Trente ans après la Marche contre le racisme : Combien de divisions encore ?




Les manifestations des 30 novembre et 7 décembre dernier sont des échecs en termes de mobilisation. Le mouvement antiraciste semble être dans une impasse. En cause  : un mouvement antiraciste hétérogène et la faiblesse actuelle d’une parole autonome et revendicative des victimes directes de ce racisme en France.

Les trente ans des marches contre le racisme et pour l’égalité constituaient une bonne occasion pour relancer des débats et remettre au goût du jour des combats que la gauche de gouvernement aimerait ranger au rayon des vieux souvenirs.

Pour les organisatrices et organisateurs de la manifestation antiraciste du 7 décembre à Paris, il ne s’agissait pas de se cantonner à une commémoration, mais bien de souligner l’actualité du combat engagé par les marcheurs et marcheuses de 1983 et de lui donner un nouveau souffle.
Cent-vingt collectifs, associations, organisations politiques, ainsi qu’un syndicat, Solidaires, appelaient à descendre dans la rue ce jour-là. Pourtant, il n’y a eu guère plus de 1 500 à 2 000 personnes à répondre à leur appel.

Une semaine plus tôt, le 30 novembre, un grand nombre d’organisations dont certaines se retrouvaient dans l’initiative du 7 décembre, appelaient à se mobiliser dans la rue pour dénoncer avec des accents humanistes et républicains le racisme en général et les insultes racistes que l’extrême droite a multipliées depuis des mois contre la garde des Sceaux. Trois à quatre milles personnes sont alors descendues dans la rue.

Fragmentation des luttes

Alors que l’extrême droite et les partis de gouvernement, principaux vecteurs de la xénophobie et du racisme, ne cessent de multiplier les déclarations provocatrices et de haine à l’égard des Roms, des sans-papiers et des musulmanes et musulmans, la mobilisation antiraciste n’a jamais été aussi faible.

Ni l’antiracisme revendicatif et offensif qui s’est exprimé le 7 décembre, ni celui plus consensuel, et se prétendant plus rassembleur, qui a battu le pavé le 30 novembre, ne sont parvenus à sensibiliser au-delà des cercles militants.
Dire que les antiracistes ont affiché leurs divisions n’est nullement un scoop, car celles-ci ont toujours existé. Ce qui est nouveau c’est que les divergences dans les discours comme dans les pratiques se traduisent par une fragmentation des luttes et des organisations qui les véhiculent. Et sur ce point les responsabilités sont partagées. En se réclamant de la République, les initiateurs et les initiatrices de la manifestation du 30 savaient bien qu’ils se coupaient d’un nombre non négligeable d’organisations pour qui cette référence est au mieux encombrante et au pire inacceptable.

Pas de convergence

En refusant le principe d’une véritable convergence entre manif antiraciste et manif des chômeurs, des chômeuses et précaires le 7 décembre, les organisateurs et les organisatrices de la manifestation antiraciste de ce même jour se sont privé-e-s d’un symbole qui aurait fait date.

Même si ces mobilisations ne peuvent être perçues en soi comme négatives, le faible nombre de manifestants et de manifestantes et les formes de repli cultivées par chacune d’entre elles interdit toute dynamique permettant de donner une audience vraiment significative au combat antiraciste.

En 1983, c’est l’auto-organisation et les revendications portées par de jeunes immigré-e-s révolté-e-s par les violences racistes qui ont fait passer au second plan les divergences parfois très vives entre associations antiracistes traditionnelles, associations de quartier, gauche et extrême gauche. C’est le manque d’une telle parole à la fois autonome, revendicative, fédératrice et porteuse du principe espérance qui fait actuellement défaut, alors que le gouvernement s’apprête à légiférer sur le droit au séjour des immigré-e-s. Il serait peut-être donc temps de rompre avec des logiques qui font perdre.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

 
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