Nucléaire : Nicolas Hulot, la fuite en avant




Macron avait fait allégeance à EDF dès sa campagne, promettant la mise en service de l’EPR de Flamanville. La nomination de Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique et solidaire change-t-elle vraiment quelque chose ?

Depuis les années 1970, les gouvernements français successifs se sont engagés, sans aucune forme de démocratie, dans un programme de production nucléaire ­d’électricité aussi démesuré que dispendieux. Et voilà que le ministre Hulot pose la possibilité de fermer des centrales d’ici 2025 pour entrer dans les clous des accords de Paris et de la loi de transition énergétique. Au vu de ses dernières déclarations, il a déjà baissé son ambition (passant de 25 fermetures à 17).

À l’instar des précédents ministres de l’Écologie « antinucléaires » (Cochet, Lepage, Voynet), Hulot a déjà entendu les différents directeurs et directrices de son ministère, la plupart ingénieur.es « X-Mines », formaté.es par leurs études, acquisau lobby nucléaire.

Interrogé sur l’autorisation d’exploiter l’EPR [1] de Flamanville Hulot déclare « attendre d’avoir l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire [ASN] » et rechercher « une vision très claire sur où est-ce qu’on va dans notre modèle énergétique ». Mais une fois ceci croisé avec le programme de Macron qui prévoit la seule fermeture de la centrale de Fessenheim – et encore, pour mettre en service Flamanville –, les jeux sont d’ores et déjà faits.

Malfaçons à répétition

Pourtant, l’avenir de l’EPR est plus que compromis. Alors que sont annoncés les succès commerciaux d’Areva et d’EDF, qui vendent ces réacteurs à tour de bras (1 en Finlande, 2 en Chine et 2 au Royaume-Uni), aucun d’entre eux n’a été mis en service.

La première tentative à Olkiluoto en Finlande (dite OL3) a été signée en 2003 pour une ouverture en 2009. À ce jour et en raison d’une succession incroyable de malfaçons, le réacteur n’est toujours pas achevé, sa mise en service est reportée d’année en année et le coût de sa construction, initialement prévu à 3 milliards d’euros, a explosé pour dépasser les 9 milliards. Aujourd’hui en conflit, l’exploitant finlandais TVO et Areva se réclament mutuellement plusieurs milliards d’euros, l’un pour la perte d’exploitation, l’autre pour les pertes subies du fait de la mauvaise foi supposée de son client.

Quand on voit les malfaçons constatées par l’ASN sur la cuve du réacteur de Flamanville et la mauvaise volonté mise par Areva et EDF à les reconnaître, la mauvaise foi de TVO reste à démontrer... À noter que le duo français est encore plus étroitement lié puisque l’État veut faire prendre le contrôle d’Areva NP par EDF.

À Flamanville où, comme à Olkiluoto, les coûts explosent (passant de de 3,3 milliards à environ 11 milliards aujourd’hui) et le chantier accuse un retard de plusieurs années : la mise en service prévue en 2010 est reportée à 2018. Mais gageons qu’on n’en restera pas là. Outre la cuve défectueuse qu’Areva et EDF refusent pour le moment de remplacer, là aussi d’autres malfaçons s’accumulent. Et si, officiellement, tout va bien sur le chantier de Taishan en Chine, selon Reporterre [2] les défauts remarqués sur la cuve de Flamanville pourraient bien se re­trouver sur les deux réacteurs chinois, et ouvrir la porte à de nouveaux contentieux.

Reste Hinkley Point en Angleterre. Décidé en 2012, l’EPR n’est pas officiellement lancé encore, même si des travaux de terrassement ont commencé. Pour donner son feu vert, l’État anglais attend de voir ce qui se passe à Flamanville, un nouveau report pouvant porter un coup fatal au projet, actuellement chiffré à plus de 20 milliards (contre 13 en 2012). Pourtant les Chinois, co-financeurs du projet, font pression sur le gouvernement britannique pour qu’il démarre. Mais si EDF reste sur un bricolage de la cuve, ce dernier pourrait abandonner purement et simplement le projet. En attendant et alors que le premier béton nucléaire n’a pas encore été coulé, EDF annonce déjà un surcoût de 1,5 milliard dû au retard pris par le chantier. Le risque financier devient tel que même l’habituellement très conciliante intersyndicale d’EDF (CGT, CFE-CGC et FO) dénonçait un « scandale de gouvernance » après la démission « par désespoir » du directeur financier qui refusait d’assumer le risque, survenue en février 2016.

Il y a fort à parier que tout cela ne découragera pas nos gouvernants, tant depuis des décennies, le nucléaire a été vendu comme la nouvelle pierre philosophale à laquelle les gouvernements successifs ont cru. Difficile donc de revenir en arrière, et en l’absence de mobilisation massive contre ces projets, on voit mal comment ils pourraient ne pas voir le jour.

En visite à l’Île Longue début juillet, Macron déguisé en matelot a profité d’une petite plongée sur le sous-marin Le Terrible, pour réaffirmer auprès de l’équipage la « nécessaire permanence de la dissuasion française » qui garantit « les intérêts vitaux de la France » [3]. Pourtant, si le gouvernement voulait faire des économies, le budget de l’armement nucléaire serait une voie à explorer, avec ses 4 milliards d’euros de maintenance en 2017 et le renouvellement à venir de la flotte de sous-marins lanceurs d’engins à 3 milliards pièce [4] ; c’est à peu près le montant que le gouvernement cherche pour boucler son budget. Et pour autant, la « dissuasion » française fait doucement rigoler les Américains et les Russes, qui disposent à eux deux d’environ 13000 bombes nucléaires, contre 300 ici. Mais quand on veut « construire la paix » comme Macron, tout les moyens sont bons, quitte à aller contre les principes de non-prolifération et à ne plus regarder à la dépense.

Max (AL Saint-Denis)


Forum social mondial antinucléaire

L’événement pourrait être l’occasion de relancer le combat antinucléaire en France, puisque le troisième Forum social mondial antinucléaire va se tenir à Paris du 2 au 4 novembre. Cette branche de réflexion du FSM a connu ses premiers pas en autonome à Tokyo, puis à Montréal (2016). Parmi les débats prévus : les apories actuelles de la filière nucléaire, la contradiction en­tre nucléaire et transition écologique, le lien entre nucléaire civil et militaire.

[1European Pressurized Reactor, puis Evolutionary Power Reactor, conçu et développé par par Areva NP mais qui exploite le brevet Pressurized Water Reactor (PWR) de Westhinghouse.

[2Reporterre.net, « Les EPR chinois confrontés aux défauts francais ».

[3« Macron en chef des Armées à bord du sous-marin nucléaire Le Terrible », Ouest-france.fr, 4 juillet 2017.

[4Dernier-né lancé en 2008, Le Terrible avait lui-même coûté environ 2,4 milliards d’euros.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut