Peugeot-PSA : ils poussent leurs cadences, nous comptons nos morts




En l’espace de trois jours, l’usine de Trith-Saint-Léger a vécu deux drames. Le premier avec les déclarations alarmantes de Carlos Tavares ; le second avec l’effroyable accident d’un ouvrier intérimaire. Un troisième drame est, sans doute, la faiblesse des réactions face à ces scandales.

Mardi 28 août, Carlos Tavares, le patron de PSA (rémunéré pas moins de 5,24 millions d’euros en 2015) s’est déplacé sur le site de Trith-Saint-Léger (Nord) pour réclamer une augmentation des cadences, afin de pousser la production journalière de 1 800 boîtes de vitesse à... 3 000 ! Rien que ça ! Le gros souci, comme l’a dit le lendemain Jean-Pierre Mercier (délégué syndical central CGT chez PSA), c’est que le site de Trith est d’une vétusté alarmante et en sous-effectif. En l’état, il est délirant de réclamer une telle augmentation de production.
On aurait pu en rester là, et se dire que c’est finalement l’attitude normale d’un patron vis-à-vis du monde ouvrier, à savoir le presser au possible comme un citron pour en tirer le maximum de bénéfice.

Un drame n’allait pas tarder à rappeler tout le monde à la réalité.
Le surlendemain de la venue de Tavares en effet, une caisse de pièces d’une tonne et demi chutait sur un intérimaire de 21 ans. La caisse était transportée sur un charriot inadapté, utilisé pour remplacer le bon, en panne. Rémy a été littéralement broyé. C’est un « miracle » qu’il ne soit pas mort.

Le quotidien La Voix du Nord du 31 août a fait état de « multiples fractures réparties sur la colonne vertébrale, les lombaires, les cervicales, le bassin, ainsi qu’une cheville », il fallait y ajouter « une fracture ouverte de 10 centimètres sur sa tête. Un peu de sang s’était répandu dans son crâne. On ne sait pas si sa moelle osseuse a été atteinte. Un tendon de sa main droite a aussi été sectionné. Sa main gauche est abîmée. Il a fait un pneumothorax. Son diaphragme était enfoncé. Et ses intestins ont bougé ». Rémy en a pour au moins cinq mois d’hospitalisation. On imagine que cela n’a pas dû empêcher Carlos Tavares de dormir.

Chaque année, 500 à 600 morts par accident du travail

En trois jours, c’est tout un concentré de violence du patronat qui s’est exprimée à Trith. Cela ne nous surprend même pas, car les accidents graves se multiplient partout en France, et il n’y a pas une semaine sans qu’un ouvrier, une ouvrière, meurt sur son lieu de travail, écrasé par un engin, ou broyée par une machine. Chaque année, en France, les accidents du travail font entre 500 et 600 morts selon l’Institut de veille sanitaire.

Là où le bât blesse, c’est la très laborieuse solidarité. Il aura fallu attendre une semaine pour un communiqué CGT et l’organisation d’une cagnotte. Cela pourrait peut-être s’expliquer par une moindre attention portée aux intérimaires et précaires présents en masse dans l’usine, ou à leur inorganisation. Mais de là à attendre une semaine pour un communiqué, un peu de relais d’information – il n’y a eu ni débrayage spontané, ni appel à ne serait-ce qu’une heure de grève de protestation –, c’est que le mal est plus profond. Aujourd’hui, on semble en être là : avoir 20 ans et être broyé sur une chaîne de montage dans une indifférence quasi-totale.

Alexis (AL Valenciennes)

 
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