SNCF : Les manœuvres de la direction consacrées par les urnes




Après une intense opération de communication dirigée contre les syndicats de lutte de la SNCF qui ont refusé l’accord d’intéressement en 2005 et lancé une grève en octobre contre la remise en cause du service public ferroviaire, la direction de la SNCF avec l’aide des syndicats jaunes peut se réjouir de voir baisser les organisations qui refusent avec intransigeance la libéralisation du rail. Explications.

Les résultats des élections des délégué(e)s du personnel et des représentants aux comités d’établissements du 23 mars font apparaître, par rapport à mars 2004, un recul de la CGT (-3,82% à 40,14%) et de SUD-Rail (-0,55% à 14,97%) au profit de CFDT (+2,57 à 11,58%) et CFTC (+1,88 à 8,14%), sans que cela ne bouleverse le paysage syndical (la CGT est toujours largement première organisation syndicale, suivie de SUD-Rail et de l’UNSA). À noter, la baisse de la FGAAC, le syndicat catégoriel des conducteurs qui perd 0,46% et passe à 3,04% tous collèges (ce qui représente une grosse chute pour cette première organisation syndicale qui n’est présente que chez les agent(e)s de conduite).

Un contexte particulier

Cette évolution n’est en rien une surprise. La dénonciation d’un accord instaurant un système d’intéressement aux résultats de l’entreprise, si elle est comprise par la majorité des cheminot(e)s, a cependant été mal vécue dans le contexte de quasi blocage des salaires de ces dernières années et a été largement exploitée tant par la direction que par la CFDT et la CFTC, qui ont sombré dans la démagogie. SUD-Rail, moins important et plus homogène, résiste logiquement mieux que la CGT (la CGT baisse dans les trois collèges, SUD-Rail progresse légèrement dans le collège exécution). L’évolution négative de la CGT confirme aussi qu’il n’y a pas eu, suite à 2003, de ralliement si massif que ça d’ex-CFDT. La baisse, pour la première fois depuis sa création, de SUD-Rail doit interpeller les militant(e)s de cette fédération syndicale et créer les conditions d’une relance de la dynamique collective autour du projet social de SUD-Rail, sans doute trop mis entre parenthèses ces derniers temps.

La hausse de la CFDT est à nuancer par le fait que celle-ci avait perdu ce qui restait de ses équipes combatives à la veille des élections de 2004 (-11% à l’époque), et a profité de ces deux années pour se réorganiser, avec l’appui financier et logistique de la confédération.

Plus inquiétant pour l’avenir est la confirmation d’un pôle « jaune » autour de la CFTC, de la CFDT, (voire de l’UNSA) qui n’hésitent plus aujourd’hui à appeler à ne pas suivre les mobilisations, comme on l’a vu lors de la grève de novembre 2005. Plus généralement, le développement des maîtrises et cadres par rapport au collège exécution et leur renouvellement non par des cheminot(e)s issus de la promotion interne mais par des recrutements extérieurs, ainsi que la transformation des agents de maîtrise de « techniciens » en « managers », augmentent la perméabilité de ces collèges aux thèses patronales et expliquent en partie la baisse de la CGT au profit de l’UNSA (+0,87, 14,48%) à l’inverse des scrutins précédents.

Contre le CPE, tout reste à faire

Un point particulièrement encourageant : là où il y a des luttes, ce sont les syndicats qui les organisent et les soutiennent qui progressent. Il en est ainsi, mais ce n’est pas le seul cas, de la médiatique grève de la ligne D du RER de décembre dernier, où les grévistes furent publiquement dénigrés par la direction : tant chez les agents de conduite que dans les gares de ce secteur, SUD-Rail réalise des scores en hausse et est majoritaire.

La voie ouverte par CFDT et CFTC en novembre dernier est largement exploitée par la direction SNCF. Contre le CPE, ces deux organisations sont partie prenantes du mouvement unitaire... ça n’empêche pas les patrons de la SNCF de lancer la hiérarchie dans une nouvelle bataille antigrévistes, en demandant de divulguer des fausses informations sur la réalité de ce mouvement, de faire pression sur le personnel.

L’engagement des cheminot(e)s dans cette lutte demeure difficile. Les fédérations syndicales relaient les mots d’ordre interprofessionnels, mais la plupart le font sans engouement... et cela se ressent sur le terrain. Peu d’équipes syndicales, même SUD-Rail ou CGT, ont organisé un travail commun à la base avec les syndicats d’étudiant(e)s, de lycéen(ne)s. Le lien avec les secteurs privés du rail (restauration, nettoyage, CE/CCE, sécurité, filiales SNCF, etc.) est peu fait.

L’un des enseignements majeurs de ces élections professionnelles est tout de même que les deux tiers des cheminot(e)s votent pour les syndicats qui ont appelé à la grève reconductible en novembre 2005. Cela demeure un point d’appui pour les syndicalistes révolutionnaires. Mais il faudra dépasser certaines limites qui freinent le développement de ce type de syndicalisme : localisme, sectarisme, corporatisme touchent toutes les organisations à des degrés divers. Il faut faire bouger cela...

AL Rail

 
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