Pour une alternative révolutionnaire




Les questions que se pose toute et tout révolutionnaire à l’issue d’un mouvement social de cette ampleur : quelles nouvelles perspectives de transformation de la société sont à présent envisageables ?


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La révolution n’est pas une lubie romantique. Il ne s’agit pas de se rêver en Che Guevara ou en Louise Michel menant une guérilla urbaine sur des barricades dans un Paris en flammes. La révolution n’est pas non plus un dîner de gala comme disait Mao, et là-dessus – une fois n’est pas coutume  ! – on est d’accord.

C’est parce que le capitalisme est à l’agonie, enchaînant crises économiques et écologiques, que nous devons agir. Et c’est parce qu’il va chercher à prolonger son agonie par des lois scélérates, visant à extirper du prolétariat ses derniers profits, que l’action révolutionnaire devient urgente.

S’il y a un enseignement de ce mouvement social, c’est la violence, inédite ces dernières décennies, avec la­quelle l’État a servi les intérêts du Capital. C’est un même ennemi que nous avons à abattre  : on ne combat pas l’État par romantisme d’éternel adolescent – encore qu’on préfère ça au conservatisme des éternels patriarches – mais parce que la fonction principale de la violence d’État est de maintenir la hiérarchie des classes sociales. Qui peut croire que licencier plus, augmenter le temps de travail, diminuer les salaires, est dans l’intérêt des travailleurs et des travailleuses  ? Personne. Mais une fois dit que nous ne voulons pas de cette société-là, une question s’impose  : comment agir en révolutionnaire ?

Le système capitaliste n’est pas réformable

Il n’y a pas de projet clé en main ni de plan d’action prédéfini pour bouleverser les rapports sociaux et aboutir à une société communiste libertaire. Mais si on ne connaît pas le ou les chemins – et il en existe probable­ment plusieurs – on peut être sûr, en revanche, que certaines issues sont des impasses. Il en est ainsi des pseudo solutions électorales et républicaines. Il faut envisager la transformation sociale à partir des luttes, de la rue et des préoccupations des classes populaires. Le système capitaliste n’est pas réformable  : c’est ce dont nous devons con­vaincre celles et ceux qui sont le plus victimes de son exploitation, et auxquels on laisse miroiter de fausses solutions.

Prendre conscience de notre force collective

C’est en multipliant les expériences de luttes collectives que nous construirons un monde nouveau. Il s’agit de populariser les idées révolutionnaires avec le projet de société communiste libertaire comme horizon. On doit continuer de miner le jeu politique institutionnel, de mettre en déroute le parti prétendument socialiste, de montrer que les élections sont une mascarade visant à nous faire croire que ­notre avis est important alors que seule compte la loi du profit. En parallèle, il nous faut développer dans les luttes, les assemblées, etc., des pratiques de démocratie directe pour élaborer collectivement un projet politique et faire bouger les lignes.

Les espaces de réflexion et d’action créés par la lutte – assemblées de boîtes, de secteurs d’activité, de ville ou de quartier  ; piquets de grève  ; occupations  ; manifestations – sont autant d’endroits où réfléchir à une autre société, aux moyens et aux forces nécessaires pour la mettre en place  : socialisation des moyens de production, résolution des problèmes écologiques, sociaux…

Une action sur trois niveaux

En tant qu’organisation révolutionnaire, AL propose une politique sur trois niveaux :

1. La construction d’une organisation communiste libertaire visible, audible et identifiable, dont les réflexions et les propositions puissent faire référence, être mises en débat. Un courant inséré dans les mouvements sociaux, en phase avec ses fractions les plus audacieuses. Aujourd’hui, cet outil, encore modeste, c’est AL.

2. Le développement d’un mouvement social indépendant et combatif. Cela signifie contribuer à la montée d’un syndicalisme révolutionnaire, notamment au sein de Solidaires et de la CGT, participer au mouvement féministe, antiraciste, écologiste, et participer aux divers collectifs qui se montent pendant les mouvements.

3. La convergence, chaque fois que faire se peut, avec les autres courants révolutionnaires, dans une logique de front anticapi­taliste. Il s’agit de conjuguer nos forces pour faire entendre notre voix sur les sujets où il n’y a pas de divergence.

Fédérérer, radicaliser, autogérer

Dans les mouvements sociaux et dans le syndicalisme, il s’agit certes de rassembler les travailleuses et les travailleurs parce que l’union fait la force, mais pas seulement. Défendre les acquis sociaux contre leur destruction néolibérale, c’est bien. Pousser à dépasser la simple défense de l’existant pour poser les questions économiques, sociales, sociétales qui dérangent l’ordre établi, c’est encore mieux.

Idem dans le mouvement féministe, antiraciste et écologiste. Ces luttes ont une valeur en elles-mêmes, mais il est vital de les lier à un projet de bouleversement plus général des rapports sociaux. On ne peut pas se contenter d’un féminisme et d’un antiracisme qui souhaiterait simplement voir plus de femmes et de minorités racisées au Medef, ou d’une ­écologie qui militerait pour la taxation du diesel  !

Fédérer les contre-­pouvoirs, quand ce n’est pas à chaud dans la lutte, cela peut se faire au sein de lieux autogérés permettant l’entraide sociale. On peut citer le Barricade à Montpellier, la Maison du peuple à Rennes, l’Etincelle à Angers, le Lieu autogéré de Liévin, le CCAN de Nancy… Autant de lieux solidaires des luttes sociales, des migrant-es, des sans-papiers, de la Palestine, du Kurdistan, du Chiapas, etc. Ils peuvent favoriser une culture alternative (bibliothèque, con­certs, etc.) voire une véritable éducation populaire à travers
des réunions et des formations publiques.

Faire converger les anticapitalistes

Heureusement, AL n’est pas la seule organisation révolutionnaire, et la construction de cadres unitaires de résistance et de ­soutien aux luttes sur des bases anticapitalistes correspond à
une nécessité. Selon les villes,
la convergence avec d’autres organisations est envisageable. Lorsque nous parlons de convergence des anticapitalistes, nous nous adressons à diverses organisations – la CGA, la CNT, la CNT-SO, la FA, le NPA, VP, groupes locaux... Nous nous adressons aussi, bien entendu, à de nombreuses personnes qui sont de sensibilité anticapitaliste, libertaire ou autonome et qui peuvent se retrouver dans cette démarche.

L’enjeu pour nous est de mettre les divergences idéologiques de côté (par exemple la participation aux élections) quand il est possible et de s’unir sur des objectifs majeurs.

Ainsi, si AL boycotte les institutions républicaines et ne participe pas aux campagnes électorales, elle peut se retrouver aux côtés d’organisations qui, elles, y participent, quand il s’agit de s’impliquer directement dans des luttes, des grèves, des blocages
en période de lutte chaude  ; de
l’entraide sociale, des contre-pouvoirs locaux en période de moindre conflictualité.

Cette proposition vise à rompre avec les sectarismes de l’extrême gauche en poussant au débat et à l’unité d’action.

C’est en multipliant, analysant et fédérant ces expériences que nous esquisserons une société nouvelle. Le grand soir n’est peut-être pas pour demain, mais on n’a pas sommeil, et on ne veut pas se coucher  ! La lutte des ­classes a pris un sacré coup de jeune à travers ce mouvement inventif, en dépit des manipulations médiatiques, des intimidations des flics, et des patrons. Alors hop hop hop, que crève le vieux monde, la lucha sigue !

Elsa (AL Toulouse), Cédric (AL Albi),
Matthijs (AL Montpellier)

 
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