Tibet : La politique de colonisation au cœur de la révolte




La révolte qui a lieu actuellement au Tibet témoigne de la réalité des conditions de vie de la population tibétaine, dont Pékin aimerait faire une minorité ethnique sur son propre territoire. Nous revenons ce mois-ci sur la politique chinoise de colonisation du Tibet.

En envahissant le Tibet en 1950, la nouvelle République populaire de Chine mit fin à 40 ans d’indépendance et fut soucieuse d’écarter l’idée que le Tibet pourrait être à nouveau un jour indépendant de la Chine.
Rapidement, Pékin favorisa l’immigration des chinois Han, l’ethnie majoritaire en Chine. Suivant en cela la tradition impériale, la Chine considère les peuples des minorités comme barbares et met en œuvre une politique qui comporte bien des traits du colonialisme classique. À cette époque, les déclarations du gouvernement chinois portaient constamment sur la « supériorité des Han », leur « mission civilisatrice », le « devoir moral » pour les non-Han d’accéder au même niveau. La tâche du Parti communiste et du gouvernement était donc « d’aider les peuples minoritaires à rattraper le peuple Han dans la grande marche vers le socialisme ».

Au Tibet, cette politique se traduit par un afflux de colons chinois. Elle a aussi pour conséquence l’envoi d’enfants tibétains dans la région de Pékin, en vue de les initier à la culture Han.

Le Parti aux commandes

L’objectif du gouvernement chinois dans les années 1960 et 1970 était d’envoyer au moins 10 millions de Chinois au Tibet, mais ceux-ci n’appréciaient guère de vivre à quelque 4000 mètres d’altitude et retournèrent à Pékin. La liaison ferroviaire Pékin-Lhassa, inaugurée le 1er Juillet 2006 favorisant l’immigration vers le Tibet, apparaît bien être un moyen d’accélérer cette politique. L’argument fréquemment utilisé par les Chinois selon lequel les cadres politiques et administratifs de la Région autonome du Tibet sont très majoritairement tibétains ne correspond pas à la réalité. En effet, le monopole du pouvoir y est détenu dans les faits par le Parti communiste, largement dominé par des Chinois d’origine Han.

La politique de sinisation du Tibet se traduit également par l’apprentissage obligatoire du chinois tandis que la langue tibétaine est proscrite. Les restrictions légales en matière de pratiques religieuses sont davantage appliquées au Tibet, et parfois avec plus de férocité, que dans les régions « chinoises » de Chine. Alors que les Tibétains trouvent difficilement du travail, de nombreux chinois viennent s’installer à Lhassa. Le prolétariat tibétain accède même de plus en plus difficilement aux emplois les moins qualifiés et les plus dégradants alors que, dans le même temps, les commerces et entreprises chinoise affluent. Le Tibet a le niveau de vie le plus bas de Chine.

Servir le marché

La population tibétaine est désormais écartée et discriminée sur son propre territoire. La culture et la société tibétaines ont fait les frais de l’occupation et de la révolution culturelle, et font aujourd’hui surtout les frais de la politique de développement économique, avec par exemple la destruction de l’habitat traditionnel à Lhassa. La culture tibétaine, à travers l’industrie du tourisme notamment, est censée devenir une marchandise adaptée aux besoins de l’économie « socialiste » de marché…

En occupant le Tibet, Pékin faisait main basse sur la position stratégique que représente le plateau himalayen (robinet de la plupart des grands fleuves asiatiques), ainsi que sur de nombreuses ressources naturelles comme l’uranium et le gaz, provocant déforestation massive, surexploitation des ressources minières, destruction de la faune, stockage de déchets radioactifs, essais nucléaires… Depuis 1987, plusieurs manifestations ont eu lieu au Tibet, durement réprimées, elles furent suivies d’un an de loi martiale (1989-90). La plupart des dirigeants occidentaux éprouvent une très grande sympathie pour le Dalaï-Lama et la cause du Tibet. Mais cette sympathie reste lettre morte dès qu’il s’agit de vendre des Airbus, d’importer des produits manufacturés dans les camps de travail et les prisons, ou d’obtenir de nouveaux marchés en Chine.

Nicolas (AL Paris-sud et 77)

 
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