Psychiatrie : On se serre la ceinture, ou on grimpe sur la toiture




En Seine-Maritime, les salarié.es de la santé ont compris qu’on ne gagnerait rien sans des actions hors norme, voire dangereuses. Toujours dans l’unité, et de façon parfaitement auto-organisée.

Tout le secteur hospitalier subit la casse néolibérale, mais s’il est une discipline qui souffre particulièrement, du fait de son champ d’activité spécifique et de l’originalité de son organisation, c’est bien la psychiatrie. Les conditions s’y dégradent terriblement. Faute de place, il n’est pas rare qu’on mette des matelas par terre, ou qu’on hospitalise des mineur.es dans des services adultes…

Le 22 mars, la colère éclate au centre hospitalier du Rouvray (76), troisième structure psychiatrique de France : on réclame 52 postes supplémentaires et l’ouverture d’un accueil pour l’adolescence. Mais au bout de deux mois de grève, la direction n’a pas cédé d’un pouce. L’exaspération gagne : huit salarié.es entament une grève de la faim et campent dans le hall. Du bluff ? Nullement. Au bout de dix-huit jours, quatre sont hospitalisé.es, d’autres prennent le relais. Les médias relaient, le soutien grandit, notamment parmi les cheminot.es et les dockers en lutte.

Sur les nerfs, la préfète impose à la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) de s’asseoir à la table des négociations. Résultat : l’ARS cède 30 postes et la création de 2 nouvelles unités, dont une pour l’adolescence. Dans le contexte actuel, c’est une victoire historique.

Victoire contagieuse

Dans une parfaite unité démocratique, la lutte a été animée à la fois sur l’intersyndicale CGT-SUD-CFDT-CFTC, par un comité de grève comptant des syndiqué.es et des non-­syndiqué.es, et par un collectif de salarié.es nommé Les Blouses noires. Les décisions, elles, ont toujours été débattues et tranchées par l’assemblée générale, qui a contrôlé les délégué.es à chaque étape des négociations.

Est-ce la tâche d’huile ? Toujours est-il que le 16 juin, c’est le centre psychiatrique Pierre-Janet, au Havre, qui part à son tour en grève illimitée, avec une intersyndicale CGT-SUD-CFDT. Revendications : 50 postes de soignant.es supplémentaires et l’ouverture d’une nouvelle unité. Interpelé.es, les élu.es de la Région font de vagues promesses – rendre visite aux grévistes, « demander fermement » à l’ARS de débloquer des moyens...

Et, de nouveau, l’action sort de l’ordinaire. Au bout de dix jours, 7 salarié.es campent sur le toit des urgences psychiatriques jour et nuit, sous la canicule, avec le soutien des collègues. Les réseaux sociaux et la presse locale font écho aux « perché.es de Janet ». Le député Ruffin se déplace. Tout ceci oblige les pouvoirs publics à négocier et, le 10 juillet, après vingt-six jours de grève et seize jours sur le toit, la direction concède un accord à l’intersyndicale, validé le jour même par l’assemblée générale des personnels. La forte mobilisation, l’unité syndicale, la jeunesse du mouvement et son inventivité ont permis d’arracher la création de 34,3 postes équivalents temps plein.

Ces luttes feront date tant par leur durée et par leurs modes d’actions que par leurs conclusions victorieuses. Ne le cachons pas : on a eu peur pour les collègues qui ont mis leur santé en danger, d’autant qu’on sentait que le camp d’en face n’était pas prêt à lâcher. Mais à présent, chacune et chacun sait que d’autres victoires sont possibles si on y met le prix. Dans la santé, seul un mouvement général de tout le secteur pourra stopper la mise à mort du service public. En cette année d’élections professionnelles dans la fonction publique hospitalière, les syndicats doivent fédérer les luttes dans le secteur… mais rien ne se fera sans l’auto-organisation des travailleuses et travailleurs !

Éric (AL Rouen, liaison Eure)

 
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