun, chaque baktun
durant environ 394 ans. Cet aspect culturel a déterminé le choix de la date de la mobilisation du 21 décembre, et donne le sens
du communiqué émis à cette occasion, l’entrée dans un nouveau cycle devant s’accompagner de l’entrée dans un autre modèle
de société que les zapatistes s’efforcent de construire.

Le soutien d’AL aux zapatistes

Notre organisation a toujours défendu le mouvement zapatiste en tant que mouvement révolutionnaire de résistance aux
oppressions et de construction d’une autre société. Certain-e-s militant-e-s sont, ou se sont, engagé-e-s dans les mouvements de
solidarité, que ce soit au niveau syndical ou dans des groupes de soutien.

Mais AL en tant que telle n’a jamais adhéré à la
sixième déclaration de la forêt Lacandone, dite « la Sexta », qui « officialise » la relation entre les zapatistes et leurs groupes
de soutien.

L’expérience des zapatistes, leur pouvoir de mobilisation national comme international, et leur volonté réaffirmée de
travailler avec d’autres mouvements, en font aujourd’hui des acteurs et actrices incontournables des dynamiques
révolutionnaires internationales.

Développer la relation entre l’AL et leur mouvement parait donc stratégique et en accord avec
notre volonté de développer des contacts et initiatives au niveau international.

A l’occasion des 20 ans du soulèvement, il nous semble donc important de réaffirmer notre soutien aux zapatistes, en
adhérant d’une part à la Sexta [1],
et en organisant ou coorganisant des activités de solidarité, de diffusion de leur lutte, de mise en
perspective de leur mouvement par rapport à d’autres expériences autogestionnaires et à d’autres projets de société, comme le
projet communiste libertaire.

Reconnaissant que de nombreux groupes ou organisations sont actifs depuis longtemps dans le soutien à la lutte zapatiste,
il est primordial d’essayer de développer des activités avec eux, pour ne pas donner l’impression de profiter de l’occasion pour
apparaitre sur le devant de la scène.

Le SI international contactera les groupes ou organisations d’échelle nationale pour tenter
de créer ou participer à des dynamiques collectives, et les CALs intéressés par la question sont invités à prendre contact avec
les groupes de soutien locaux, et à contacter le SI international pour des idées d’activités, de supports audiovisuels, etc.

 
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