journal de bord

Un communiste libertaire dans les YPG #10 : « Deux soldats de Daech terrorisés »




« Qui étaient-ils ? Des volontaires étrangers ? Des Syriens ? Qu’est-ce qui les avait amené à s’enrôler ? »


Alternative libertaire reproduit les billets du blog Kurdistan-Autogestion-Révolution, carnet de voyage d’un camarade engagé au sein des YPG.

Au fil des semaines, il témoignera de la vie au sein des milices combattantes, des débats qui s’y mènent et de l’expérience du confédéralisme démocratique dans les zones libérées.


Front Est de Raqqa, le 16 août 2017

Suite de mon précédent billet.

L’après-midi du 27 mai, je descendais du toit sur lequel j’étais de garde, les yeux rivés sur la ville de Mansoura, et je me dirigeais vers la cuisine de la maison où mon tabûr avait pris position.

La soif me brûlait la gorge et j’ai commencé à boire goulûment au robinet (ce qui est rarement une bonne idée pour estomac occidental, si démuni face aux puissantes bactéries du Moyen-Orient). Ce n’est qu’au moment de quitter la pièce que je me suis rendu compte que je n’étais pas seul dans la cuisine : deux personnes étaient couchées dans le fond, pieds et poings liés par des cordes, un bandage sur les yeux.

Un peu secoué, j’ai demandé des explications un camarade, dans mon plus mauvais kurde. Mais la réponse fut limpide : deux soldats de Daech capturés. Qui étaient-ils ? Des volontaires étrangers ? Des Syriens ? Qu’est-ce qui les avait amené à s’enrôler ?

Les questions se bousculaient dans ma tête.

A l’heure du repas, un jeune camarade les a détachés, et pas mal de fantasmes se sont écroulés. En l’occurrence, ce n’était que deux adolescents, presque des enfants ! Le premier devait avoir 12 ou 13 ans, et le second 14 ou 15. Les yeux cernés, terrorisés. Quel genre de propagande le califat fait-il courir sur nous ? On a essayé de les rassurer en leur donnant à manger. Moment étrange. Ils n’étaient que de jeunes villageois recrutés par Daech pour servir de miliciens face à l’avancée de nos troupes. J’ai été leur chercher de l’eau. La curiosité qui m’avait tenaillé jusque-là m’a semblé soudain obscène, une fois confrontée à la plus banale réalité de la guerre.

Cette première rencontre, assez inattendue, a été interrompue lorsqu’une autre unité est arrivée. Nous leur avons cédé la place. La nuit tombait, et notre groupe devait partir en opération le soir même.

Arthur Aberlin

 
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