Un licenciement, ça se mérite, monsieur !




Quelques beaufs de rencontre nous ont bassinés, il y a quelques années, avec l’instauration du permis de conduire à points. La plupart des libertaires n’en ont sans aucun doute rien à faire et ils ont bien raison. Voilà que maintenant sur le même principe s’annonce le licenciement à points. Si l’affaire n’était pas si grave on pourrait même presque dire : le licenciement au mérite.

Le principe est simple comme une lettre recommandée : des critères d’ordre arbitrairement définis par les directions des ressources humaines mettent en place ni plus ni moins que de simples tableaux informatiques contenant pour chacun des salariés, le nombre d’années de service, le nombre de descendants ou d’ascendants à charge, de revenu par foyer, s’il est marié, veuf, handicapé, pacsé, divorcé etc. Au regard de ces renseignements fournis sur justificatifs est attribué un certains de nombre de points. Et celui qui en a le plus... Tatatin... Tu m’as compris ? La seule variable d’ajustement, pourrait-on dire, c’est l’avis du chef de service, générateur de points lui aussi mais dont le rapport reste évidemment confidentiel. Cela évite d’ouvrir la boîte à gifles. S’il est souvent aisé de connaître les situations personnelles de ses collègues, il est plus difficile de percer les opinions du chef du service et de ses intérêts au regard des salariés.

Le règne de l’arbitraire

Ardeur syndicale, retards fréquents, mauvaise humeur récurrente ou ne sachant pas faire le café, tout est bon pour la mise en place de l’arbitraire. Ces évaluations, comme le nombre de revenus par foyer, ne prennent pas en compte la hauteur de ces revenus. Ainsi un salarié dont le conjoint ne bénéficie que d’un tiers temps imposé, aura le même nombre de points que si son époux ou son épouse « cartonne » avec 10000 euros par mois. Il suffit également d’avoir huit enfants, comme Hervé Gaymard par exemple, depuis peu ex-minitre de tutelle de l’Imprimerie en question, pour être quasiment assuré de ne pas prendre la porte avec perte et fracas et de remplacer un célibataire sans enfants qui n’emmerde personne. À moins bien sûr, comme le susdit de faire une connerie par trop voyante. Et si avec ça l’apéro du vendredi avec le contremaître se passe bien, c’est bingo pour la carrière. Un vrai bonheur.

Cette situation trahit l’embarras de la direction actuelle de l’Imprimerie nationale dont le plan social vient d’être rejeté par le Comité central d’entreprise et qui s’appliquera néanmoins. En effet un simple avis des élus suffit. Peu importe qu’il soit positif ou négatif. L’hypocrisie apparente d’une telle situation peut être malgré tout mesurée par la possibilité en amont d’avoir pu négocier la misère. Qu’est-ce qu’on rigole !

Sauve qui peut

Rien d’étonnant dès lors que depuis que de telles mesures ont été annoncées, on parle de lettres anonymes dénoncant les fausses déclarations sur les revenus du conjoint par exemple ou le nombre d’enfants à charge qui seraient en fait dans un autre foyer. Les tentations sont trop fortes. C’est toute une théorie nauséabonde dont la seule signification est le réflexe du désespoir, sauver sa peau et ses échéances du Crédit foncier. Humain. Trop humain.

En attendant les lettres recommandées, la mobilisation a fait long feu. Les organisations syndicales ne peuvent que rabacher, expliquer, consoler parfois et se débattre dans une situation dont seuls les dirigeants, hauts fonctionnaires, sont responsables. La seule possibilité de s’en sortir fut une grève relativement bien suivie avant les trèves de fin d’année et une possibilité de négocier des départs volontaires dont les montants s’étalent de 30000 euros de base plus 900 par année de présence jusqu’à dix ans. Sont également mis en place des congés de reclassement de plusieurs mois accompagnés de l’aide de boîte à fric pour la recherche d’emploi et des départs en retraites anticipés. Les plus favorisés pouvant partir dès l’âge de 53 ans avec un maintien net de 65% du salaire brut annuel.

Les dés sont jetés et chacun et chacune, que son emploi soit menacé ou supprimé, attend les entretiens individuels avec des impatiences de rosière en fin de comice agricole en regardant son voisin ou sa voisine en chien de faïence. Et si c’était lui et pas moi...

Loïc Lenoir

 
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