Pétrole vert : la catastrophe planétaire




Le réchauffement climatique global a bon dos. D’un côté il sert de prétexte à la relance du nucléaire – un leurre. De l’autre il justifie la culture de plantes pour agrocarburants, avec des effets sociaux et écologiques dévastateurs.

À l’origine, c’est pour trouver des débouchés à la surproduction agricole européenne qu’ont été développés, dès 1992, les agrocarburants. Il s’agissait aussi pour les pays occidentaux de ne plus dépendre de lointains pays instables pour leur énergie (comme les États-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient). Et lorsque les agrocarburants ont été associés à la lutte contre le réchauffement climatique, il n’y avait pas encore d’étude sur le bilan écologique de ces produits : le lien entre les deux a été créé de toutes pièces.

Tapis rouge pour les OGM

Les études actuelles ne sont pas catégoriques sur le bénéfice des agrocarburants pour lutter contre le réchauffement global. En prenant en compte la déforestation, le drainage des zones humides, l’utilisation d’engrais, etc. le bilan semble même être globalement négatif… [1]

Le développement des organismes génétiquement modifiés en agriculture est notamment enrayé par le fait que la population refuse de les manger. À raison, a priori, puisque des études récentes montrent que ces produits auraient des répercussions sur la santé des animaux de laboratoire nourris avec des végétaux génétiquement modifiés [2].

Cependant, avec les agrocarburants, il est beaucoup plus difficile de s’opposer à ce « progrès de la science » : ne les mangeant pas, nous n’avons pas de raison de les refuser à moins d’être réactionnaires et effrayés par le progrès scientifique !

Penser ainsi serait ignorer les plausibles conséquences destructrices des OGM pour l’équilibre de la planète. Notamment les risques de contamination irréversibles des autres végétaux, cultivés et sauvages [3].

La culture des agrocarburants est une manne supplémentaire pour les producteurs de pesticides, qui sont souvent les mêmes que les producteurs d’OGM. Elle nécessite des hectares de monoculture supplémentaires et donc une amplification des phénomènes déjà connus dans les cultures alimentaires : érosion et mort des sols, contamination des eaux par les engrais et les pesticides, destruction de la biodiversité (disparition d’espèces végétales et animales sauvages), dégradation de la santé humaine, etc.

Dans les pays du Sud, c’est le même refrain – en pire – avec en prime la destruction d’écosystèmes précieux (forêts tropicales par exemple) et l’asservissement toujours plus fort vis-à-vis des importateurs du Nord…

On ne peut limiter l’étude de l’impact écologique d’une production au seul « bilan carbone », et ce même si la lutte contre le réchauffement climatique global est à la mode aujourd’hui. Il est nécessaire d’étudier tous les impacts (chimique, physique, etc.) des agrocarburants sur les milieux naturels, et ce à tous les stades de vie du produit : de la semence à la combustion dans le moteur.

Ces études globales sont encore rares aujourd’hui. Mais il a été montré, par exemple, que les émissions d’ozone liées à l’utilisation d’agrocarburants pourraient être supérieures à celle des carburants pétroles [4].

Les autres pollutions

Aujourd’hui, grâce au capitalisme, tous les êtres humains de la Terre ont au moins un point commun : pour se nourrir ils dépendent de cette chose abstraite et impalpable que sont les cours de la Bourse… Le prix de la baguette dépend du cours du blé, le prix de la tortilla du cours du maïs, le prix du manioc idem, etc. Or plus nous brûlerons d’agrocarburants, plus les prix des produits alimentaires flamberont aux quatre coins de la planète. L’augmentation des prix a déjà commencé.

En janvier 2007, des dizaines de milliers de Mexicaines et de Mexicains sont descendus dans la rue pour protester contre la hausse du prix de la tortilla, aliment de base du pays (+ 30 % en trois ans). Cette augmentation est due à la dépendance du Mexique vis-à-vis du maïs américain subventionné, qui est de plus en plus utilisé pour la production d’éthanol. Dans la plupart des pays du Sud, les cultures vouées à l’exportation couvrent les sols. Et cela uniquement pour nourrir des voitures.…

Noémie (AL Poitiers)

  • Pour en savoir plus : Fabrice Nicolino, La faim, la bagnole, le blé et nous. Une dénonciation des biocarburants, Fayard, 2007.

LES AGROCARBURANTS, C’EST :

 Bioéthanol : Alcool (éthanol) produit par fermentation de végétaux.
 Biodiesel ou diester : Ester issu de la réaction entre huile végétale et alcool.
 Huiles végétales : Obtenues par pression à froid d’oléagineux.


LA FRANCE ET L’UNION EUROPÉENNE FIXENT LES OBJECTIFS

La France et l’Union européenne font clairement la promotion des agrocarburants. La réforme de la politique agricole commune (PAC) en 1992 a introduit la possibilité de subventionner des terres en jachère pour résoudre la surproduction. La condition pour l’agriculteur était de cultiver sur ces jachères des végétaux non destinés à l’alimentation. Les agrocarburants étant non alimentaires, leur culture permet un revenu double.

Alors que des résolutions chiffrées de diminution de l’utilisation de pesticides n’ont toujours pas été atteintes, la France et l’UE n’ont pas hésité à fixer des objectifs de substitution du pétrole par les agrocarburants. Au niveau européen, le but est de porter à 10 % la part des agrocarburants dans la consommation globale de carburants d’ici à 2020. Le gouvernement français s’est fixé l’objectif encore plus ambitieux de 7 % en 2010 et de 10 % en 2015. Pour justifier ses résolutions, la France n’hésite pas à faire monter en première ligne l’Agence pour le développement et la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui constitue une sorte de « groupe écologiste officiel », infiltré de toutes parts par les intérêts privés.


DES ALLIANCES INÉDITES

En France l’éthanol est produit à partir de betterave, de blé et de maïs par trois sociétés principalement : les sucriers Tereos et Cristal Union, et le groupe Champagne Céréales (premier groupe européen de collecte de céréales). Cristal Union et Champagne Céréales se sont alliés pour créer une distillerie : l’usine Cristanol, à Bazancourt (Marne), qui concentre la production et la transformation en carburant.

Dans le monde, d’étonnants partenariats naissent ainsi entre groupes pétroliers, céréaliers, automobiles et de recherche génétique. Par exemple, Monsanto (OGM et pesticides), Chevron (pétrole) et Volkswagen (automobile) se sont récemment alliés. Un tel contrôle exercé sur ces domaines par des multinationales capitalistes ainsi que le lien étroit qui se crée entre alimentation et source d’énergie sont particulièrement effrayants.


L’ALTERNATIVE AUX CARBURANTS : REPENSER LES TRANSPORTS

L’alternative aux carburants réside principalement dans une baisse de la consommation, qui passe en premier lieu dans une réduction des transports inutiles.

Cela implique une transformation du système mondial de production, de transformation et de distribution des biens. Une transformation qui doit aboutir à :
 une relocalisation des productions (dont, par ailleurs, les ouvriers, agriculteurs et consommateurs seraient les premiers gagnants) ;
 l’utilisation prioritaire des matières premières locales (pour la construction, les produits industriels, etc.) ;
 la fin du diktat commercial des pays du Nord qui entrave actuellement le développement économique des pays du Sud.
Cette remise en cause de la mondialisation capitaliste, dont le mouvement altermondialiste est le principal protagoniste, peut s’accompagner de transformations à l’échelle de la société :
 réduire les distances entre l’habitat et le lieu de travail, ce qui implique de repenser l’aménagement du territoire et des villes ;
 favoriser les modes de transport alternatifs : fret, covoiturage, transports en commun, vélo, etc.

[1Éric Holtz-Giménez, Le Monde diplomatique, juin 2007.

[2Études du Pr Gilles-Éric Séralini, sur www.criigen.org

[3Il n’y a pas de consensus sur ce point au niveau scientifique mais dans les pays où les OGM sont très cultivés (Canada, Argentine) on observe une contamination génétique de l’ensemble des plantes.

[4Selon une étude de Mark Jacobson (université de Stanford) publiée dans Environmental Science & Technology et reprise dans le Figaro par Yves Miserey, avril 2007.

 
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