Sea France : La Scop ne prend pas le large !




SeaFrance est une filiale de la SNCF. À l’occasion de sa liquidation judiciaire s’est posée la question de sa reprise par ses propres salarié-e-s. Mais de nombreux obstacles restent présents.

La main sur le cœur, Sarkozy annonçait qu’il ne laisserait pas tomber (comme les sidérurgistes de Gandrange trois plus ans plus tôt, qui furent en fait tous licenciés !) les salarié-e-s de SeaFrance. Le couperet est tombé le 9 janvier : le tribunal de commerce a prononcé la cessation d’activité et la liquidation judiciaire de SeaFrance.

[*L’hypocrisie gouvernementale*]

Il y avait un projet pour assurer la continuité de cette entreprise et du millier d’emplois sur le bassin calaisien : celui défendu par les animateurs du syndicat CFDT Maritime local, la création d’une Société coopérative et participative (Scop). Certes, celle-ci n’était pas financée, mais il était possible de trouver l’argent ; l’État trouve des milliards lorsqu’il s’agit d’aider les banques, mais 50 millions pour maintenir les emplois de SeaFrance ce n’était pas possible !

Hypocritement, le gouvernement a chargé la SNCF (employeur réel) de proposer une solution. Les 50 millions ont été annoncés, à travers les indemnités de licenciements. Mais le montant ainsi défini supposait que tous et toutes remettent l’argent dans la Scop, alors que tout le monde savait que ce ne serait pas le cas. D’autre part, ceci revient à demander aux victimes du licenciement de renoncer aux indemnités légales qui leur sont dues ! Enfin, le montage retenu obligeait à déclarer la faillite, donc la Scop à repartir à zéro en termes de contrats commerciaux et sans les bateaux.

La SNCF a aussi communiqué sur les 500 emplois qu’elle proposait aux salariés de SeaFrance… en oubliant de préciser qu’il n’y en avait pas un seul sur Calais, et pas plus de 17 emplois sur l’ensemble de la région Nord-Pas-de-Calais. Une vaste fumisterie donc !

Une des questions-clefs pour permettre à la Scop d’exister était le sort des bateaux. Il fallait bien évidemment que celle-ci dispose de ces outils de travail ; les défenseurs de la Scop ont été confrontés à un blocage sur ce point. Dans le même temps, l’armateur Louis Dreyfus proposait de les racheter pour cinq millions alors qu’ils sont évalués à 160 millions ! Pourtant, ces bateaux ont pu être acquis par SeaFrance grâce au travail des salariés. Propriété d’une entreprise publique (la SNCF), en revenant à la Scop, ils seraient restés dans le domaine public puisque les réserves d’une telle société sont impartageables et ne peuvent donc être propriété privée.

[*Au-delà du projet de SCOP*]

Le projet de Scop a rappelé des moments importants du mouvement syndical, les débats sur l’autogestion dans les années 1970, etc. Mais SeaFrance n’est pas Lip ! La situation syndicale pèse sur la réalité du projet. Le syndicat CFDT local n’a jamais fait partie de « la gauche CFDT ». La solution Scop a été pensée comme une réponse économique, sans affirmer un quelconque projet autogestionnaire pour la suite. Le syndicat CGT SeaFrance se complait depuis longtemps dans la dénonciation de la CFDT. Lorsque celle-ci organisait la grève contre les premiers plans sociaux, la CGT affirmait qu’il valait mieux accepter 300 licenciements que prendre le risque pour 800 ; au projet de Scop, elle préférait des discussions avec Louis Dreyfus… comme la confédération CFDT d’ailleurs ! Pas étonnant que dans un tel marasme, accentué par les prises de position publiques des uns et des autres, ait émergé un « collectif de non-syndiqués » au positionnement faussement neutre.

Le fait qu’une entreprise soit organisée sous forme de Scop n’entraîne pas automatiquement des modifications fondamentales pour les travailleurs. Une Scop c’est quoi ? Les salarié-e-s sont associés majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Il y en a environ 2 000 en France qui comptent 40 000 salariés ; l’existence d’un patron n’y est pas remise en cause, il est élu par les salariés associés.

La création d’une Scop n’est ni la révolution, ni automatiquement synonyme de changements dans les rapports de production. Mais elle peut y contribuer : le fait que ce ne soient plus les « actionnaires » improductifs qui décident est potentiellement source de pratiques nouvelles, ouvrant vers une remise en cause de la hiérarchie et des rapports de pouvoir, vers des expériences autogestionnaires.

La « reprise de l’outil de travail par nous-mêmes » a été posée à SeaFrance. Comme par les Fralib et évoquée par les grévistes de Total à Dunkerque… Ce ne sont pas en soi des ruptures révolutionnaires, mais ces processus révèlent une capacité du mouvement ouvrier à remettre au goût du jour des expériences qui vont bien au-delà de ce que proposent les organisations syndicales aujourd’hui, localement comme nationalement. Il y a sans doute là une voie à explorer…

Mouldi C. (Transcom)

 
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