Toulouse : La Foire au Bazar




Cette année encore, la Foire à l’autogestion toulousaine a réuni avec succès la sphère militante tout en s’ouvrant au milieu culturel et alternatif. Les débats ont été riches et variés, et les relations avec le Bazar au Bazacle sont au beau fixe  !

Pour la troisième année consécutive la Foire à l’autogestion s’est invitée dans le cadre
politico-événementiel du Bazar au Bazacle, début mai. Mais pas seulement, car la volonté commune est de garder une certaine indépendance réciproque entre les deux structures. Aussi la Foire à l’autogestion a commencé par une journée inaugurale le samedi précédent, le 26 avril.

Une foire dans et hors du bazacle

Cette journée a été marquée par un débat préliminaire ayant trait à l’histoire de l’autogestion puis deux autres ateliers ont suiviabordant le rôle des femmes dans l’histoire autogestionnaire : la Commune de Paris et une grève d’ouvrières en 1910 dans une usine à Graulhet (ville industrielle du Tarn). Deux camarades venus de Montpellier ont abordé l’histoire de l’autogestion à partir des moments de rupture révolutionnaire  : Commune de Paris, Révolution Russe de 1917 et l’Espagne de 1936. Leur conclusion s’est traduite par le fait que ces périodes révolutionnaires ont été très courtes et que la confrontation aux réalités a amené les couches populaires à prendre elles-mêmes leurs affaires en main. Ces expérimentations certes éphémères se sont passées lors des guerres civiles qui ont accru la déstabilisation économique. Être alors tenu de faire vite ne permet pas toujours de pousser l’expérimentation à son terme. Cependant, ces périodes de courte durée prouvent la possibilité d’un fonctionnement alternatif au capitalisme.

Autogestion et féminisme

Les deux autres ateliers ont attiré un public féminin qui ne s’était pas déplacé lors des sessions précédentes. L’atelier sur la Commune de Paris a permis un débat ouvert et riche sur l’implication des femmes lors de cette période révolutionnaire mais cela a permis avant tout de rebondir sur les mesures sociales adoptées et qui ponctuent encore le quotidien de la société française telles que la laïcité, dans la santé ou dans l’éducation, lieu de prédilection de l’influence des femmes dans la Commune. Le dernier atelier s’est plutôt orienté vers la présentation d’une grève méconnue mais populaire dans le Sud-Ouest de l’époque, montrant la capacité des ouvrières à entrer dans une dynamique d’autogestion de leur lutte.

Au bazar de la foire

La Foire a été invitée par le Bazar au Bazacle, du 2 au 4 mai, sur un espace géré par le comité d’entreprise d’EDF. Le Bazar au Bazacle a été créé, il y a une dizaine d’années, par une bande d’activistes issue des milieux associatifs, syndicaux et des intermittents du spectacle et précaires. «  Le Bazar au Bazacle s’affirme depuis quelques années comme un espace de confrontation, de débats, d’expérimentations culturelles, sociales et politiques. C’est une proposition originale à l’adresse de tous les mouvements de résistance, face aux urgences sociales et économiques et au-delà des différences sectorielles, syndicales et politiques  ». La convergence des luttes est le maître mot de ce rassemblement qui, cette année, s’est tenu sous l’angle des solidarités à construire en France, en Europe comme dans le reste du monde. Cet événement a associé du 30 avril au 4 mai, aussi bien des thèmes parlant de la vie, de la misère, de la politique, de l’autogestion au travers du théâtre, de la musique, de projections, d’expos, de conférences gesticulées, de librairies ainsi que des ateliers/débats. Mais n’oublions pas aussi les spectacles jeunesses, la buvette et le Jacquot (association de cuisine autogérée) avec son coin culinaire qui apporte la convivialité sur le site.

Mais revenons à la Foire. Inutile de vous dire que les militants de la Foire ont convergé vers le Bazar, nouant ainsi de part et d’autre de solides amitiés.

La convivialité a été du goût des participants de la Foire puisqu’ils et elles ont amené en cadeau d’union, une rencontre de foot autogérée le samedi matin.

En ce qui concerne les ateliers  : au programme de la foire, le vendredi, un atelier s’est tenu dans le cadre des solidarités internationales, une visioconférence avec deux femmes impliquées dans un centre de santé autogéré en Grèce. Le samedi, en dehors d’un débat sur le sport autogéré, fut marqué par l’implication autogestionnaire dans la mission de service public et la relation à l’État. Au menu  : l’éducation avec des représentants du lycée autogéré de Paris, un film sur le CNR, puis, suivant un atelier sur le Chiapas, la gestion syndicale du comité d’entreprise du site qui nous a accueillis, le Front commun du logement. Le dimanche, des représentants de la nouvelle Scop de fabrication de glace de Carcassonne (les ex-Pilpa) ont expliqué leur passage d’une autogestion de lutte à la reprise de leur usine en autogestion productive.

L’autogestion en marche ?

En ce qui concerne le logement, depuis déjà l’année précédente, la mise en place d’un Front commun du logement a permis la mise en réseau actif à l’année, de militants des squatts, du DAL et de la CGT-construction. C’est la première réalisation concrète de la Foire.
Pour les autres ateliers, la réflexion autogestionnaire sur une mission de service public est confrontée à l’isolement des structures et les subventions de l’État, qui montrent les limites de l’indépendance autogestionnaire dans un système économique et social basé sur le profit et l’intervention de l’État social. Pour le Chiapas, l’absence de l’État ou son seul visage répressif, oblige sur un vaste territoire les populations à s’auto-organiser. Mais pour nos économies occidentales, dans de nombreuses situations, l’élan autogestionnaire se trouve confronté au rôle de l’État social. Par exemple dans le cadre du CNR, de la santé – où nos correspondantes grecques déplorent la tâche quasi impossible pour les centres sociaux autogérés de donner l’accès aux soins à trois millions de Grecques sans couverture sociale –, les lycées de Paris et Saint-Nazaire qui dépendant des subventions, les ex-Pilpa qui ont imposé de racheter les bâtiments de leur usine aux pouvoirs publics locaux.

En filigrane est donc apparue la nécessité de poser politiquement la phase de transition qui ne peut se contenter d’une situation d’urgence, d’une économie de survie et d’un entre soi misérabiliste  : État ou pas État c’est la réponse qu’il nous faut poser dans la perspective du projet révolutionnaire autogestionnaire.

Jean-Marc Izrine (AL Toulouse)

 
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