Dossier :

Chiapas




Une compilation d’articles et de communiqués, ainsi que sur les luttes politiques au Mexique et des peuples indigènes du continent sud-américain. En rejoignant la « Sexta » des Zapatistes, Alternative libertaire entend défendre l’autonomie des peuples et les expériences d’auto-organisation et d’autogestion.


Le soulèvement

Le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 a permis de mettre en lumière des problématiques sociales et politiques propres aux peuples indigènes, du Mexique comme d’ailleurs. Usage du territoire, représentation politique, perte des cultures, discrimination raciale, ces thèmes se sont retrouvés sur le devant de la scène mexicaine et internationale, et le soulèvement a provoqué ou renforcé de nombreux autres mouvements indigènes, ainsi que suscité une grande vague de solidarité internationale.

Une marche zapatiste.

Les relations développées avec la société civile mexicaine et internationale, ainsi que l’intense préparation politique des zapatistes pendant les dix ans précédents le soulèvement, ont débouché sur un mouvement avec une forte capacité organisationnelle, un large soutien populaire, et un discours inspirateur pour de nombreuses luttes. Le discours anticapitaliste, les pratiques horizontales, les revendications d’autonomie, ont participé entre autres à populariser ce mouvement dans les milieux libertaires du monde entier.

Le but n‘est pas de retracer ici l’histoire du mouvement, mais de voir où il se situe aujourd’hui et ce qu’il peut nous apporter dans nos luttes.

Un nouveau cycle du mouvement zapatiste

Dès la fin des combats de 1994, l’EZLN à tissé des liens avec la société civile mexicaine et les mouvements altermondialistes au travers des marches du Chiapas jusqu’à Mexico ou de rencontres internationales sur leur territoire. Dans le même temps les zapatistes ont organisé leur autonomie dans les « territoires récupérés » lors de l’insurrection. Après deux années d’intense travail avec la société civile mexicaine et internationale (autour de la 6e déclaration) en 2006 et 2007, ils et elles se sont concentré-e-s sur le développement de leurs capacités productives, politiques, sociales.

Vous êtes en territoire rebelle zapatiste. Ici le peuple commande et le gouvernement obéit.

Le « pouvoir » de l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a été transmis à des instances civiles, les Juntas de buen gobierno, et de nombreux projets d’éducation, de santé, d’agriculture, de communication ont été mis en place ou renforcés. Les conditions de vie des communautés zapatistes se sont améliorées, malgré la répression constante du mouvement de la part des gouvernements local et fédéral. Les médias et nombre de mouvements politiques hostiles aux zapatistes ont profité de ce moment de moindre visibilité pour déclarer la disparition du mouvement. Mais le déclenchement d’une nouvelle phase de mobilisation depuis décembre 2012 leur a donné tort.

Le 21 Décembre 2012, environ 40.000 bases de apoyo (bases de soutien) zapatistes ont défilé silencieusement dans les cinq villes que l’EZLN avait prises par les armes le 1er janvier 1994. Le communiqué émis ce jour-là disait seulement « VOUS AVEZ ENTENDU ? C’est le son de votre monde en train de s’effondrer, C’est celui du notre qui resurgit. Le jour qui fut jour, était nuit, Et nuit sera le jour qui sera le jour. ».

Quelques jours après, l’EZLN a commencé à émettre des communiqués à un rythme soutenu, expliquant le relatif silence des années précédentes et la volonté de reprendre le travail de communication national et international, la nomination d’un nouveau subcomandante, et l’entrée dans une nouvelle phase de leur mouvement : « le temps du oui ». C’est-à-dire une phase de construction active d’une autre société et non plus de simple opposition ou résistance à la société existante. Puis, détaillant les premières étapes de cette nouvelle phase :
 la escuelita (petite école), sorte d’université populaire organisée par les zapatistes dans leurs communautés depuis août 2013 jusqu’au début 2014 pour partager leur expérience avec des individu-e-s et des organisations sociales nationales et internationales qui les soutiennent.
 la reprise d’un travail unitaire avec d’autres mouvements indigènes mexicains, notamment au travers de la Catedra Tata Juan Chavez des 17 et 18 août 2013.

Le moment d’entrée dans cette nouvelle phase de mobilisation répond à un contexte particulier.

D’une part, la généralisation de la violence. Le Mexique est devenu ces dernières années l’un des pays les plus violents au monde, avec le déclenchement de la « guerre contre le narcotrafic » sous le mandat du président Calderón (2006-2012) du PAN (Parti Action Nationale, droite conservatrice catholique), qui a fait 60 000 morts dont bon nombre de « dommages collatéraux ». Cette violence s’est ajoutée à la corruption et à l’autoritarisme de la classe politique mexicaine, détruisant encore plus le tissu social du pays, et masquant la répression (assassinats, disparitions, emprisonnements) dont souffrent les mouvements sociaux et indigènes.

D’autre part, le retour du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) au pouvoir. Le PRI a gouverné le Mexique pendant 70 ans d’affilés jusqu’à l’arrivée du PAN au pouvoir en 2000. Il symbolise la corruption, le clientélisme, la répression, le virage néolibérale, l’état mafieux (pratiques que le PAN a perpétuées avec plaisir), et son retour au pouvoir fin 2012 ne peut faire que craindre le pire.

Enfin, la mise en place de l’agenda néolibéral des élites nord-américaines. Intégration commerciale profitant aux multinationales, extraction sauvage des ressources naturelles, pillage des ressources biologiques, privatisations (éducation, énergie, etc.), aux conséquences socio-économiques désastreuses pour la majorité de la population, et notamment pour les peuples indigènes dépossédés de leurs territoires et de leurs cultures.

Un élément primordial dans cette nouvelle phase de mobilisation est aussi d’ordre culturel et spirituel. Le 21 décembre 2012 représente dans la cosmovision maya le passage à un nouveau cycle de leur calendrier, le 14e Baktun, chaque baktun durant environ 394 ans. Cet aspect culturel a déterminé le choix de la date de la mobilisation du 21 décembre, et donne le sens du communiqué émis à cette occasion, l’entrée dans un nouveau cycle devant s’accompagner de l’entrée dans un autre modèle de société que les zapatistes s’efforcent de construire.


Plus récemment, suite à l’attaque du Caracol La Realidad et de l’assassinat du compa Galeano, perpétué par des paramilitaires, les zapatistes, par la voix du Sous-commandant Marcos, ont confirmé l’engagement dans cette nouvelle étape du mouvement. En effet, en décidant la « disparition » du personnage de Marcos, ils montrent au monde que leur mouvement est autogestionnaire et horizontal. L’évolution est notoire, comme le montre cet extrait du communiqué Ombre et Lumière de l’EZLN :

« Au cours de ce ces vingt dernières années, une relève complexe et à plusieurs niveaux s’est opérée au sein de l’EZLN.
Certains n’ont vu que ce qu’il y avait de plus évident : la relève générationnelle.
Aujourd’hui, en effet, ce sont celles et ceux qui étaient tout jeunes ou qui n’étaient pas encore nés au début de notre soulèvement qui luttent et conduisent la résistance.
Cependant, certains lettrés n’ont pas eu conscience des autres relèves qui ont eu lieu :
Une relève de classe : le passage d’une origine de la classe moyenne éclairée à une origine indigène paysanne.
Une relève de race : de dirigeants métis, on est passé à des dirigeants nettement indigènes.
Et le plus important, une relève dans la pensée. De l’avant-gardisme révolutionnaire, on est passé au « commander en obéissant » ; de la prise du Pouvoir d’en Haut à la création du pouvoir d’en bas ; de la politique professionnelle à la politique quotidienne ; des leaders aux communautés ; de la ségrégation de genre à la participation directe des femmes ; de la moquerie envers l’autre à la célébration de la différence. »

Aternative libertaire adhère à la Sexta, c’est-à-dire à la Sixième Déclaration de la Selva Lacandona, rédigée en 2005. Ce texte avait contribué à créer un nouveau réseau fédérant les groupes en lutte.

L’EZLN et le mouvement zapatiste ont montré au cours de ces dernières décennies qu’il n’y avait pas de fatalité dans ce monde dominé par le néolibéralisme, les injustices et les gouvernements à la botte des capitalistes. Même les plus pauvres, les plus oublié-e-s, peuvent se lever et crier Ya Basta ! Assez ! Et choisir une autre voie, basée sur la justice, la démocratie, la dignité, la solidarité, l’égalité.

Ce qu’ont réussi à construire les zapatistes depuis la création de l’EZLN représente une source d’optimisme et d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui luttent pour un monde meilleur. Les conditions politiques, sociales, culturelles, ne sont pas les mêmes en France et au Chiapas, et n’appellent pas les mêmes réponses, mais un désir commun doit nous animer, comme partout sur cette planète : reprendre le contrôle de nos vies. Et sur ce plan là, les zapatistes sont un exemple.

Alternative libertaire lutte depuis longtemps contre toutes les oppressions : capitaliste, étatique, patriarcale, raciste. Nous participons dans la mesure de nos capacités aux mouvements sociaux et aux luttes sur nos lieux de travail, et diffusons autant que possible nos idées communistes libertaires pour créer une société libre de toute forme de domination.

San Cristobal de las Casas

Depuis le soulèvement zapatiste, nous avons suivi avec intérêt et solidarité l’évolution de cette lutte, et l’avons diffusée dans les pages de notre journal. Mais nous n’avons jamais formalisé notre solidarité, ni n’avons participé aux rencontres et activités organisées par les zapatistes ou les mouvements de solidarité. Il est malheureusement difficile de s’engager sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, alors que les conséquences économiques, sociales et écologiques du néolibéralisme se font de plus en plus dramatiques et irréversibles, il nous semble important de participer à la nouvelle dynamique que les zapatistes essayent d’impulser. C’est pourquoi nous avons décidé de rejoindre la Sexta Declaración de la Selva Lacandona.

Ces derniers mois, à l’occasion des 20 ans du soulèvement, nous avons participé dans différentes villes de France à des activités de solidarité en commun avec d’autres groupes et collectifs de soutien aux zapatistes, avec des débats publics, des repas de solidarité, et la participation à des rassemblements de soutien. Avec ces collectifs, nous tentons tant bien que mal d’apporter notre aide.

Nous souhaitons ainsi diffuser la lutte zapatiste et les revendications d’autonomie des peuples indigènes du Chiapas et d’ailleurs, et exiger l’application des accords de San Andres, la libération des prisonniers politiques et la fin du harcèlement militaire et de la violence politique dont sont trop souvent victimes les peuples du Chiapas et du reste du Mexique.


A consulter :


Articles et communiqué disponibles sur le site d’Alternative Libertaire :

 Soutien International aux zapatist@s contre la guerre de contre-insurrection au Chiapas
 Depuis la Sexta dans le monde : Gaza vit et résiste 
 Chiapas-EZLN : Les zapatistes partagent leur expérience
 Chiapas : Justice pour Galeano et solidarité avec les zapatistes
 Avec le peuple zapatiste, pour Galeano assassiné
 Luttes indigènes : L’année des zapatistes
 Guerre de basse intensité au Chiapas : terrorisme d’État et paramilitaires
 Chiapas : La contre-insurrection
 Chiapas : Autonomie zapatiste : Émergence d’un pouvoir régional.
 Dossier autogestion : Chiapas : Autonomie zapatiste
 En 1994 : Les zapatistes gâchent le triomphe néolibéral
 Mexique : trois jours avec les femmes zapatistes
 L’EZLN et la VIe déclaration de la forêt Lacandone
 Mexique : Soutien européen aux zapatistes
 Altermondialisation : Zapatisme et mouvements sociaux.


Quelques liens vers les luttes politiques au Mexique

Prisonnier-ère-s politiques :

 Mexique : Libérez-les !
 « Dehors nous ne sommes pas libres »

Oaxaca :

 Oaxaca : pouvoir populaire contre pouvoir d’État
 Oaxaca (Mexique) : une région en révolte
 Mexique : Répression d’État à Oaxaca
 Mexique - Oaxaca : État de siège à San Juan Copala

Plus largement au Mexique :

 Interview de Miguel Cruz Moreno, membre du CIPO et du CNI
 Mexique : Les tortionnaires reviennent au pouvoir
 Mexique : « L’eau ne se vend pas »
 Violences au Mexique : Tactique anti-narcotique
 Présentation du Centre social libertaire « Ricardo Flores Magón » à Mexico
 Violences au Mexique : Tactique anti-narcotique
 Mexique : Résister au PRI, c’est résister au pire
 Dossier Mexique : Décembre 1910 : Une prise d’armes au cri de « Tierra y Libertad »


Les luttes des peuples indigènes en Amérique du Sud :

 Brésil : la révolte, les anarchistes et les peuples indigènes
 Colombie : Auto-organisation des peuples indigènes
 Les victimes des « grands coups portés aux FARC » sont encore les peuples indigènes
 Mouvement libertaire cubain : Sur la 6e Déclaration de la forêt Lacandone et la nouvelle gauche latino-américaine (1/2)
 Dossier planète insoumise : Amérique Latine : Un continent en révolte


L’Europe zapatiste :

Le site d’Europa Zapatista, regroupant les collectifs de solidarité en Europe.

Quelques liens vers les collectifs locaux en France :

 Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte (CSPCL)
 Espoir Chiapas
 Les associations de soutien des coopératives de café zapatiste : Mut Vitz 13 ; Mut Vitz 31 ; Mut Vitz 34 ; Échanges solidaires....

 
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